Série Noire #4 - Negative Plane, Ultha, Te Ruki, Devil Master, In Twilight's Embrace...
mardi 7 juin 2022Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Tous les deux mois, la Série Noire revient sur les sorties marquantes des diverses branches Black Metal. Aujourd'hui, il est temps de vous proposer une sélection qui mêle actualité et coups de coeur des mois d'avril et mai, de la Polynésie française à l'Ukraine en passant par l'Australie, et du Post Black au Trance Black Metal et au Black'n'roll !
Negative Plane – The Pact
Black Metal – Etats-Unis (Invictus Productions)
Dolorès : Voilà déjà 11 ans que le chef-d’œuvre Stained Glass Revelations est sorti. Tant d'années, cela crée forcément beaucoup d'attente et j'avais peur que The Pact, leur troisième album, ne soit pas à la hauteur. Menace rapidement écartée, dès la première écoute, car le groupe de black américain a carrément eu le temps de peaufiner cet album qui était sur le feu depuis deux ans.
La recette ne change pas vraiment, on plonge à nouveau dans ce black obscur, occulte dirons certain(e)s, pourtant parsemé de lignes de guitares mélodieuses et dont l'exécution et les nombreux ornements affiliés sont vraiment typiques de la composition de Negative Plane. Le petit coup de boost côté production n'est clairement pas désagréable, car sans rendre le tout très propre pour autant, cela met clairement plus en valeur les différentes couches qui s'ajoutent : guitares fréquemment à la limite du psychédélique, lignes de basse profondes, voix caverneuse si satisfaisante à écouter et même cloches à gogo qui installent l'atmosphère. Avec presque une heure d'écoute, The Pact méritera encore de nombreux passages pour en déceler tous les secrets, mais je peux d'ores et déjà dire que le dernier titre, « And So It Came to Pass » qui dépasse par ailleurs les 16 minutes, me donne continuellement envie d'y revenir.
Je n'ai même pas mentionné cette pochette qui s'inscrit dans la tradition du groupe de proposer des visuels assez inhabituels mais qu'on retient forcément. Finalement, j'espère simplement pouvoir découvrir les nouveaux morceaux en live un de ces jours, car leur performance au Chaos Descends en 2015 reste un superbe souvenir pour ma part.
Te Ruki – Marako Te Ruki
Black Metal – Polynésie française (Vama Marga Productions)
Matthias : Dans le Metal de manière générale, et dans les styles extrêmes en particulier, on a tous une certaine tendance à aimer découvrir des projets musicaux qui sortent de l'ordinaire par les thèmes qu'ils abordent et, plus souvent encore, par leur origine géographique. Un certain esprit encyclopédiste qui nous incite à coller un nom de groupe pour chaque territoire sur le planisphère, comme avant on remplissait son Pokédex. Et pour le coup, avec Te Ruki on tient un cas d'anthologie : techniquement, le groupe est français. Sauf qu'il nous vient de Polynésie française et qu'il ne chante qu'en paumotu, ou tuamotuan, une langue austronésienne de Polynésie qui n'est plus parlée que par quelques milliers de locuteurs, au mieux. Ca nous change quand même des irréductibles du folklore breton ou occitan.
Te Ruki avait sorti un premier EP en 2020 nommé E Tika Mateu, et celui-ci m'avait complètement happé tout du long de ses 5 pistes et 25 minutes. Nos Polynésiens y professaient une interprétation du Black Metal unique, quasiment martiale dans son usage des percussions locales et des interjections tribales clamées d'une voix à la profondeur insondable. J'étais donc très curieux de voir débarquer ce Marako Te Ruki, première œuvre complète du groupe. Alors d'emblée l'ensemble démarre très bien avec "Orero", pure incantation locale en guise d'intro, qui s'enchaîne rapidement sur un "Huero a Tamaera" qui fait monter le mana. Ensuite le groupe se perd un peu sur les morceaux suivants, peu marquants sans pour autant être mauvais, loin s'en faut, mais sans qu'on sache si on est toujours dans un registre Black ou si les musiciens tentent de se convertir au Death, surtout côté percussions. Le morceau-titre relève tout de suite le niveau toutefois ; "Marako Te Ruki", incontestablement très Black Metal, enchaîne les rafales de percussions avec un chant torturé et caverneux et ose tant la brutalité que le final slow tempo dans lequel perce une mystérieuse flûte. "Te Aka Tamaki" reprend encore bien la relève, mais honnêtement l'émotion s'estompe quelque peu.
