Death metal et science-fiction : une oreille dans les étoiles, une autre dans les enfers.
Après avoir attendu douze longues années, les fans de metal expérimental furent ravis d’apprendre, en août 2020, que Genghis Tron préparait une suite au phénoménal Board Up the House (2008, Relapse Records). Fin mars 2020, après deux singles, Dream Weapon est dans les bacs, toujours chez Relapse. Un retour surprenant. Loin de la folie prog de Board up The House, Genghis Tron mise sur les nappes de synthés pour créer des ambiances diaphanes et c’est une franche réussite.
Board Up the House faisait figure d’ovni, où Genghis Tron avait digéré quelques influences de son époque pour expérimenter. Il y avait du Protest the Hero période Fortress dans les harmonies, du Mastodon dans le chant, une grosse touche mathcore à la Dillinger Escape Plan, de la folie grindcore à la Discordance Axis. Et déjà quelques petites touches de post-metal dans les ponts et les suites d’accords.
Dream Weapon est moins rapide, moins dense, beaucoup moins énervé. Stylistiquement ça n’a rien à voir, mais la démarche est similaire. Sauf qu’au lieu d’expérimenter autour du prog et du mathcore, Genghis Tron s’attaque à l’ambient et à la post-musique. Il y a du Nine Inch Nails période Hesitation Marks dans ces nappes de synthés qui s’étirent et miroitent. Il y a presque un côté stoner dans certains riffs, impossible personnellement de ne pas penser à Somali Yacht Club quand j’entends chanter Tony Wolski sur Ritual Circle.
Dream Weapon a un côté très progressif. L’influence du prog des années 70 est notable, celle d’artistes plus récents aussi, Haken et Steven Wilson en tête. L’ovni prog de cet album, c’est bien évidemment Single Black Point, avec sa rythmique à la guitare en palm-mute. De la musique de premiers de la classe, qui parle sans difficulté à celles et ceux qui comme moi s’en foutent de repérer les changements de signature rythmique.
L’usage brillant des synthés et des percussions confère un côté très cinématique, un peu comme une bande originale de film ou de jeu vidéo. Les percussions alternent beaucoup entre batterie et boîte à rythme. Ca s’entend sur Alone in the Heart of Light, peut-être le passage le plus pop de l’album. Cela dit tout Dream Weapon a un côté accessible, malgré sa construction complexe. Dans la playlist des Genghis Tron depuis quelques années, il y a certainement des grands noms de la synthwave ou de la synthpop récente, de Perturbator à Carpenter Brut, en passant par College et Japanese Breakfast.
Impossible non plus de ne pas penser à Rosetta et Isis en écoutant certains breaks, construits en forme de boucles itératives et lancinantes. On ne sera pas surpris de trouver à la batterie Nick Yacyshy, surtout connu pour son travail dans Sumac. Un véritable exercice de style, où les nappes ambiantes de synthés se marient parfaitement avec des rythmiques rapides et syncopées. Une recette éprouvée que Genghis Tron utilise à la perfection sur Dream Weapon. Produit par Kurt Ballou, l’album est doté, du début à la fin, d’un son cristallin, si propre qu’on aimerait y trouver quelques aspérités : mais rien n’y fait, c’est un carton plein.
Board up the House était un cri de folie dans la nuit éclairée aux réverbères. Dream Weapon sonne comme un chuchotement glissé dans le creux de l’oreille. La suite parfaite pour cette équipe de rêveurs qui, fatigués de taper contre les murs de leur maison, sont sortis sur le toit pour regarder le ciel briller.
Tracklist
1. Exit Perfect Mind 01:11
2. Pyrocene 06:13
3. Dream Weapon 05:13
4. Desert Stairs 02:05
5. Alone In The Heart Of The Light 07:07
6. Ritual Circle 10:21
7. Single Black Point 04:23
8. Great Mother 08:58