Why not ?
Suivre un groupe peut s’avérer un sacré challenge, musical autant que géographique. Subterranean Masquerade existe depuis 1997 et son lineup a connu des fluctuations au rythme des rares sorties du groupe comme la présence du batteur d’Orphaned Land, Matan Shmuely ou celle du chanteur de Green Carnation, Kjetil Nordhus sur leurs précédents albums. Mais Mountain Fever, quatrième réalisation des Israéliens, arrive en 2021 avec un lineup stable de sept membres et une liste d’invités à la mesure des compositions : variée et surprenante. Les musiciens ont lancé des collaborations musicales enregistrées en Allemagne pour les percussions ou encore en Suède pour la batterie et bien sûr en Israël, sur le plateau du Golan pour la majeure partie des instruments. On a déjà bien voyagé. Le son, quant à lui, est confié à une sommité du genre : Jens Bogren, du Fascination Studio qui a travaillé pour Opeth et Leprous entre autres, et ne laisse présager que du bon. Il a fallu trouver un équilibre entre toutes les sonorités, qu’elles soient purement Metal ou orientales, ce qui n’a pas dû être une mince affaire.
L’identité visuelle du groupe est assez forte : la pochette est pleine de symboles mystico-religieux que l’on peut lire comme un délire artistique ou une métaphore du contenu de l’album. C’est donc dès le premier abord que l’on se sent comme attiré vers cet objet baroque et hypnotisant (regardez tous ces yeux sur la pochette !). Le voyage durera une heure et s’étalera sur dix titres, dont les noms vous dévoilent des destinations : de l’Hébreu, "Ya Shema Evyonecha", du Suédois, "Mangata", ou encore un exil "Diaspora, My Love". En plus des noms de chansons, les instruments sont aussi là pour vous transporter : beaucoup de cuivres sur Mountain Fever, des percussions, du violon, du violoncelle.
Si l’ensemble est plutôt bien équilibré en termes de durée, vous comprenez donc que cela ne sera pas le cas dans le contenu. S’il n’y a pas de chansons naviguant dans des tempi qui ne tombent pas dans les blasts ou des moments très violents, la présence du Metal extrême se fait sentir çà et là dans le chant et aussi dans les guitares de "For The Leader, With Strings Music" qui prend parfois des notes de folie avant de retomber dans les guitares acoustiques, des violons et des percussions envoûtantes.
Subterranean Masquerade aime surprendre son auditeur et rares sont les titres dont l’ambiance du départ est la même à la fin. Même pour quelques instants, ils aiment changer l’humeur de la chanson : sur "Diaspora, My Love", on ressent des montagnes de mélancolie, avec une rythmique très douce, lente, un chant assez triste, jusqu’à un break de cordes suivi de guitares saturées et de growls. On suit sans doute les émotions contrastées du narrateur qui se languit de son pays et crache à l’auditeur sa rage et sa frustration. Mais quand ce chemin sinueux rencontre la force du groupe : son penchant pour les sonorités orientales, on part loin. "Somewhere I Sadly Belong" donne dans les voix Black Metal de Ashmedi (Melechesh), les riffs heavy, part avec des cordes aux consonances des Balkans, un pont ultra mélodique et nous fait décoller avec un refrain composé de chœurs de femmes rock. Un melting pot de folie qui prouve à quel degré expert le groupe maîtrise la composition.
L’écriture est clairement leur point fort, tout comme les ambiances pour servir un propos et une émotion. Mais ne vous attendez pas à une unité de lieu ou de style. C’est une palette variée qui peut aller du progressif à la Pain of Salvation sur "The Stillnox Oratory" au heavy presque classique de leur premier single "Ascend". Et toujours en mettant une petite touche de ce Proche Orient qu’ils aiment et qu’ils mettent en scène : les chœurs d’"Ascend", les incroyables cuivres de "Mountain Fever", ou les percussions discrètes de "Diaspora, My Love" sont là pour guider votre voyage musical, vous sortir de la routine musicale. Et surtout donner un côté solaire à ce disque. Même "Mangata", ballade prog rock, nous réchauffe le cœur et reste Metal avec son solo, sa batterie qui rythme ce conte qui traduit le retour du chanteur après un séjour prolongé en Scandinavie, ce choix de vie, et le chemin qui pourrait l’y reconduire.
Il est difficile de ne pas être enthousiaste en écoutant Mountain Fever. Subterranean Masquerade a construit un album palette, qui couvre des tendances de Metal tellement variées et tellement bien mariées que l’on écoute ce disque-voyage d’une traite sans lassitude. Le groupe a clairement voulu mettre une partie de sa culture, que vous pouvez découvrir dans l’article « Dans l’œil de… » et a réussi à imprimer un style et une ambiance aussi que l’on trouve peu dans ce style de Metal. Je ne peux que vous encourager à y jeter une oreille et à vous laisser charmer.
Tracklisting
- Snake Charmer
- Diaspora My Love
- Mountain Fever
- Inwards
- Somewhere I sadly Belong
- The Stillnox Oratory
- Ascend
- Ya Shema Evyonecha
- For The Leader, With Strings Music
- Mångata