C'est dommage, car Te Ruki proposait là un très beau concept et, pour moi, avait déjà fait ses preuves, mais j'ai peut-être été obnubilé par mes propres attentes. Reste un album qui mérite d'être cité pour qui aime voyager en musique plus loin que la première ruine médiévale venue.
Vulcano – Stone Orange
Black/Death/Thrash Metal – Brésil (Emanzipation Productions)
Matthias : Culte au Brésil, mais plutôt méconnu de ce côté-ci de l'Atlantique, Vulcano professe le Black/Thrash Metal à la sauce de Santos (São Paulo) depuis... 1981 ! Le groupe a bien sûr évolué, traversant de nombreux aléas et changements de line up, mais semble s'être plutôt bien stabilisé autour du chanteur Luiz Carlos Louzada, en poste depuis 2010 après de nombreux passages intermittents, et les Brésiliens tournent de temps en temps à l'international avec une prédilection pour les salles improbables et quasiment désertes, tout en ressortant des albums un peu plus régulièrement.
Eye in Hell en 2020 méritait le coup d'oreille dans un rayon Black/Thrash pas forcément subtil mais débordant d'énergie. Et son successeur Stone Orange, sorti le 29 avril dernier chez Emanzipation Productions, nous sert une recette assez similaire, mais ça tombe bien, car c'est justement ce qu'on redemandait avidement ! En même pas 40 minutes, Vulcano nous balance tout ce qu'il y a à dire avec une certaine hâte mais un à-propos certain et, si précipitation il y a, les 13 (!) électrochocs que contient Stone Orange bénéficient d'une précision dans la composition quand même assez rare dans le style avec, dès "Metal Seeds"les petits soli qui vont bien pile quand il le faut. Difficile de résumer ce genre d'album en quelques lignes si l'on veut éviter les clichés littéraires du genre « brut de décoffrage », mais on peut dire qu'il nous offre un bon panel de ce que le groupe sait faire, de la course folle aux moments plus lents qui peuvent surprendre, le tout avec l'équilibre savamment étudié de ceux qui font la même chose depuis 40 ans et qui y prennent encore un véritable plaisir. On notera quand même les accords de banjo totalement inattendus et absoluments pertinents sur "Rebels From 80s" mais, dans l'ensemble, j'invite à découvrir au plus vite ce que Vulcano a dans le ventre avant, on peut toujours espérer, de guetter leur prochaine tournée dans la vieille Europe.
Ultha – All That Has Never Been True
Black Metal – Allemagne (Vendetta Records)
Malice : J'avais été plutôt frustré du split d'Ultha en 2019, et ce alors que je venais de découvrir le groupe en amont du Night Fest à Arlon. J'avais pour me consoler un concert fantastique dont chérir le souvenir... mais s'en aller après avoir sorti quelque chose d'aussi puissant, suffocant, terrifiant que The Inextricable Wandering était criminel. Avant un sommeil qu'on pensait définitif, Ultha sortait quelques EPs, mais rien d'aussi transcendant. Et le 1er avril dernier, comme une blague, les Allemands revenaient avec All That Has Never Been True, qui conclut une trilogie entamée en 2015 avec Converging Sins.
Et quelle claque mes aïeux, quelle claque. Ultha semble avoir retrouvé le feu sacré, et il brûle plus noir que jamais. "Dispel" lance la plongée d'un riff surpuissant, le hululement terrifiant de R nous hante déjà. Ca n'est qu'une mise en bouche. Les choses sérieuses commencent avec "Der Alte Feind", dont la ligne de guitare nous met la tête dans les rapides du Styx. Un torrent incessant, à mi-chemin entre le volcan en éruption et le siphon sous-marin, voilà ce qu'Ultha m'a toujours évoqué, comme un moment en apnée. Quelques notes sinistres de saxophone débarquent on ne sait d'où ; il se passe trop de choses sur All That Has Never Been True pour tout saisir en quelques écoutes. Le groupe prend le temps d'installer ses ambiances. Les notes de clavier presque oniriques de "Bathed in Lightning, Bathed in Heat" renforcent le malaise. On respire un peu lors d'un interlude bienvenu, puis "Carrion" relâche un peu la pression avant une doublette finale un poil longue ("Haloes in Reverse", surtout, étire un peu trop son intro). "Rats Gorged to the Moon...& all fell silent" conclut presque sur une note d'espoir, comme si Ultha regardait de l'avant ("I don't want to know what's on the other side, what's lost in the fire I will find in the ashes of who I used to be..."). Si vous cherchez un album pour l'été, passez votre chemin, pas question de zouker ici. Mais après son break, Ultha revient peut-être avec son meilleur album - et déjà l'un des albums de l'année.
