Why not ?
Au classement des noms qui créent des images mentales complétement absurdes, les Américains de Burial in the Sky rentrent dans les premières places. On se demande vraiment où ils vont chercher une telle bizarrerie. Si l’on met ce premier contact plutôt singulier à part, on se rend compte que le groupe de Pennsylvanie en est à son troisième album et qu’il existe depuis 2013. Après avoir débuté comme un duo, il a su se faire des amis dans le milieu Death Metal pour compléter le lineup. Ainsi, les membres originaux ont joué avec le batteur de Decrepit Birth et pour The Consumed Self, l’album qui nous concerne aujourd’hui, ils se sont adjoint les services du saxophoniste de Rivers of Nihil. Evidemment en mentionnant cet instrument, on met en avant deux choses : un de leurs arguments marketing mais aussi leur particularité musicale.
Le groupe a préparé cet album dans les moindres détails : une nouvelle accompagne les morceaux de musique. Et à la fin de celle-ci, un avertissement : si vous lisez la nouvelle sans écouter le disque ou l’inverse, votre expérience n’en sera que superficielle. Alors pour les non-anglophones, la messe est dite. Il y a vingt pages et un tableau de correspondance entre pages et chansons. Pour ne pas trop rentrer dans les détails, vous plongerez dans un monde urbain, futuriste où l’inégalité entre les élites et les travailleurs est frappante et avec des substances qui attisent les convoitises. L’ensemble est aussi porté par un artwork cohérent avec des touches de la Guerre des Mondes et des couleurs un peu vomitives. On se plonge donc dans un univers total, visuel et auditif.
Alors que donne la partie musicale de ce voyage ? Burial in the Sky est classé dans les rangs du Tech Death mais une frange qui ne cherche pas la froide démonstration de talent dans chacun des instruments. Non, The Consumed Self est un album qui respire, dont le ton est parfois rêveur et atmosphérique. Bien évidemment, vous allez prendre des bonnes claques de blasts, dès le départ du premier vrai titre, "An Orphaned City", et ils ne vous lâcheront pas. Cette brutalité est finement utilisée pour apporter du contraste dans une partie qui révèle la technique subtile du groupe. "On Wings Of Providence", une des chansons quasi-fleuves de l’album, avec plus de sept minutes au compteur, a en son sein une alternance de micro-parties, qui se succèdent avec blasts puis syncopes, puis groove. Sans être décontenancé, l’auditeur suit un chemin qui rend l’ensemble varié, plaisant et qui propose une grande cohérence avec des styles différents.
Ce qui donne le piment de ce disque ce sont les inattendus : du chant clair sur quelques titres, très heavy mais qui reste circonscrit à des moments précis. La pièce maitresse reste la présence du saxophone. Popularisé par Rivers of Nihil dans le genre Death, Burial in the Sky a donc embauché à la source, le musicien du groupe susnommé pour travailler sur les ambiances du disque. Là encore, la présence est discrète et parsemée, mais cela fonctionne : dans "An Orphaned City", il vient soutenir un moment planant, où le cœur de l’auditeur va ralentir et suivre le cheminement de l’auteur dans cette ville futuriste. Sur "Wayfarer", il s’insère dans une transition purement instrumentale. Une vraie plus-value pour l’ensemble car l’esprit du groupe est vraiment bien implanté dans ces passages et l’on ne sent pas une mode que l’on fourre pour faire trendy.
Autre point notable, c’est la présence d’un binôme de chansons "Mountains", parties 1 et 2. On sent le talent pour la mise en scène de la musique : l’effort de l’ascension est rendu par le riff qui tire sur la longueur, la brutalité, cette douleur que l’on ressent presque physiquement, la folie des harmoniques, cette exaltation. Puis vient le temps de la contemplation dans la seconde partie du titre, pour finir par une descente en spirale. Encore une fois, on ne ressent jamais un besoin d’imposer des plages techniques et démonstratives. Ce qui importe, c’est le concept. "Anatomy of Us" et les douze minutes qui vont clore l’album en sont une bonne illustration : déambulation éthérée à la réverbération mise en avant pour faire encore plus tourner la tête de l’auditeur. On prend son temps, tout en rappelant l’ADN Death Metal, qu’il soit dans la solidité du riff, dans la technique des structures ou plus expérimental avec ces touches de vocoder dans le chant.
Quand The Consumed Self se termine, on attend que le générique se passe et que les lumières se rallument. Burial In The Sky a réussi son coup, nous transporter dans l’univers fictionnel qu’ils ont créé. Mettre en scène une histoire, plus qu’un concept, suivre un script au travers d’une musique qui se doit d’être exigeante et en même temps un vecteur d’émotions, voilà ce qu’ils ont réussi. Une réussite de Tech Death qui prouve que le genre peut étendre ses ailes loin, sans ressembler aux géants de la technique ou à ceux de la brutalité. Une belle prouesse.
Tracklisting :
1. The Soft Violet Light
2. An Orphaned City
3. On Wings Of Providence
4. Amaurosis Shroud
5. Wayfarer
6. Mechanisms of Loneliness
7. Mountains Pt.1: To Ascend
8. Mountains Pt.2: Empathy
9. Caught In The Azure Cradle
10. Anatomy Of Us