Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Du shoegaze à l'indus, en passant par ses combinaisons plus classiques et attendues avec le death ou thrash, le black metal fait preuve d'une plasticité formidable depuis bien longtemps maintenant. Et parmi cette multitude de croisements, il y a un domaine qui m'intéresse tout particulièrement, celui où la lenteur des musiques doom et sludge s'entrechoque avec la fougue du black metal. Si ces dernières années on assiste à un foisonnement de projets allant ferrer dans ces eaux troubles et poisseuses, il y a comme toujours du bon et du dispensable. Et Plague The Praise, avec son second album, fait partie du bon. Du très bon, même.
The Obsidian Gate s'ouvre déjà avec sa pochette : délaissant le style gravure (plutôt classe au demeurant) de son premier effort, le groupe allemand vire dans l'abstrait suggestif, un paysage noir et brouillé, menaçant, avec au centre un sommet aux allures sépulcrales. Un artwork qui colle à ce qu'il illustre : une musique sombre, inquiétante et dense. Dès la première partie de The Descent, on perçoit que les cinq musiciens savent y faire lorsqu'il s'agit de faire cohabiter les genres sans bêtement les juxtaposer. Le tempo de cette première séquence est tout ce qu'il y a de plus doom, mais le tremolo picking des guitares posé sur cette charpente rythmique délivre déjà l'aura malsaine qui parcourra l'album d'un bout à l'autre. Praise The Plague parvient avec facilité et sans artifice à produire cette atmosphère crasseuse et haineuse qui fascine tant l'auditeur de black metal, sans jamais tomber dans la parodie grotesque que proposent certains groupes lorsqu'il "blackisent" leur musique. Ici Praise The Plague se fait maître de ses riffs dégoulinants d'un désespoir bilieux me rappelant parfois, notamment sur les passages où la rythmique s'emballe (Blackening Swarm II), la force de frappe d'un Regarde les Hommes Tomber.
L'autre grande erreur que font nombre de groupes associant black et doom/sludge est le choix d'une production cradingue. Praise The Plague, bien que gardant une touche raw dans le son, s'est au contraire attelé à rendre lisible et compréhensible le son de l'album : chaque riff est net, chaque instrument prend la place qui lui est due (mention spéciale à la basse aussi grasse que saturé), chaque accalmie sonne comme il faut. A ce propos, même si pas très nombreux, les passages en son plus clair, arpégés pour la majorité d'entre eux, délivrent bien plus qu'une simple (mais nécessaire) respiration. Ces courts intermèdes entre deux tranches de violence participent à l'aura insalubre mentionnée plus tôt : on se retrouve dans ces moments-là au cœur de paysages désolés où ne demeurent que les fantômes d'un monde en fin de parcours (Great Collapse). Enfin, un dernier point fort de l'album : le chant. Résolument black, il est situé légèrement en retrait dans le mix, donnant l'impression qu'il vient d'une fin des temps à la fois lointaine et imminente, et ce, tant sur les passages écorchés que sur ceux growlés (et quel growl !).
The Obsidian Gate est clairement l'œuvre d'un groupe qui maîtrise son sujet. Que ce soit la construction des compositions, les riffs en eux-mêmes ou le son qui porte l'ensemble, Praise The Plague réalise un sans-faute. Jusque dans le morceau éponyme en forme d'intermède, menaçant et terrifiant, le quintuor démontre l'étendue de ses compétences et de son habileté. Sans doute l'un des sorties de l'année dans le genre.
Tracklist de The Obsidian Gate :
01.The Descent
02.Blackening Swarm II
03.Great Collapse
04.The Obsidian Gate
05.Beyond
06.The Ascent