Felvum – Fullmoon Mysticism (EP)
Black Metal – Ukraine (n/a)
Malice : Après avoir chroniqué un groupe russe dans chacune de mes participations à la Série Noire, j'ai décidé de travailler un peu sur mon karma. Il faut dire qu'à l'heure actuelle, l'Ukraine a autre chose à fiche qu'enregistrer du black metal (même si l'horreur de la guerre, on n'en doute pas, sera le terreau fertile de bien des albums pour la suite...). Crying Orc, de son vrai nom Dmytro Marchenko, ne réside cependant plus dans son Ukraine natale (l'homme est de Mykolaiv, où la bataille a fait rage dès les premiers jours de l'offensive russe) mais à Varsovie et est actif depuis quelques années avec un projet qui a eu son succès chez les amateurs de black metal lo-fi, Këkth Aräkh. Je dois avouer y être resté assez insensible, mais The Pale Swordsman avait son charme et une vraie personnalité.
C'est cette fois avec Felvum que Marchenko revient, plus en solo mais au sein d'un vrai groupe, pour un premier EP. Il s'y occupe des guitares et on retrouve naturellement sa patte terriblement old-school, terriblement Transilvanian Hunger. La voix est celle d'un certain Felnone, apparemment pas actif par le passé (étonnant dans une scène si hyperactive), et si elle est plus classique que sur Këkth Aräkh, ce n'est pas pour me déplaire. Pas trace non plus des claviers et pianos présents sur The Pale Swordsman, Felvum envoie un black metal assez brut de décoffrage, "ugh" et rythmique punk à la clef sur le morceau-titre. Le mid-tempo encore très "Darkthrone-esque" de "Spell of Purity" conclut l'EP sur une note très réussie. On espère donc que Crying Orc et son compère Wanja Mamykid, qui s'occupe de la section rythmique (et a son propre projet solo, Mrtva Vod) pourront donner vie à Felvum via un vrai album et, qui sait, l'un ou l'autre concert. En attendant, force à eux et à tous leurs compatriotes.
In Twilight's Embrace – Lifeblood
Black Metal – Pologne (Malignant Voices)
ZSK : Groupe qui faisait du Metalcore (!) à ses débuts, In Twilight’s Embrace n’est pas désormais signé chez Malignant Voices pour rien. Etant passé par des eaux Mélodeath puis plus Death/Black (The Grim Muse (2015)), le groupe polonais semble ici terminer son évolution, après le Black très mélodique de Vanitas (2017) et Lawa (2018). Il se situe désormais dans une frange plus typique de la scène de son pays. Pas vraiment celle de Mgła même si on peut ressentir une légère touche, mais on sent dès les premières écoutes de Lifeblood une aura plus occulte, et aussi plus épique à sa manière. L’introduction très aérée de "The Death Drive" donne déjà le ton, en plus d’une production bien plus crue et organique que pour les précédentes productions du quintette. Insaisissable, In Twilight’s Embrace a joué dans plusieurs cours mais semble ici trouver une voie où le groupe peut exceller.
La formation se rapproche même à pas mal d’égards de ses compatriotes de Blaze Of Perdition, condensant d’ailleurs ce qu’ils produisent depuis Near Death Revelations. Ce n’est d’ailleurs probablement pas pour rien que le guitariste Marcin Rybicki, présent depuis 2010 (en tant que bassiste au départ), gratte aussi désormais chez Blaze Of Perdition. Si Lifeblood part fort avec le passionnant "The Death Drive" et l’excellent "Smoke and Mirrors", il se tasse un peu vite ensuite mais In Twilight’s Embrace finit son œuvre en trombe, multipliant les passages mélodico-occultes assez délicieux, notamment pour le début de "So Bleeds the Night" et surtout pour "Sedation to Sedition", morceau le plus prenant et réussi du disque. Si l’originalité n’est pas vraiment de mise pour qui connaît sur le bout des doigts les tréfonds de la scène BM polonaise, ce 6ème album de In Twilight’s Embrace est tout à fait remarquable, se clôturant par le monumental et très complet "Te Deum". Amateurs du Black Metal polonais le plus possédé et le plus travaillé, Lifeblood saura vous conquérir.
