Why not ?
En mettant en avant la présence de l’ex Dream Theater et claviériste de Sons of Apollo, Derek Sherinian, les Italiens de Odd Dimension ont réussi le coup marketing d’attirer l’attention sur leur nouvel album : The Blue Dawn. Première sortie depuis 2013, le groupe, signé chez Scarlet Records, a pris le temps de composer dix titres qui vont vous tenir bien plus d’une heure autour d’un concept science-fiction très élaboré. Ils en ont aussi profité pour inviter quelques connaissances pour donner un peu plus de corps à ce troisième opus: le chanteur de Labyrinth sur "Flags of Victory" et donc Derek Sherinian sur le titre éponyme, qui est aussi la chanson-fleuve du disque. Pour finir la présentation globale de The Blue Dawn, on pourra parler de l’artwork dessiné par un habitué du genre, Gustavo Sazes, dont on peut retrouver les œuvres sur les pochettes de Kamelot, Angra, Amaranthe, Nightrage… L’expérience de l’artiste et sa renommée transcendent un visuel accrocheur et en parfaite harmonie avec le concept développé par le groupe.
Si l’on s’approche de ce concept pour rentrer dans l’album, on va plonger dans une histoire de science-fiction, l’histoire de voyageurs de l’espace, qui vont vivre des aventures, faire des rencontres et affronter des défis interstellaires. Tout ceci implique des lieux fictifs (la planète Axtradel), plusieurs personnages, Eloise et Markus, d’où les invités mais aussi des prestations d’acteur digne des Oscars : sur "Escape to Blue Planet", le « méchant », nommé The Ruler, parle aux personnages et c’est incroyablement peu crédible, de plus, son rire, comment dire… Certains membres éminents de ce webzine auraient utilisé le terme de « voix d’outre-tombe » mais en rigolo. L’histoire apporte un plus scénaristique et dramaturgique, sans gêner ou se surimposer à l’écoute d’un disque qui est avant tout Metal. Les voix se mélangent assez délicatement sur "Escape To Blue Planet" par exemple ou laisse la place à une voix robotique sur "The Supreme Being" pour servir le propos.
Vous aurez sans aucun doute saisi la ressemblance avec un groupe bien connu des fans de space opera Metal : Ayreon. On est clairement dans le ton mais bien sûr avec des moyens plus modestes. La différence majeure réside dans l’approche plus progressive de l’ensemble. On va tutoyer des groupes concepts comme Pagan’s Mind dans le son ou l’utilisation des claviers. On sent que Odd Dimension a un potentiel musical immense. Les titres, à l’exception des deux instrumentaux "Solar Winds" et l’intro Mission no 773, sont assez longs, plus de cinq minutes et pleins de recoins musicaux que le fan de prog appréciera.
Si le groupe a invité Derek Sherinian, c’est qu’il propose des parties de claviers travaillées et qui prennent parfois le devant dans les rythmiques. Ecoutez "The Invasion", et ressentez le groove que ces dernières apportent, tout en laissant la part belle à une guitare plus heavy sur les refrains. On a presque envie de danser tellement le début du titre est funky avant de rentrer dans des parties plus reconnaissables et identifiables au progressif : des chœurs, un pont alambiqué qui n’est pas sans rappeler les meilleurs souvenirs de groupes légendaires comme Dali’s Dilemma.
On remarque aussi que de nombreux titres sont construits comme des crescendo comme par exemple "Flags of Victory". Des arpèges de guitares ou du piano au départ, une ambiance qui s’installe puis quand les refrains arrivent, la distorsion prend le pas. A tel point que certaines chansons nous prennent un peu à revers : "Sands of Yazukia" a tous les atours d’une ballade, mais seulement pour quelques instants puisque les rythmiques heavy prennent le dessus avec des lignes de chant très rock et une partie centrale, instrumentale, avec les petites cassures progressives que l’on apprécie et une conversation entre tous les instruments qui montre à quel point Odd Dimension est un groupe équilibré.
Si les titres ne sont pas vraiment liés par une cohésion musicale, pas de reprise de thème ou de boucle entre deux parties, ils ont l’ambition de s’écouter individuellement en procurant la même sensation cohérente. Des touches de heavy, de prog, de rock sont habilement mélangées. Pas de shred fou ou de longues emportées lyriques. On est dans un équilibre délicat qui fait passer l’album d’une traite, sans perte de souffle.
En fait, on se fait surprendre par ce groupe que l’on n’attendait pas. The Blue Dawn a fait siens les codes d’un bon album progressif : démonstratif, varié, équilibré et un petit peu audacieux. Un album par décennie c’est bien peu, on en attend maintenant tellement plus. On espère simplement que les Italiens ne suivront pas la trajectoire de nombreuses étoiles filantes du genre qui ont marqué l’histoire du prog avec un album enthousiasmant. En attendant, ne lâchez pas Odd Dimension, The Blue Dawn mérite qu’on s’y arrête un bon moment.
Tracklisting
1 Mission N°773
2 Landing on Axtradel
3 The Invasion
4 Escape to Blue Planet
5 Solar Wind
6 Life Creators
7 The Blue Dawn
8 Sands of Yazukia
9 Flags of Victory
10 The Supreme Being