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Raton et la bagarre #16

lundi 20 juin 2022
Raton

Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.

La France est touchée par une vague de chaleur sans précédent et les sorties hardcore récentes, la première démo de Calcine notamment, y sont peut-être pour quelque chose (oui j'ai osé ce parallèle). Avril et mai ont aussi et surtout confirmé la richesse retrouvée de la scène, la grande diversité de ce qu'elle offre autant au fief étatsunien qu'en Europe, avec plein de nouvelles forces émergentes en France et au Royaume-Uni.

Pour faire honneur à cette pluralité, ce copieux numéro comporte 4 groupes français, 5 groupes étatsuniens, 3 groupes britanniques mais aussi un suédois et un japonais. C'est aussi l'heure du bilan pour des étoiles montantes comme Heriot ou Static Dress, les retours attendus de GospelOtoboke Beaver et God Mother ou encore des EPs prometteurs avec CalcineRough GroundHome Is Where et Constante.

Continuez à aller voir des concerts - Lyon, Rennes et Paris confirment leur attractivité hardcore -, continuez à soutenir vos artistes et à supporter la scène de votre énergie féroce et positive. Vous n'avez pas besoin de moi pour le faire mais l'avenir et l'indépendance du hardcore dépend de la ferveur de ses soutiens, alors ça ne fait jamais de mal de le répéter.

 

Heriot – Profound Morality
Metalcore / Sludge – Royaume-Uni (Church Road)

Heriot était probablement, avec Static Dress, la plus belle arlésienne du hardcore récent. Des singles disséminés pendant 2 ans sans jamais voir le bout du nez d'un EP ou d'un album. Pour prolonger la proximité, les deux groupes sont britanniques et se sont finalement chacun décidé à sortir leur premier LP dans ces deux derniers mois.

La ressemblance s'arrête là car Heriot propose un metalcore nettement plus violent et torturé, une vision d'enfer servie par un chant féminin démoniaque (les blackeux en sueur). Mais la proposition de Heriot va au-delà du simple metalcore et contient tout une myriade d'influences et de couleurs encore plutôt rares dans le style.
Sur la couche de metalcore compact, qui joue beaucoup sur les basses et les infrabasses pour un rendu le plus cauchemardesque possible, s'ajoutent différents styles. Du death metal se fait clairement entendre, notamment sur le terriblement efficace "Enter the Flesh" et sur "Near Vision" où le groupe utilise la pédale instantanément reconnaissable HM-2, symbole culte du death metal suédois. Beaucoup de sludge entre aussi dans la composition avec un accent porté sur la lourdeur des morceaux et le goût pour des mid-tempo récurrents, ce qui m'a souvent évoqué le travail de Chaver ou Leeched.
Mais ce n'est pas tout ! Figurez-vous que la chanteuse s'autorise plusieurs passages en chant clair pendant des interludes qui renvoient directement à Emma Ruth Rundle ou Chelsea Wolfe. Ces petites nappes éthérées, au milieu des déflagrations hantées et sourdes, sont aussi surprenantes que bien exécutées.

Ce goût pour les pauses, les changements nets de textures et d'atmosphères font irrémédiablement penser à Code Orange dont on sent clairement l'inspiration dans les constructions de morceaux et de rythmes avec des glitchs, des interruptions brutales et des intro aux touches industrielles. Néanmoins, ce grand ballet d'inspirations et d'explorations sonores, sur seulement huit morceaux et 20 minutes, rend le tout encore assez inconsistant. L'album aurait gagné (et attention je ne le dis jamais) à avoisiner les 12 titres pour gagner en cohérence et en équilibre.

 

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Otoboke Beaver – Super Champon
Hardcore garage – Japon (Damnably)

Après un triomphe en 2019, les quatre Japonaises de Otoboke Beaver reviennent foutre un bordel monstre avec leur hardcore déglingué aux mélodies garage et incroyablement fun.
A la première écoute, "Super Champon" est un peu moins percutant que "Itekoma Hits", mais une réécoute, même distraite, montre qu'il est toujours aussi rempli de mélodies mémorables (comme le banger instantané "Yakitori"). Bien que mes titres préférés restent sur "Itekoma Hits",  ce nouveau disque est loin de faire de la redite et propose des titres à l'identité bien distincte de ce qu'on leur connaissait.

Et puis surtout, ça reste blindé d'énergie communicative, bourré de générosité contagieuse, envoyé à 100 à l'heure sur l'autoroute du punk. Les changements de rythme restent légion, comme sur le très malin et enthousiasmant "Nabe party with pocket brothers" où les musiciennes s'amusent à jouer avec l'auditeur dans les pauses et reprises.

