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Lorsque le mimétisme amène la différence…
Bien étrange formulation que voilà mais pourtant si cruellement logique à l’écoute du nouvel opus d’un des artistes mélodiques les plus attendus de l’année.
Etrange en effet que de ressentir une déception tout en admettant que rien objectivement n’a réellement changé, que rien n’a pourtant bougé, que le travail est toujours d’orfèvre et surtout que l’interprétation survole encore une fois le reste de ce qu’on appelle la scène métal symphonique. Pourquoi alors ? Pourquoi Kamelot ne nous émerveille-t-il plus ?
"Ghost Opera" avait déjà créé la polémique…son orientation plus sombre, sa dimension tragique, son délaissement speed pour aboutir à une œuvre cohérente, forte, puissante et émotionnellement intense, symbolisant le romantisme comme peu de groupes avaient jusqu’alors réussi à le faire. Certes, le speed de "Karma" et "Epica" ou le metal léché et technique de "The Black Halo" étaient quelques peu délaissés…Kamelot avançait…à sa manière…avec grande classe.
Après avoir osé ceci, "Poetry for the Poisoned" en était venu à devenir l’opus le plus attendu par les américo-norvégiens, notamment pour savoir comme ils prendraient le virage post-"Ghost Opera".
La première claque est visuelle…le digipack est sublime, le livret une merveille artistique…quand à l’artwork, sombre, malsain…une représentation des plus dérangeantes d’Adan et Eve, cassant les conventions et semblant dire que Kamelot avait définitivement quitté ses habits les plus lumineux pour se faire chantre d’une musique toujours plus sombre.
Evidemment, "The Great Pandemonium" va dans ce sens. Malgré un parallèle trop évident et volontairement grotesque à "March of Mephisto", on appréciera les vocaux d’un Roy Khan plus tourmentés que jamais, susurrant les litanies du démon à nos frêles oreilles, entre les hurlements cadavériques d’un Bjorn Strid (Soilwork, Coldseed) décidément partout en ce moment. Le riff se veut couillu mais traditionnel, laissant la place à de nombreux arrangements, notamment vocaux, évoquant les prières d’âmes en peine, ainsi que le chant angélique mais lointain d’une femme…Le solo démontre tout le talent de Thomas Youngblood pour sortir des notes avec un flegme et une classe unique, sans démonstration ni déchets.
Une idée germe alors…notamment suite à ce final bien plus speed du morceau introducteur. Kamelot aurait-il osé faire le liant entre ses deux albums fétiches ? "The Black Halo" et "Ghost Opera". La facette speed du premier avec la grandeur sombre du second ? Pas tout à fait…même si l’on y sent une tentative de rallier ses différents publics, Kamelot se perd en omettant de créer une identité propre à son œuvre globale…
Néanmoins, certains morceaux peuvent déjà figurer parmi les chefs d’œuvres du groupe. Comment ne pas frissonner devant l’immense "The Zodiac" ? Intimiste, elle s’ouvre sur un arpège délicat, où Roy y installe une poésie sans commune mesure, de son chant suave et unique, tissant un paysage sombre, dangereux mais curieusement onirique, invitatoire…où le danger prendrait la forme du dantesque Jon Oliva qui, après sa performance hallucinante sur le "Death is Just a Feeling" d’Avantasia, marque encore une fois de son génie ce morceau. Lui conférant une force et une aura incroyable, il porte le morceau qui, après un solo tout en finesse absolument sublime, laissera éclater son sublime talent.
Outre ce morceau, une perle telle que "Necropolis" démontre encore les capacités créatives du combo pour aller plus loin dans son exploration musicale. Amalgame d’éléments électroniques et traditionnels du groupe, presque ethniques parfois, il trouve sa structure dans une ligne vocale une nouvelle fois magistrale de Roy qui, de son simple timbre, défini un morceau. Un refrain magique, sombre, enlevé…surement le plus marquant de l’album, ponctué d’effets et d’arrangements inventifs des plus intéressants.
Intéressant. Créatif. Enlevé. Magique.
L’antithèse totale d’un "If Tomorrow Came", platement speed, abreuvé d’effets électroniques de relativement mauvais gouts ainsi que de guitares complètement en retrait abandonnant ce pauvre Roy la majeure partie du morceau…pour ressurgir sur un refrain plus accrocheur mais sans accroche, sans magie, sans envie même…profondément ennuyant…et vide…curieusement vide…Kamelot qui était si renommé pour la profondeur d’interprétation de ses morceaux. Que dire d’un "Hunter’s Season" dans le sillage d’un métal mélodique affreusement banal et sans âme ? Certes, on y reconnait les arrangements symphoniques fins et classieux du combo, la voix si particulière mais encore une fois, ses envolées ne prennent plus…sa mélancolie ne touche plus, le vocaliste semblant plus blasé que réellement concerné, malgré quelques beaux moments (toujours ces refrains…), dont un solo concocté par Gus G (Firewind, Ozzy Osbourne) absolument monstrueux de technique et de puissance (que ça fait du bien…).
Il restera un morceau éponyme relativement dantesque, divisé en quatre parties pour un total de neuf minutes où Kamelot délivre son plus beau métal symphonique. D’un "Incubus" initial, ambitieux, grandiloquent mais toujours sans aucune prétention, simplement beau, digne d’une bande originale de films (ces majestueuses montées de cuivres), la mélodie est touchante et Roy se montre bien plus concerné, vivant son texte, son interprétation sur cette mini épopée ouvrant un morceau grandiose et haletant. "So Long" nous réconciliera avec la beauté naturelle, presque bouleversante du chant de Roy, se mêlant à la voix magnifique de Simone Simmons (Epica) pour nous tirer les larmes et presque faire oublier la déception passée, notamment lorsque les descentes de toms arrivent et le riff se fait plus insistant. L’intensité montre progressivement, sans jamais réellement exploser mais en gardant une constante et surtout une aura prenant aux tripes, pour aboutir à un solo merveilleux sur "Dissection" qui viendra clore de très loin le meilleur morceau épique jamais écrit par Kamelot.
Cependant, "Poetry for the Poisoned" reste ce qu’il est, une semi-déception vis-à-vis des espoirs entrevus en lui, et surtout du lourd passé du groupe qui, dorénavant, n’avait plus réellement le droit à l’erreur. Kamelot vient donc s’ajouter, avec Angra ou Blind Guardian, au rang de ces groupes majeurs du monde mélodique qui, en cette année 2010, auront déçu de ne sortir des albums « que » honorables, et non plus exceptionnels comme ce fut le cas dans le passé…dur tribut que de posséder le statut de groupe majeur de toute une expression musicale…
1. The Great Pandemonium
2. If Tomorrow Came
3. Dear Editor
4. The Zodiac
5. Hunter’s Season
6. House on a Hill
7. Necropolis
8. My Train of Thoughts
9. Seal of Woven Years
-Poetry for the Poisoned-
10. PT I Incubus
11. PT II So Long
12. PT III All Is Over
13. PT IV Dissection
14. Once Upon a Time
Bonustrack
15. Where the Wild Roses Grow (Nick Cave Cover)