T'façon, je préfère Aphex Twin.
Souvent comparé à un Paris miniature, respirable et détendu, la ville de Nantes n'a jamais cessé d'offrir une proposition artistique de qualité quand il s'agit de se pencher sur le cas des musiques extrêmes. Si on retient l'exemple basique mais inattaquable du cas de Regarde Les Hommes Tomber, on retient moins souvent le fait que certains membres de ce projet ont également façonné, fut une époque, la scène hardcore/powerviolence de la ville verte avec notamment le projet Harm Done en tête de file et dont on ne peut que vous en recommander chaudement l'écoute.
Cependant, triste est de constater que le temps grignote logiquement la motivation et l'engagement de ses acteurs principaux dans une scène qui a peu à peu disparue pour céder définitivement le flambeau de l'énergie hardcore à la ville de Rennes, son adversaire historique dans ce domaine.
Nous ne pouvions donc qu'être excités à l'idée de voir débarquer dans ce silence assourdissant le duo nantais Uncrowned qui, après quelques évolutions de line-up, a trouvé sa forme définitive pour sortir ce premier EP intitulé sobrement Uncrowned.
La sobriété, vous ne la retrouverez pas dans ces 5 titres pilonnés et écrabouillés par le duo Benjamin Prévot (aux guitares) et Odran Barrault (à la batterie). 10 minutes pure et simple d'un rentre-dedans powerviolence faisant écho aux travaux historiques et sans pitié de Nails période Unsilent Death. L'énorme travail de Spearhead Sounds à la production aide le duo nantais à s'élever au niveau des réalisations toujours plus gigantesques de notre époque grâce à un son de batterie léché (mais jamais aseptisé) et des guitares rocailleuses pour un ponçage sonore optimal. Une production finalement assez proche de ce qu'offrent les Américains de Gatecreeper dans un registre sensiblement similaire.
Car Uncrowned ne se contente pas seulement de transformer l'essai concluant d'un powerviolence écharpé et solide sur ses bases, le duo nourrit également son agressivité par des relans de sludge qui patauge allègrement dans la vase malsaine de son univers comme sur l'intro de Burning Home et va jusqu'à avoir la bonne idée d'insérer une forme de groove bien sentie sur le titre Speech With No Words, histoire d'alourdir toujours plus le propos.
Et parce que destruction rime tout aussi bien avec dénonciation dans une scène ayant la satisfaisante habitude de dépeindre le monde comme une gigantesque et violente mascarade menée par des politiciens corrompus, Uncrowned en profite pour cracher des textes corrosifs à l’attention des habitués du prosélytisme, de l’hypocrisie crasse et de l’opportunisme toxique. Par bien des aspects, Uncrowned fait rugir une sombre bête dans sa musique qui fait écho à l’énergie oppressante d’un autre duo qui n’a plus à prouver sa légitimité, je parle bien sûr de Mantar. Il serait très curieux de voir si le groupe nantais pourrait assumer, en duo sur scène (comme le fait Mantar), l’agressivité que les Allemands invoquent à chacune de leurs performances.
On notera également la piste outro pour conclure l’EP qui se délaisse de la batterie et de la guitare pour nous plonger dans une plage atmosphérique noise et oppressante bidouillée par ordinateur à la va-vite mais qui n’en reste pas moins un geste original et annonciateur, espérons-le, d’une exploration plus approfondie dans la création d’ambiances entourant le son primaire de Uncrowned pour les prochaines œuvres à venir. Le fan de Fange résonne en moi à la ré-écoute du titre.
Un premier EP abouti pour les Nantais, qui présage de belles choses à venir si le groupe invoque à nouveau ce qui fait la réussite de cette première offrande sombre et abrasive.
1. Opportunist
2. Ashes
3. Burning Home
4. Speech With No Words
5. Outro