Stjärnfält – Lapporten
Trance Black Metal – Suède (Avantgarde Music)
ZSK : Trouvaille d’Avantgarde Music, Stjärnfält (pour « champ d’étoiles ») est un one-man band suédois sur lequel on a peu d’infos. Le projet n’est même pas listé sur Metal Archives… quand bien même Lapporten qui nous intéresse aujourd’hui est sa troisième sortie, après la démo Förlorat (2019) et l’album Ascension (2020). Peut-être parce que c’est un projet trop… électro ? Pourtant, au-delà de l’appellation « Trance Black Metal » qui lui est donnée, Stjärnfält fait sans nul doute du Metal, avec des couches électro mais du Metal quand même, du Black Metal atmosphérique pour être plus précis. Bref…
Dans la stricte lignée de l’album Ascension, Lapporten, malgré son artwork moins « spatial », voit Stjärnfält poursuivre son œuvre, un Black atmo assez classique au chant très saturé, mais qui bénéficie donc de l’apport de nombreuses nappes électroniques. Et l’ensemble montre très vite son charme, quand bien même il n’y a rien de révolutionnaire. Car on pensera notamment à Mesarthim à l’écoute des 35 minutes de Lapporten, voire Progenie Terrestre Pura par moments (notamment lors des quelques breaks remarquables de "Polarsken"). Stjärnfält maîtrise bien les tenants et aboutissants de son art, à commencer par l’ouverture sur l’ambitieux mais réussi "Kebnekaise", durant presque un quart d’heure. Le final plus « sympho » "Séracs" montre que Stjärnfält a finalement pas mal de choses à dire, et pour qui aime le Black Metal qui ose flirter avec l’électro, c’est une découverte à faire !
Trolldom – I Nattens Sken / Av Gundars Ätt...
Black Metal symphonique – Suède (Iron Bonehead Productions)
ZSK : Le moins que l’on puisse dire c’est que le musicien suédois Swartadauþuz est du genre productif. Notamment connu pour Bekëth Nexëhmü, il totalise actuellement… dix-huit projets actifs ! Il faut vraiment savoir où donner de la tête. D’autant que voici que l’un deux, Trolldom, qui ne comptait à son actif qu’une démo sortie en 2016 (Av Gudablod Röd...), nous propose… deux albums d’un coup ! Deux albums qui ont pourtant été enregistrés en 2018, pire encore, I Nattens Sken aurait été composé entre 2004 et 2008. Ne cherchons pas le pourquoi du comment, penchons-nous sur ce que musicalement Swartadauþuz a à nous offrir ici. Adepte d’un Black Metal parfois lo-fi ou de choses un peu différentes (comme l’excellent Musmahhu, plus connoté Death Metal), le Suédois montre avec Trolldom une autre facette de son art, avec ici deux albums mieux produits et presque plus ambitieux.
C’est bien simple : en même pas une minute, I Nattens Sken se permet d’enfoncer littéralement les dernières sorties de Dark Funeral et part chasser sur les terres d’Emperor sans vergogne. "Under Vinternattens Dystra Fullmåne" démarre ce « premier » album de Trolldom en trombe, dans la grande tradition du BM suédois le plus agressif. Sympho sans trop l’être (on est plutôt dans un domaine de « Black à synthés »), I Nattens Sken est un album particulièrement blastant et très intense. Quitte à être assez redondant sur la durée, mais dans un style 90’s remis au goût du jour, il ne fait nul doute que Trolldom excelle. Après ces 51 minutes satisfaisantes, Av Gudars Ätt… explore déjà une autre facette du genre sur les mêmes bases. Plus atmosphérique, plus « sympho », avec des morceaux plus longs (jusqu’à 14 minutes, contre 8 maximum sur I Nattens Sken), ce deuxième album laisse s’exprimer les ambiances et bien évidemment un aspect plus épique. La clôture sur "Ur Nattsvart Dimma, Mot Mossens Mörka Vatten" est d’ailleurs tout bonnement formidable. Bref, tout est là pour faire du Black Metal suédois de tout premier ordre, sans rien révolutionner mais il faut avouer que Trolldom fait ici très fort pour dépoussiérer le genre et lui offrir un second souffle bienvenu, même si Swartadauþuz n’est pas le premier à tenter l’expérience. C’est du beau travail !