Certes, l'effet de surprise est passé et comme c'était ce qui avait principalement porté le premier album, certain.e.s resteront sur leur faim, mais ça n'en rend pas "Super Champon" moins intéressant. Les Japonaises restent souvent dans des terrains qu'on leur connaît bien mais développe davantage la pluralité de leur palette avec quelques morceaux moins saturés. Ça permet aussi à "Super Champon" d'être plus digeste que son prédécesseur, qui pouvait faire un peu mal au crâne sur la durée.

 

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Calcine – Demo 2022
Metalcore – France (auto-prod)

Comment ne pas être enthousiaste au plus haut degré quand on apprend la formation d'un nouveau groupe de metalcore parisien, avec une femme au chant et formé par des membres de Montagne (excellent post-metal) ? En tout cas de mon côté, ça coche une grosse partie du cahier des charges avant même d'avoir commencé.
Dans un style tortueux et très métallique, Calcine s'amuse à faire un premier EP vicelard mais instantané avec un chant pouvant rappeler les classiques du metalcore fédérateur d'une certaine époque, Walls of Jericho en tête.

Néanmoins, le groupe n'oublie pas ses ascendants guerroyeurs et cède régulièrement à l'appel de la pataterie, comme sur "Denial" avec son riff saccadé, ses changements de rythme et ses deux breaks simples mais bien sentis. On sent aussi que les musicien.ne.s se sont faits plaisir avec des riffs régressifs, des ornements métalliques façon evil metallic hardcore ("Neglect" en est bardé). Mais c'est surtout sur les deux samples du disque qu'on reconnaît la facétie de Calcine : sur "Arsonists" on reconnaît un extrait de l'INA où un jeune garçon se présente comme un bourgeois qui collectionne des porte-clés. Le sample de fin de morceau lui répond directement avec une jeune ouvrière qui rappelle avec fierté "je ne suis pas une michtonneuse".
Enfin, mention spéciale à l'intro, composée par Loubamour, et qui reprend les codes sirupeux de la city pop japonaise avant de laisser place au déluge de saturation.

En somme, un EP fait par des fans, pour des fans, débordant de sincérité et d'amour du metalcore crachotant d'il y a 15-20 ans.

 

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Static Dress – Rouge Carpet Disaster
Post-hardcore / Metalcore – Royaume-Uni (auto-prod / Venn)

Je vous présentais le premier EP de Static Dress, attendu tel un messie à frange, dans la Bagarre n°14 et ne vous en faisait pas une grande promotion. Les nouveaux enfants chéris du revival metalcore époque rawr et damiers, généralement appelé "scene-revival" en dehors de la France, confirment donc leur volonté de prendre le trône occupé par SeeYouSpaceCowboy ou Code Orange avant cela.

Les Britanniques avaient passé presque deux ans à égréner les singles avant de se décider à publier un EP perdu entre deux eaux, celle d'un post-hardcore émotif geignard et celle d'une volonté narrative plutôt pénible à base d'interludes et de sons enregistrés. Ils rattrapent donc le temps perdu en sortant leur premier LP quelques cinq mois après cette aventure qui n'avait reçu qu'un succès partiel, les auditeur.trice.s ayant été assez décontenancé.e.s.

Ce dont j'ai pu me plaindre dans mon dernier billet se retrouve étalé ici sur 40 minutes de lamentations colériques, toujours entre des voix claires sirupeuses dignes des succès emo-pop d'un temps et des riffs et hurlements saturés qui reprennent le kit basique du metalcore chaotique adolescent. Pourtant, je peux aimer me rouler dans le cliché et les codes répétés à l'usure, mais Static Dress le fait avec cette attitude arrogante qui prétend réinventer la roue qui a le don de m'énerver au plus haut point.

Je conçois que cet album puisse être une écoute agréable pour qui voudrait se replonger dans les clichés du scene-core ou pour qui aimerait découvrir cet univers avec un starter pack exhaustif, mais du reste il est une de mes écoutes les plus désagréablement éprouvantes de ces derniers mois.

 

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Rough Ground – Demo 2022
Metalcore / Hardcore façon New York – France (auto-prod)

On ne parle clairement pas assez de Rough Ground. Le projet français, distribué par Youth Authority Records, vient de sortir sa deuxième démo en deux ans. Clairement influencé par le hardcore/metalcore new youth crew d'Incendiary à Turnstile en passant par Suburban Scum, Rough Ground n'a pas besoin de 10 titres pour briller d'efficacité et de malice bagarreuse. Ceci étant dit, les 6 minutes de cette démo restent frustrantes car l'étalage de maîtrise et les références parfaitement ingérées donnent l'eau à la bouche sur ce que le groupe sera capable de sortir en (semi) long format.

