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Album

25 mai 2021 - Circé

Esoctrilihum

Dy'th Requiem for the Serpent Telepath

LabelI, Voidhanger Records
styleBlack/Doom symphonique
formatAlbum
paysFrance
sortiemai 2021
La note de
Circé
9/10


Circé

hell god baby damn no!

Oui, on est reparti pour un album pavé-fleuve d'environ 1h17 (plus ou moins) Black Metal bardé d'expérimentations en tous genres. Mais ne fuyez pas tout de suite s'il vous plaît, car au delà de l'apparence assommante d'un tel album, le voyage onirique en vaut la chandelle. Le merveilleux label qu'est I, Voidhanger semble avoir encore intensifié le rythme de ces sorties remarquables dont un certain nombre finiront sans doute dans pas mal de bilans de fin d'année. Outre le retour de Spectral Lore et de Midnight Odyssey, je ne peux m'empêcher de caser une mention à Crooked Headstone, split de deux groups de Neofolk nord-américain, et bien entendu l'album dont il est question ici, le dernier Esoctrilihum. Le français derrière ce projet est un de ces artistes qui peut fasciner autant qu'énerver par son talent à tout faire de lui-même de A à Z pour sortir des albums complexes, recherchés et avec un véritable aspect savant dans les compositions. Sans compter que la durée de ceux-ci semble s'allonger de sortie en sortie, affichant donc 1h17 très exactement au compteur pour ce sixième opus. Le sixième depuis 2017, productivité sur-humaine que je ne m'explique toujours pas. Asthâghul, de son pseudonyme, garde d'ailleurs toujours un aura de mystère sur lui-même et son projet, une figure qui rappelle forcément Vindsval de Blut Aus Nord – au delà des ressemblances musicales des deux entités. Au delà de la musique elle même, l'univers extra-musical d'Esoctrilihum semble lui aussi extrêmement fourni grâce à toute une mythologie présente dans les titres, paroles et visuels.

Bref, alors qu'on a même pas vraiment fini d'assimiler Eternity of Shaog sorti au printemps 2020, voilà qu'arrive Dy'th Requiem for the serpent telepath en mélangeant encore une fois Black, Death, Doom, violons et autres arrangements symphoniques. Si les ingrédients peuvent sembler similaires, le résultat ne l'est lui pas complètement, Esoctrilihum ayant peu l'habitude de se reposer sur ses lauriers. Le tempo lent et la lourdeur des guitares axent dès le premier titre cet opus dans un climat doomesque – il faut même attendre quelques pistes avant de voir le riffing prendre une vraie couleur BM sur des blasts.

Plus lent, mais de fait plus classe et imposant en particulier grâce aux arrangements symphoniques encore plus présents qu'avant, à mi-chemin entre un Memoria Vetusta et un hommage à tout le black sympho traditionnel 90's. Des chœurs célestes émergent des mêmes abysses que le chant saturé, qui se transforme d'ailleurs lui même une fois en chant clair pour une litanie grave et envoutante. Toute la première partie de l'album peut apparaître moins chargée que les dernières sorties d'Esoctrilihum, on est loin de l'effervescende constante d'Eternity of Shaog, par exemple. La musique prend plus son temps pour se développer, elle se densifie également au fur et à mesure de l'album avec une véritable progression vers la violence et le chaos. On augmente progressivement le tempo, on fait de nouvelles incursions vers le death metal, à la fois dans sa version directe comme dans sa version la plus complexe et chaotique, pouvant rappeler Blood Incantation. L'album vire vers des territoires cauchemardesque, dissonance, mur de son hermétique et cris inhumains évoquent des visions d'horreur telles que peuvent le faire des groupes comme Akhlys. Mais ici, le fond symphonique jamais bien loin leur donne une dimmension majestueuse. L'adjectif “lovecraftien” est souvent utilisé à outrance pour ce genre de musique, mais il correspond ici parfaitement à ce sentiment d'horreur profonde mêlée de fascination que semble vouloir créer Esoctrilihum.

Dy'th... propose un alliage très équilibré entre les multiples facettes d'Esoctrilihum, faisant la part belle aux marches imposantes comme aux morceaux les plus raw. Tantôt mélodique, tantôt aggressif, mêlant tant d'éléments et pouvant ici toucher bon nombre de publics, la richesse musicale du projet n'est plus à démontrer et se déploie ici de la plus belle des manières, avec une grande maturité. En quelque sorte, sa durée est autant sa force que sa faiblesse : s'il peut être plus accessible en êtant plus posé, tentant moins de choses en même temps, cela commence toute de même à peser lorsqu'on approche de l'heure. L'écoute restera prenante et marquante dès qu'on s'y penchera ne serait-ce qu'un peu, et peu importe si cela se fait d'une traite ou non - chaque morceau conserve son intérêt en lui même au delà de la construction progressive de l'album. Mais j'ai malheureusement du mal à m'y plonger tout du long sans décrocher dès qu'une petite longueur arrive. La remarque peut sembler un peu hypocrite, la durée étant peut être bien inhérente au style... Mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir un petit pincement au cœur dès que je vois le nombre de minutes au compteur.

 

Tracklist

01. Ezkikur
02. Salhn
03. Tyurh
04. Baahl Duthr
05. Agakuh
06. Eginbaal
07. Dy'th
08. Craânag
09. Zhaïc Daemon
10. Nominès Haàr
11. Xuiotg
12. Hjh'at