Thrall – Schisms
Black Metal – Australie (Impure Sounds)
S.A.D.E : Alors que le groupe existe depuis 2006, c'est avec son quatrième album que je découvre Thrall, projet australien venu de Melbourne. Il faut dire que le groupe sort d'une longue pause de neuf ans avec ce nouvel album, intitulé Schisms et sorti en mai dernier chez Impure Sound (et Brilliant Emperor en version cassette). Alors que ce cache-t-il derrière cette sortie ? Un Black metal résolument rugueux et hargneux mais qui s'autorise des détours vers des terres plus post où, bien que l'agression ne s'estompe que brièvement, on trouve le temps de prendre une bouffée d'air pur. Parce que le reste du temps Thrall prend à la gorge, étouffe, dérange, tantôt par de l'agression pure, tantôt par un riffing vicieux et malveillant.
La production est plutôt dense, évitant la froideur tranchante pour préférer une masse grumeleuse et compacte. La basse, lorsque les guitares lui laissent de la place, dégueule d'une reverb' crasseuse que ne renieraient pas certaines formations doom ou sludge. Enfin, le chant est terriblement haineux, bilieux, parfois prolongé d'un écho pour mieux envelopper l'auditeur des miasmes qu'il exhale. Vous l'aurez compris, Thrall ne fait pas dans la tendresse et propose une musique nourrie de diversité tout en parvenant à combiner les éléments pour produire un ensemble cohérent. Schisms est une déclaration de haine en bonne et due forme, une ode à la misanthropie la plus radicale qui déploie un sens de la composition que l'on sent mature.
Devil Master – Ecstasies of the never ending night
Black'n'roll – Etats-Unis (Relapse Records)
Circé : Bon, ça y est, vous avez parcouru tous ces albums plus noirs, tortueux ou bas du front les uns que les autres, vous sentez les riffs glaciaux des albums ci-dessus vous congeler sur place... Il est temps de s'amuser un peu (allez, essayez un peu, ça n'a jamais tué un blackeux...), puisque Devil Master est de retour, trois ans après Satan spits on the children of light, avec une nouvelle offrande à Venom et au deathrock. Ecstasies of the Never Ending Night a donc vu le jour fin avril dernier, toujours chez Relapse Records, toujours avec une direction artistique quelque peu obsédée par le rose. C'est en revanche moins flashy et exubérant. Une certaine maturité ? Peut-être bien, car quand on lance l'écoute, la prod est directement plus propre, la composition moins nerveuse.
Mais pas de panique, les États-uniens n'en n'ont pour autant pas perdu de leur verve. Des morceaux courts et coups de poing pour un album d'un peu moins de quarante minutes, bardés de riffs mêlant les influences black/thrash à la Midnight et goth à la Tribulation. Quelques solos frénétiques et mélodies bien simples et entêtantes s'y perdent, comme celle de “The vigour of evil” qui promet de faire un petit carton en live. L'énergie est là, la batterie fait secouer de la tête sans relâche du premier au dernier titre, et si on sent parfois une ou deux longueurs pointer leur nez, le rythme change assez souvent pour donner un nouvel élan.
Certes, à la fin de l'écoute, on a la sensation d'avoir gagné en propreté ce qu'on a perdu en agressivité festive, mais Devil Master arrive tout de même à faire vivre le rock'n'roll avec des titres bien tubesques sur au moins les trois quart de l'album. Ecstasies of the never ending night n'est peut être pas aussi défouloir que son prédecesseur, mais il reste intéressant, blindé de bonnes idées et de riffs qui savent créer une ambiance tout autant que donner l'envie de bouger. Le léger mou en milieu de course est vite rattrapé par le merveilleux enchaînement “Shrine in Cinder”-"Funerary Gyre of Dreams and Madness". Devil Master arrive à développer son propre son et sa propre composition sans pour autant complètement sacrifier l'énergie naturelle du style : un équilibre périlleux, mais réussi jusqu'ici.