Si la première démo était portée par l'assassin "Be Yourself" et sa basse imparable, cette seconde démo fait particulièrement des étincelles sur le fédérateur "Regain Control". En plus d'un riffing à la Turnstile première période en plus courroucé, Rough Ground apporte des nouvelles touches de crossover. J'y vois notamment du Mindforce, que ce soit dans certains riffs ou dans le chant, faites-en ce que vous voulez. Mais grâce à une habile composition, le groupe ne tourne pas au pastiche : les hurlements de guitare et les breaks qui ne tombent pas dans la surenchère y sont notamment pour beaucoup.

 

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Gospel – The Loser
Post-hardcore / Rock prog – USA (Dog Knights)

Gospel est un groupe qui n'a eu qu'une seule occasion de témoigner de sa virtuosité. Leur unique album, "The Moon Is a Dead World" datait de 2005 et il est largement considéré comme un petit chef d'oeuvre ou du moins un classique bien assis du screamo. Gospel a toujours tenu le rôle du petit surdoué de premier rang dans la classe screamo. Les influences progressives et la présence de l'orgue marquent la patte du groupe et en ont fait le représentant de ce que certain.e.s se risquent à appeler du "progressive screamo".

Je n'aurai pas cette audace, mais force est de constater que 17 ans plus tard, ce qui faisait la sève de Gospel et de son identité sonore est toujours bien présente, avec les mêmes prouesses et les mêmes textures travaillées. Le rock progressif prend même davantage de place, faisant nécessairement rétrécir celle du screamo, perceptibles que dans les lignes vocales étranglées et dans les tonalités et rythmiques post-hardcore des guitares. En revanche, les claviers se font beaucoup plus présents et viennent renforcer les textures progressives à la manière d'un Opeth.

"The Loser" est un exercice compact qui redéfinit avec autant de subtilité que d'audace la mythologie de Gospel. Deux décennies après, l'essence reste, le vernis se polit et le propos se densifie pour ne garder que l'essentiel. Une musique sophistiquée qui garde des atours punk avec une voix faussement désinvolte qui laisse aux instruments le tissage d'atmosphères inquiétantes et lancinantes.

 

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Malevolence – Malicious Intent
Metalcore / Groove – Royaume-Uni (Nuclear Blast)

lol Pantera metalcore goes brrrrrm blegh

(mauvais goût mais méga marrant, sauf "Higher Place" qui est une balade façon Black Label Society des mauvais jours)

 

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Constante – Esquive les ruines
Screamo – France (auto-prod mais distribué par plein de labels cool)

Constante est devenu une valeur sûre de la nouvelle scène screamo française à force de concerts et de tournées plutôt qu'à force de sorties. Et pour cause, avant "Esquive les ruines", les Rennais n'avaient sorti que deux morceaux. Même si ces deux titres sont longs (7 et 11 minutes), ils datent tout de même de 2019.
Avec cet EP quatre titres, Constante triple donc sa discographie de la meilleure manière. Les fans de screamo français ne seront pas perdus, on y retrouve ces plages lancinantes matinées de post-rock, le mélange de voix claire scandée et de chant saturé sur des paroles à la poésie obscure et exigeante. Mais même si on est généralement en terrain connu, les Rennais réservent des surprises comme sur le dernier et solide titre, "Peau de chagrin", plus menaçant et dissonant que ce que la scène produit habituellement.

Ce qui est encore plus fragrant en live s'entend aussi sur cet EP : les phases post-rock, interludes ou transition, les tricottis atmosphériques sont tellement plus soignés que la moyenne. Constante apporte un vrai soin à ces passages pour proposer davantage que des énièmes crescendos en tremolo picking perdus dans le delay et c'est aussi ce qui fait émerger le groupe de la mêlée.

 

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Black Matter Device – Autonomous Weapons
Mathcore – USA (Dark Trail)

Je ne vous cache pas que quand j'ai reçu le mail m'annonçant la sortie du nouvel album de Black Matter Device sur le label californien Dark Trail Records avec une review de BrooklynVegan qui le qualifie de "the best headache you've ever had", j'ai été pris d'une sacrée flemme.
J'aime le mathcore, j'aime le hardcore chaotique et impertinent, mais il faut avouer que les sorties de Dark Trail poussent les potards souvent très loin dans la dissonance bordélique et que ça ne marche qu'une fois sur deux avec moi.

