Metal Méan Festival 2022 : "The Very Last Edition"
- Méan - Havelange
Punkach' renégat hellénophile.
On ne va pas faire l'affront de présenter à nouveau Méan, le festival belge qui se tenait au milieu de nulle part depuis 2005 avec, toujours, des noms qu'on voyait rarement ailleurs sur son affiche. Se tenait, car l'édition de 2022 fut bel et bien la dernière. Ce n'est pas une surprise, l'organisation voulait déjà rendre les armes en 2020 mais, pour une cause bien connue, le grand final fut reporté, et l'édition de 2021 – dont le report est à (re)lire ici – ne fut pas aussi satisfaisante qu'espéré à cause des mesures sanitaires et du stress vécu par l'équipe, dans l'expectative jusqu'au bout sur la possibilité ou non de tenir le festival. Le Metal Méan Festival 2022 fait donc figure de dernier baroud d'honneur, comme un cadeau d'une équipe de passionnés à son public, histoire de garder le souvenir d'un dernier festival sans virus en embuscade.
Nekrovault
12:25
Arrivé la veille, on émerge donc au son des valkyries de Wagner dans cet arpent de campagne wallonne avec la ferme résolution de marquer le coup. L'organisation est rodée, sans surprise, et les Bavarois de Nekrovault entament la journée alors que se dissipent les dernières grisailles matinales. Signé chez Vàn Records, le groupe, qui officie dans un registre death mid-tempo qui cultive la lourdeur, n'a qu'un album sorti en 2020 à son actif et nous le joue donc plus ou moins dans son intégralité. Nekrovault devait d'ailleurs ouvrir l'édition de l'année dernière, mais avait dû annuler, et s'était vu remplacer par Doodswens. Bon, les Allemands font du bon boulot, mais les compositions manquent un certain je-ne-sais-quoi pour véritablement faire mouche. On saluera le jeu de la guitariste, mais les morceaux s'enchaînent sans parvenir à installer l'ambiance d'orage étouffant souhaitée.
Konvent
13:40
C'est en les voyant monter sur scène que je découvre que Konvent se compose de quatre femmes. Non pas que cela ait une quelconque influence sur ma perception de leur performance, mais comme c'était – à l'époque – aussi la cas de Doodswens, je me suis demandé s'il s'agissait là d'une volonté d'inclusion de la part du Méan ou d'un simple hasard. Quoiqu'il en soit, les Danoises s'emparent rapidement et durablement de la scène avec « Grains » pour entamer une série de coups lourds et répétitifs de leur death fortement teinté de doom. Le show est d'une précision toute nordique : la tête lourde, Rikke Emilie List éructe dans son micro tout en esquissant divers signes cabalistiques tandis que les cordes se lancent dans une ligne interminable et complètement hypnotique sur « Puritan Masochism ». Au passage, on notera que Sara Helena Nørregaard assume seule les riffs de guitare, alors que Sophie Lake, qui officie aussi dans Shamash (non, ce n'est pas le même) n'a pu visiblement assurer toutes les dates de la tournée.
La chanteuse prendra le temps de préciser que son quatuor n'est pas au top de sa forme, n'ayant pas fermé l’œil de la nuit, et que l'accueil du public, statique mais très enthousiaste, lui fait fort plaisir. Il faut dire qu'il est visiblement largement conquis par la prestation de Konvent, un nom qui sera dorénavant suivi par les amateurs de musiques pachydermiques ; cela s'est confirmé au stand de merchandising, véritablement dévalisé dès la fin du concert.
Imperial Triumphant
14:50
Depuis la sortie de son cinquième album Spirit of Ecstasy, ce groupe est un peu devenu la pomme de discorde de tous les amateurs de musiques de niche. Certains, et c'est le cas chez Horns Up, trouvent les compositions destructurées d'Imperial Triumphant absolument géniales ; d'autres ne savent pas en supporter la moindre note. Je fais plutôt partie de la seconde catégorie, mais on retrouve la même opposition totale des points de vue sur le camping de Méan. Nombreux sont ceux qui ne montrent pas le moindre intérêt pour cette formation, mais une personne au moins y trouve la retranscription sonore parfaite du chaos urbain new-yorkais, une véritable réinterprétation extrême du free jazz. Je ne réfute pas cette interprétation, mais pour moi c'est purement et simplement inaudible.
