"The sound of falling, when the pictures are moving"
Froid, glacial, brumeux, mais aussi triste, pluvieux ou bien mélancolique. Si vous lisez une chronique d’un album de Black Metal, il est probable que vous y trouviez l’un de ces adjectifs pour décrire ce que vous ressentez pendant votre écoute. Quelle que soit la sous catégorie traitée, il y sera forcément fait mention de l’un des mots cités ci-dessus. Faisant de cette constante le point commun entre toutes les chapelles du genre, aussi différentes soient-elles. Autre mouvement bien encré dans la sombritude, le Post-Punk aussi ne déroge pas à cette règle, avec tout un champ lexical tournant autour d’un urbanisme anglais artificiel et déshumanisé, où il est bon ton de laisser aller ses sentiments les plus moroses. Mais lorsqu'un artiste s'essaye à mélanger deux styles aussi clichés, qui sait quels adjectifs improbables sortiront de la plume du chroniqueur afin de décrire le mieux ce qu'il a découvert.
Bien qu’étant un pur produit de l’underground, Lamp of Murmuur constitue une sorte de pont entre deux tendances faisant partie intégrante de la scène actuelle. Tout part d’abord du visuel. Du Black Metal, il reprend sa volonté de mystère et d’entretenir une réputation intègre et underground : sorties confidentielles à un rythme stakanoviste, visuels reprenant les codes de la seconde vague norvégienne, qualité d’image dégeulasse et typo gothique agrémentée de umlaut pour faire plus trve. Tandis que de l’autre côté, il embrasse la mode actuelle des artistes Metal extrême s’inspirant à outrance de la musique dite « gothique » des 80’s. On pourrait même parler de véritable plagiat sous forme d’hommage. Car la pochette reprend intégralement les éléments visuels de Floodland, remaniés à la sauce corpsepaint, pour un résultat digne d’un crossover entre Mütiilation et l’album culte des Sisters of Mercy.
Si le ton est donné côté esthétique, reste à voir si le contenu est à la hauteur d’une pochette si aguicheuse. De mon côté, le doute n’est plus permis une fois les 32 minutes écoulées. Plus que la satisfaction, c’est même la surprise qui se dessine au moment d’écrire ces lignes. Car le mélange Black Metal et Post-Punk prend véritablement tout son sens. Deux composantes bien distinctes, mais pourtant si complémentaires, sans que l’une n’efface ou ne minimise l’importance de l’autre. Le Black Metal proposé ici est à la fois cru et mélodique, il exalte cette fameuse « crasse noble » propre à ce style, notamment quand on parle de la scène norvégienne des débuts. On passe donc de rythmiques purement Black’n roll à la Darkthrone aux up and down très tranchants typique des groupes des 90’s. La formule semble alors assez classique de prime abord. Et pourtant, le disque possède un véritable plus, un caractère narratif inattendu, amené par la répétition à plusieurs reprises du thème principal qui ouvre l’album, et cela de biens différentes façons. Le groupe à donc trouver comment attirer l'attention et comment se démarquer au sein même de son carcan Black Metal. C'est cependant le mélange et l'osmose avec d'autres influences qui le rendent véritablement atypique. L'apport du Post-Punk rend cette matière brute plus perméable aux touches vaporeuses et éthérées. Soit par des nappes de claviers atmosphériques qui se chargent de construire un cadre propice à l'onirisme. Ou bien en laissant les arpèges dansantes et le jeu de basse chargées en reverb mener la danse, afin de nous entraîner dans de biens mornes et névrosées pérégrinations.
Pour Lamp of Murmuur, ce deuxième album marque la fin d'un cycle, et le début d'un nouveau. Celui où le groupe enrichie sa musique, la diversifie, et sort la tête des bas fonds de l'underground pour arriver dans le coin des obscures curiosités qui font le buzz. Et ce n'est pas une programmation à la prochaine édition du Roadburn, chantre d'une philosophie de fabrication de la hype, qui risque de faire retomber le soufflet. Du moins pendant un petit moment...
Tracklist :
1. Reduced to Submission and Slavery
2. Thine be The Cavalry
3. Dominatrix's Call
4. Deformed Erotic Visage
5. Lustgate Toward Your Cruel Dominion
6. As Evening Falls (Christian Death cover)