Âge Total est un projet né de la collaboration entre plusieurs groupes (Greyfell, Endless Floods) et musiciens, grosso-modo sur l’axe Rouen-Paris-Bordeaux. Le tout est porté par le collectif rouennais SOZA, s’articulant lui-même autour de plusieurs formations de la scène normande (qui paraît très riche et dense, en tout cas de l’extérieur). Enfin, et pour en finir avec ces considérations journalistiques, j’ai cru comprendre que plusieurs membres étaient passés par feu-Monarch (RIP), ce qui se ressent particulièrement sur cet opus. Cependant, mettre de côté ces différentes informations peut s’avérer judicieux, tant le groupe échappe à pas mal de classifications, et pourrait être grossièrement rangé dans les musiques en « Post ». Mais l’expérience est à mon sens bien plus complète et attirante, soit un voyage en quatre titres le regard tourné vers les étoiles, de l’éther à l’hyperespace.
L’album a quelque chose de très conquérant, autant, en fait, qu’il est gorgé de lumière. D’une certaine façon, comme le paladin qui lève son épée vers le ciel, et fait rayonner l’éclat de sa lame sur la vallée. J’y vois personnellement beaucoup de Pallbearer (de Sorrow and Distinction), avec un magnifique travail sur les guitares et les différents arrangements, permettant la transition d’une musique lente et majestueuse vers des passages plus épiques, va-t-en-guerre (The Songbird). De multiples ambiances, textures, plus psychédéliques ou indus dira-t-on grossièrement, permettent aussi de faire le lien entre les différentes parties plus rythmées des morceaux. Les différentes compositions s’assemblent ainsi parfaitement pendant ces 40 minutes d’une très belle cohérence, massives, sans que le tout tombe pour autant dans une opulence indigeste de sons et d’expérimentations.
Il y a de ces disques qui ont une puissance magnétique échappant aux mots. Être attiré par une œuvre d’art c’est avant tout accepter cette part d’inexplicable. Nos goûts ne viennent pas de nulle part, certes, mais j’aime me dire que de certains albums, des pochettes aux ambiances proposées, émane une magie analeptique. L’artwork (ici, de François Vesin) m’a attiré, et s’est lié à la musique comme pour, dès le départ, lui imposer d’être à sa hauteur. Dans un élan révérenciel, l’œuvre du groupe existe ensuite par l’alchimie du visuel et du sonore. Une puissance magnétique qui devient celle de la lumière revenue sur le Gondor.
L’âge a cela de total qu’il semble n’exister que par quelques thèmes, quelques intuitions évocatrices : de l’armure en metal (du guerrier de lumière), à l’oiseau chanteur accompagnant le retour des beaux jours. L’aspect total, complet, est donc aussi celui d’un certain dévouement, du combat classique (essentiel dans un univers sci-fi ou fantasy) du mal contre le bien. Les protagonistes, ici, semblent embrasser pleinement, totalement, leurs plus belles et importantes influences, souhaitant les retranscrire en musique avec une passion dévorante. L’inspiration semble provenir d’un souffle divin, de tant de rayons blancs éblouissants inondant les salles de répétition. Parmi les influences du groupe, je ne suis pas non plus surpris de retrouver le génie Vangelis, se retranscrivant par un certain goût pour les paysages ambiants, comme par une exigence d’élégance dans les compositions. Cette élégance, permettant une dimension cérémonielle élémentaire, existant notamment grâce à ces chants singuliers (presque New Wave par moments), est au cœur des différents titres.
D’une grande richesse, Âge Total est un disque qui brille de la diversité de sonorités qu’il présente. S’il est évident que les musiciens affichent un gros respect envers les écoles de Doom Metal les plus traditionnelles (et ont fait leurs gammes en la matière), il reste difficile d’affirmer que les bases sont ici formellement et uniquement Metal. C’est véritablement là que le groupe se différencie de la masse, existe à la marge, et, je l’espère, ne sera pas voué à y rester. Dans la musique elle-même, le côté « collectif » entourant le projet se fait sentir, tant elle donne envie au chroniqueur de multiplier les allers-retours sur Synonymo pour qualifier les différentes ambiances. Ambiances probablement nées d’un amour partagé pour différentes œuvres, films (les interludes instrumentaux étant ici très cinématographiques), comme au fait de chanter Black Sabbath tous ensemble après deux pintes. Je ne sais pas si je comprends toute la proposition du groupe, mais elle est belle et me plaît.
Tracklist :
1. Armure
2. Carré
3. Metal
4. The Songbird