Et il faut bien avouer que BMD ne fait pas partie des plus subtils de sa scène. Après, en mélangeant du mathcore frénétique avec une approche sasscore évidente (il suffit de regarder le nom des morceaux, à l'instar de "Snuff Film Actor's Guild"), il ne fallait pas s'attendre à un cours d'astrophysique. Mais il faut admettre que les titres de ce "Autonomous Weapons" fonctionnent extrêmement bien et que le groupe de Virginie a réussi à trouver un équilibre pertinent entre riffs sourds, éclats dissonants, blast beats de zinzins et arrangements étranges. Même quand ils s'autorisent des morceaux plus premier degré, comme sur le final "Gender Mountain", c'est bien pensé et habilement mesuré.
Si vous voulez un Frontierer en plus varié ou un Pupil Slicer en plus rigolo, vous savez où ça se passe.

 

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Home Is Where / Record Setter – Dissection Lesson
Emoviolence / Screamo – USA (Father/Daughter)

Le très bon projet de midwest emo ludique Home Is Where rejoint les Texans de Record Setter pour un split de haute volée. Pour l'occasion Home Is Where part dans des contrées qu'on ne lui connaissait pas avec une forme d'emoviolence ultra compacte et menée par un chant déchiré, loin des scintillements midwest du premier album. Le premier morceau "Names" est même probablement un des meilleurs titres emoviolence récents, car à la grande sensibilité hurlée s'ajoute une thématique forte et intime, celle de la violence commise sur les femmes trans et la négation perpétuelle de leur identité, comme une mort symbolique sans cesse réitérée. Le second titre, tout aussi saisissant, "Creationish" voit l'arrivée de cordes frottées amples et expansives et d'une intervention vocale toujours juste de Pierce Jordan de Soul Glo.

Après ces deux tours de force, la barre est très haute pour Record Setter qui livre pourtant un screamo lo-fi convaincant. Les arpèges midwest et la dissonance s'y mêlent adroitement avec un chant particulièrement bon, torturé et sur la ligne entre voix de tête et saturation. C'est inévitablement en-deçà des deux morceaux de Home Is Where, mais ça reste dans le haut du panier du "midwest screamo" récent.

 

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God Mother – Obeveklig
Metalcore – Suède (auto-prod)

God Mother est un des premiers groupes qui m'a fait entrer pleinement dans le hardcore. Ce que j'adore avec le projet de hardcore métallisant suédois, c'est son authenticité et le fait qu'il ne se prend jamais pour ce qu'il n'est pas. Le groupe offre un metalcore instantané, nourri par des décennies de ramifications dans la scène hardcore et savamment construit sans pour autant se perdre dans le conceptualisme, les interludes longuets et les démarches alambiquées.
L'ombre de Converge est évidente et les Suédois mentionnent volontiers Cult Leader, mais sans la pesanteur parfois encombrante. God Mother est un groupe de hardcore franc du collier, une bête gonflée au mathcore, grindcore et autres sludge, mais dont l'hybridation est naturelle.

L'EP ne dure même pas 10 minutes, mais fait démonstration de ce qu'on peut s'attendre de mieux dans le style, des riffs créatifs à la basse massive, sublimée par la production signée Magnus Lindberg de Cult of Luna.

 

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Simulakra – The Infection Spreads
Metalcore / Deathcore – USA (DAZE)

Pour les amateurs et amatrices de philosophie kantienne et des films de Wong Kar-wai (non), le groupe de metalcore misanthrope américain, Simulakra, vient de sortir son tout premier album (évidemment chez DAZE). Après deux EPs aux titres évocateurs comme "Tales From the Fevered Subconscious" et "Mankind Is a Disease", le projet du Delaware étale sur 10 titres son metalcore façon kreum-kreum sourdingue aux accents deathcore. Les personnes friandes de Moment of Truth, Jesus Piece ou Year of the Knife (dont le chanteur Tyler Mullen apparaît d'ailleurs sur le dernier morceau) seront donc aux anges.

Que les fans de la première heure soient prevénu.e.s, deux des dix titres sont des réenregistrements du dernier EP. Le reste du disque décline ce metalcore crépusculaire privé de la dissonance dont sont pourtant coutumiers un bon nombre de groupes de la scène (Sanction ou Vatican notamment). C'est d'ailleurs ce que je reprocherais à l'album, sa trop uniforme sombreur (je vous jure que ce mot existe). Les riffs finissent par se confondre dans la course à l'obscurité et on ne retient finalement que peu de choses malgré une exécution irréprochable.