[Aparté culinaire : on mange toujours aussi bien au Metal Méan. Les prix restent ceux d'un festival (deux tickets soit 5€ pour à peu près tout, un troisième pour l'option vegan) mais la qualité y est. Le burger vegan au tofu frit est une valeur sûre et ses légumes offrent un peu de fraîcheur, mais les options carnivores méritent aussi d'être citées, le burger et son fromage étant de vrais produits locaux, et non des crasses de supermarché discount. C'est aussi à ça qu'on reconnait les événements de passionnés.]
Nunslaughter
16:00
Autre groupe, autre ambiance : après l'avant-garde new-yorkaise, place au proto-death bas de plafond de l'Ohio. Et encore, malgré son affiliation death/black, je trouve que Nunslaughter garde une patte fort thrashisante, en tout cas en live, ce qui ne contribue pas à rendre ses compositions subtiles. Mais au fond qui s'en soucie ? Les Yankees sont là pour s'amuser et faire beaucoup de bruit, et ça clairement c'est dans leur registre. On commence sans échauffement sur un solide enchaînement « Cerebus » - « In the Greveyard » avant d'aligner les morceaux, tous plus rapides et mononeuronaux les uns que les autres tandis que Don of the Dead ponctue le show de quelques intermèdes destinés à présenter les morceaux, et qui ne dépareraient pas dans un film d'horreur de série B des années 80. « Sickened By the Sight of Christ », « Mother, Cunt, Whore ».. ; les titres sont à l'avenant. Les guitares partent en vrille et le chanteur arpente la scène, haranguant à droite à gauche. Bon, pour les fans c'est certainement très solide, mais personnellement, si j'apprécie l'incontestable énergie de l'ensemble, je trouve le style un peu répétitif. Il faut dire que Nunslaughter s'est vu confier la tâche difficile d'occuper l'après-midi, quand la digestion et la chaleur entrent en scène, et le public résolument statique n'aide pas à transformer cet essai tout en fureur.
Mortuary Drape
17:15
Il n'y a pas de Méan – ni sans doute de festival dans un monde post-Covid d'ailleurs - sans annulations. J'étais très enthousiaste à l'idée d'enfin voir Hulder, le one-woman band belgo-américain ayant été absent de l'affiche finale en 2021. A mon grand désarroi, c'est aussi le cas cette année, et la nouvelle prêtresse du black médiéval se trouve remplacée par Mortuary Drape. Bon, je me consolerai avec le splendide nouvel EP de Hulderen envisageant très sérieusement de traverser l'Atlantique, mais je ne bouderai pas mon plaisir ; les vétérans piémontais du proto-black promettent du très solide.
Les Italiens ne crachent pas sur la théâtralité : après de longues balances, l'armoire à glace qui sert de chanteur déboule sur scène, tout de bure vêtu, pour ouvrir d'un geste ample le rouleau posé sur un pupitre, qui déploie ainsi une bannière frappée du nom du groupe. Et d'entamer le concert sur un « Necromancer » et son refrain qui tient en un couplet, « Torment of Necromancer » scandé à trois voix. Les Italiens enchainent les tubes de leur – incontournable – album Secret Sudaria de 1997, avec « Obsessed by Necromancy » puis « Necromaniac » (oui, il y a un certain schéma qui se répète) tandis que les guitaristes virevoltent sur la scène et que Wildness Perversion, appuyé sur son pupitre, se tape de temps en temps le crâne de son micro, ce qui rend un son mat qui me laisse penser qu'il porte une sorte de masque de hockey sous la capuche. Sauf qu'à ma grande surprise, le public reste majoritairement de marbre. Comme si Mortuary Drape, groupe qui jouit d'une très bonne réputation mais reste certes de niche, décontenançait une audience qui aurait besoin d'être prise par la main, ce qui n'aide pas à l'immersion collective. L'horaire a aussi son influence, jouer à l'heure la plus chaude et lumineuse de la journée n'étant pas une sinécure, mais sur scène, ils n'hésitent pas à suer sang et eau. On sera quelques-uns au centre de la foule à vraiment soutenir le groupe comme il le mérite sur « Larve » et « Primordial ». Mortuary Drape fait donc partie des groupes que j'aimerais revoir dans un meilleur contexte, car la performance était impeccable. Elle aurait juste mérité plus de répondant depuis la fosse.
