Punkach' renégat hellénophile.
Je dois bien admettre que si on me demandait d'évoquer la Serbie d'un point de vue musical, je ne saurais aller guère plus loin qu'un air entêtant d'accordéon sur fond de vieille pellicule des années 90 et de poudrière géopolitique. Bref, rien de bien avouable. Et pourtant la petite république des Balkans semble abriter une certaine scène metal, avec sans doute quelques perles à dénicher pour ceux qui, comme moi, se plaisent à étaler des listes de groupes venus de pays qu'on associe assez rarement à nos chères musiques amplifiées. Parmi ces formations serbes, The Stone occupe certainement une place centrale dans la catégorie black metal ; active dès 1996 sous le nom Stone to Flesh, elle enchaîne les albums avec une telle régularité que je me demande sincèrement pourquoi il a fallu qu'elle signe sur le label belge Immortal Frost Productions pour la trouver dans mes suggestions d'écoute.
Après un petit rattrapage préalable, force m'est de constater que The Stone est un groupe immanquable pour qui apprécie les interprétations slaves du black metal. L'opus précédent, Teatar Absurda, présentait déjà des similitudes avec les formations russes ou ukrainiennes les plus abouties en black/pagan, et c'est à nouveau le cas dès les premières mesures de "Pramaglina". A ceci près que le vocaliste Glad a encore gagné un niveau en puissance, et c'est d'une voix habitée par quelque divinité du tonnerre qu'il entame ce nouvel album, les sonorités particulières de sa langue natale soulignant une certaine parenté avec d'autres venues d'un peu plus loin vers l'orient. Quant au bloc instrumental, il semble inébranlable, mais les guitares se permettent des passages plus variés, voire carrément aériens sur "Okamenjen", instituant un contraste et une richesse qui sont les bienvenus. C'est d'ailleurs sur le morceau-titre "Kosturnice" que cette alchimie entre la voix furieuse et des notes cristallines telles les remous d'un torrent de montagne claquant sur chaque rocher fusionne à la perfection, avant de se permettre des passages plus lourds au fur et à mesure qu'est scandé le titre du morceau.
Comment suis-je passé si longtemps à côté d'un groupe pareil ? C'est vraiment la question qui me trotte dans la tête tout au long de l'écoute de ce Kosturnice. Les Serbes nous offrent un black metal tout en puissance sans être exempt de subtilité et, si l'on peut trouver des sonorités proches de certains groupes panslaves, The Stone ne s’embarrasse pas d'oripeaux folks pour nous offrir quelque chose de plus pur, plus brut. Nos Serbes s'essaient aussi au chant en langue anglaise sur "Tremors Beneath the Ground of the Charnel House" et "Engulfed by the Abyss", pour un résultat plus mid-tempo, plus malsain même, comme la bande-son d'un film d'horreur rétro. Solide et direct tout en offrant finalement une certaine variété émotionnelle, Kosturnice fait partie des rares albums qui semblent si parfaits qu'on en redemande, même pas sonné après l'avoir découvert d'une traite. Je m'en veux d'ailleurs un peu de devoir comparer l'oeuvre de The Stone au style propre à d'autres régions fertiles en black metal ; ce n'est pas faire honneur à une formation qui a déjà neuf (!) albums à son actif. Mais si c'est le prix à payer pour attirer l'attention d'un public occidental plus familier des steppes que des Balkans, je suis prêt à le débourser !
Setlist:
Pramaglina
Okamenjen
Kosturnice
Tremors Beneath the Ground of the Charnel House
Ime koje su razvejali vetrovi
Engulfed by the Abyss
Omnicid
Jebeš pero, dodaj mač