Non.
Quel meilleur moment pour écouter Earth and Her Decay que sous une pluie de sable. Aujourd'hui, au moment où j'écris ces lignes et dans l'ouest de la France, l'atmosphère est ocre, le soleil n'est plus qu'un faible disque qui veille au-dessus de nos têtes et les gouttes laissent quelques traces sur leur passage. S'y mêlent pourtant la tiédeur du printemps et quelques pétales de fleurs de cerisier. Une vision qui coche quelques cases de l'image apocalyptique et qui prend pourtant une tournure toute autre lorsque le nouveau disque de Déhà & Marla van Horn s'élance : le calme peut être trouvé dans le chaos.
C'est un cocon de douceur que proposent ces six titres qui composent l'album. Un peu plus de quarante minutes d'un Funeral Doom atmosphérique, aux accents post-rock, quasi-gothiques et rassurants. Déhà, l'homme à tout faire belge qu'on ne présente plus vraiment (Cult of Erinyes, Imber Luminis, Slow et tant d'autres) retourne à son amour des atmosphères lourdes et pourtant si douces. Il partage ici le travail avec l'artiste polonaise Marla van Horn, dont on entend par ailleurs quelques vers dans sa langue natale sur le titre final. La simple collaboration tourne à l'accord plus qu'harmonieux des deux personnalités créatives qui ont, avant tout, de l'émotion à transmettre.
C'est simple, tous les titres convergent vers une démarche unique de fournir une bande-son qui devrait figurer parmi les synonymes du mot « quiétude ». Étonnamment, ce n'est pas du tout le premier titre « Purification Ritual » - qui a fait l'objet d'un clip mis en avant dans la promotion du projet - qui me marque le plus. Une bonne entrée en matière, certes, mais qui rivalise peu avec la tendre lumière émise par les cinq titres suivants. Dès les premières envolées vocales de « Nowhere » et jusqu'à la chaleur diffuse des mélodies de « Dead Leaves », l'album se pare d'un voile de douceur omniprésente qui confère à Earth and Her Decay une place d'album-doudou.
L'équilibre vocal des deux protagonistes y est bien sûr pour quelque chose. Je connaissais les capacités de Déhà, tant dans un chant clair cotonneux que dans des hurlements qui restent, sur cet album, dans une thématique douce. En parallèle, je découvre le timbre élégant de Marla van Horn qui respire la simplicité, la sérénité et la sincérité. Le velours se mêle ici à la soie dans un souffle constant. Jamais la rythmique ne vient briser le cycle, jamais une mélodie de guitare ne dérange l'aura de justesse qui se dégage de l'album, jamais un chœur ne dépasse son rôle de soutien et les quelques orchestrations se font assez discrètes pour être oubliées. Sans surprise, sans à-coup, le fil se déroule avec une minutie et une confiance absolue.
Un album de Funeral Doom pour ceux qui ne s'y attardent d'habitude pas du tout, un essai à fleur de peau qui amène le repos de l'esprit : voilà ce qu'est cet album. Par ailleurs, après avoir beaucoup écouté Inner – Space du groupe ISON, je retrouve une longueur d'ondes similaire qui ravit ma soif d'ambiances éthérées. Reste à espérer que la collaboration ne s'arrêtera pas là car le projet a tout pour combler les attentes de nombreux(ses) mélancoliques.
1. Purification Ritual
2. Nowhere
3. Dust and Rain
4. Black Blood
5. White Blood
6. Dead Leaves