 

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Anna Sage – S/T
Metalcore / Post-metal – France (Season of Mist / Klonosphere / Itawak / Zegema Beach)

Je n'avais jamais entendu parler du groupe de metalcore parisien Anna Sage, donc les découvrir via Zegema Beach Records a été une excellent surprise. Co-distribué par une foultitude de labels dont les Français Klonosphere, Season of Mist et Itawak Records, ce premier album est une très solide proposition aux confluents du metalcore et du post-metal.

D'habitude très peu client des "for fans of" ou des listes de groupes similaires, je dois pourtant me plier à l'exercice tant Anna Sage est le résultat d'une très belle équation : Amenra x Converge + Neurosis + Wristmeetrazor. On ressent toutes les textures et les volutes de fumée noire du premier ainsi que le poids du hardcore chaotique, incandescent du second. Puis parfois des passages volcaniques qui rappellent Neurosis et du mathcore strident qui renvoie à Wristmeetrazor.

L'album parvient surtout le tour de force d'être accrocheur et pertinent alors qu'il s'étend sur 40 minutes, sans être itératif alors qu'on connaît très bien les terrains qu'il arpente. Si vous voulez des progressions menaçantes convaincantes et des éructations puissantes et émotives, vous savez où vous diriger.

 

Pour vous rappeler la délicieuse sensation quand il y avait du rab de cordon bleu à la cantoche du collège, voici d'autres recommandations en vrac pour ravir vos oreilles de monomaniaques : 

  • Je vous avais présenté Feverchild dans la 11e Bagarre et le projet de revival midwest emo belge est de retour avec un petit EP deux titres. Pas assez de contenu pour une entrée complète, mais le groupe transforme l'essai du premier EP et livre deux nouvelles pistes sincères, aux progressions finement écrites et débordantes d'authenticité emo à l'ancienne, au point de faire douter de leur nationalité.

  • Deux des groupes les plus intéressants de la nouvelle scène screamo internationale viennent de sortir un split puissant sur Zegema Beach (encore eux). Les Américains de Crowning, qui pourtant ne m'avaient pas entièrement séduit avec leur premier album, livrent une très bonne partie avec même un break (!) sur "Elysium" et les Singapouriens de Naedr restent fidèles à leur talent avec une partie concise mais impeccable d'agressivité émotive.

  • Les grands enfants de Sunami (beatdown avec membres de Drain, Gulch et consors) signent leur retour en terres stupides avec un EP promo pour annoncer la sortie de leur premier LP chez Triple B. Cet EP est composé de trois titres, dont un de 37 secondes et une reprise d'Animosity (deathcore de San Francisco du milieu des années 2000). Si vous aimez la démarche ironique du groupe, allez-y sans sourciller, sinon ce n'est pas ce nouvel essai qui vous convaincra.

  • Kublai Khan a publié un nouvel EP et c'est aussi con et caricatural que prévu. Rien que le premier morceau fait appel à Scott Vogel de Terror pour aller dans la surenchère de riffs sourds en palm mute, de breaks bien produits et d'harmoniques artificielles. Autant vous dire que c'est un raté complet pour moi, mais la junk food fait parfois du bien alors si vous vous sentez d'humeur boîte crânienne vide, ce "Lowest Form of Animal" reste une solution viable. 

  • Chamber, dont je vous avais présenté le premier opus dans la Bagarre n°7 vient de sortir un EP surprise. Toujours ce même mathcore frénétique, massif et animé par la flamme metalcore. Du haut de ses trois morceaux, l'EP est un brin trop court, mais tous les titres sont de très bonne facture, surtout le dernier. Mention spéciale à la basse, bien gourmande.

  • ASkySoBlack, groupe américain qui avait commencé sa carrière avec un EP perdu entre plusieurs styles nostalgiques (post-hardcore, metal alternatif et metalcore) semble avoir trouvé un équilibre sur son deuxième EP, plus apaisé. Les influences de la scène Nothing, Basement et cie sont diminuées pour tourner à fond le potard Deftones. Pas désagréable mais manque de valeur ajoutée.

  • Ça vient du hardcore bien que ça n'en soit plus : Spice sort son deuxième album. Formé par le chanteur et le batteur de Ceremony, le projet verse dans l'indie rock influencé par le post-punk revival. Quelques singles sympathiques portent l'album et ça vous fera sans doute plaisir pendant la période estivale.