Parlant d'annulations, il en fallait bien une de dernière minute. Cette ultime année, c'est le groupe de death technique allemand Obscura qui en fait les frais à quelques jours de l'échéance, au grand dam de fans visiblement assez nombreux. Les Anversois de Carnation assureront le remplacement mais, au vu des poids lourds qui suivent, leur set est perçu comme une opportunité de retourner souffler au camping pour pas mal de monde.
Demolition Hammer
20:15
Allez, c'est parti pour la bagarre ! Honnêtement j'ai vécu ce concert des New-yorkais comme une suite ininterrompue de riffs ultra-agressifs qui ont mis le feu au public de la première à la dernière seconde ; dès l'ouverture sur les bourrinissimes « Skull Fracturing Nightmare » et « Crippling Velocity », j'ai eu l'impression que c'était l'ensemble de la foule qui se soulevait comme une seule personne pour mettre des patates à tout ce qui passe à portée. Je finis forcément par me joindre à la mêlée, et le reste est quelque peu flou. Des bleus, des bosses, des gars bien trop lourds pour qu'on les autorise à slamer, et un circle pit permanent sur lequel on aurait pu brancher une dynamo pour assurer l'avenir énergétique de la Belgique. « .44 Caliber Brain Surgery », « Epidemic of Violence », Reynolds se racle la gorge, les guitares virent tronçonneuses, et le jeu de massacre continue. C'est exactement ce que tout le monde était venu vivre, et Demolition Hammer nous l'offre, ou plutôt nous le fout en pleine face, et avec le sourire encore bien. Un concert monstrueux, une décharge d'énergie pure, dont j'aurais bien aimé voir une petite fraction pour Mortuary Drape.
Dark Angel
21:40
Véritable tête d'affiche du festival, Dark Angel a visiblement droit à son lot de fans. Personnellement, n'étant globalement pas grand amateur de thrash, je n'ai pas des attentes démesurées envers les Californiens, et je suis l'affaire de plus loin avec un énième repas. Première (bonne) surprise, Ron Rhinehart a gardé une certaine voix. Il est même capable de variations de registres sur « Never to rise Again » dont je n'ai pas souvenir sur album. La seconde, c'est que les hostilités continuent dans la fosse, comme quoi certaines personnes savent se motiver dès que les compositions s'avèrent simplissimes. La mauvaise surprise par contre, c'est que le chanteur ponctue les morceaux – qui font tous dans les trois minutes – de discours tout aussi longs, et en général plutôt peu pertinents. Mon attention était déjà partie bien loin, mais il semblerait qu'il ait fait un long speech sur son frère, décédé d'une chute de vélo. L'histoire est triste, certes, mais on se retrouve avec un concert qui paraît interminable alors que le nombre de morceaux joués n'est pas si élevé, et avec de régulières cassures de rythme. Pour ma part, l'herbe derrière le chapiteau me parait vite plus accueillante.
Inferno
23:20
La fatigue se fait sentir, mais par abnégation professionnelle et parce qu'il me reste quelques tickets à boire, je tente le dernier concert de la soirée. Je ne connaissais absolument pas ce groupe, qu'on m'a vaguement décrit comme du black ritualiste, ce qui peut donc annoncer tant le pire que le meilleur. Mais le groupe tchèque est plutôt du bon côté du spectre : pas de fioritures inutiles, juste des riffs BM qui me font plutôt du bien après une journée aussi marquée du sceau du thrash. Je resterai donc sur place le temps des deux ou trois premiers morceaux, dont un très prenant « Descent into Hell of the Future », comme pour redescendre sur quelque chose de plus doux à mes oreilles.
Conclusion
Et voilà, le Metal Méan Festival est mort comme il l'a voulu. Comment conclure sur cette dernière édition ? Du côté de la programmation, à titre personnel j'ai trouvé qu'elle penchait un peu trop fort du côté du thrash, un style avec lequel j'ai toujours eu du mal. Mais jusqu'au bout, Méan a été un festival proposant des affiches originales, où de grands noms cotoyaient des découvertes plutôt rares sous nos latitudes. L'organisation fonctionnait à la perfection, et on n'aura vraiment rien à redire à l'accueil mis en place par le staff, entièrement bénévole il faut le rappeler. Difficile, forcément, de ne pas ressentir un léger sentiment de trop peu une fois repliée la tente. Mais au moins on aura pu fare partie de cette aventure.
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Crédits photos : Matthias