Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Le trublion Ghostemane a beau être prolixe, cet album était terriblement attendu de la part des fans. Non sans une certaine anxiété, car le dernier long format d'Eric Whitney remonte à 2018 et le moins qu'on puisse dire c'est que "N / O / I / S / E" ne savait pas tout à fait comment se positionner. Mélange curieux entre des influences industrielles à la Nine Inch Nails, le trapcore qui l'a fait connaître, des riffs saturés de plus en plus assumés et beaucoup trop d'interludes bancales.
La suite avait été pour le moins confuse. 2019 avait vu le mage noir s'essayer à d'autres styles avec deux médiocres EP de metalcore puis de grunge où l'artiste assumait au grand jour être un produit bâtard entre le fan de Nirvana et le scene kid bercé à BMTH. Mi-2019, il était pourtant retourné à sa zone de confort avec un solide EP de trap metal en collaboration avec Parv0. 2019 et 2020 ont surtout été les années des collaborations, avec des collègues de hip-hop énervé comme Ho99o9 ou MDTA, son cercle proche avec Denzel Curry, Pouya ou Bexey, mais aussi des artistes indus et originaux comme HEALTH, IC3PEAK ou encore très récemment Poppy. Sous son alias de Baader-Meinhof il avait même publié un nouvel EP de black metal cru et vicelard.
Comment synthétiser ce magma confus de références dans un nouvel album qui pourrait le confirmer à la pointe du trap metal ?
J'arrête de vous faire mariner et pour vous parler de "Anti-Icon", je vais vous raconter l'histoire du fils de Trent Reznor qui se met à la trap après avoir écouté Code Orange.
J'ai quasiment envie d'arrêter la chronique ici car c'est exactement ce sur quoi vous allez tomber. L'ombre du metal indus et de Nine Inch Nails est omniprésente, même si elle s'avère mieux digérée que sur "N / O / I / S / E" qui était trop inégal dans son rythme. Un morceau comme "Hydrochloride" renvoie directement à "The Downward Spiral" et "Melanchoholic" à "The Fragile" ; et même si NIN ou Marilyn Manson (dont on sent le spectre sur "Anti-Social Masochistic Rage") sont d'augustes références, on peut regretter le manque de subtilité dans l'approche de Ghostemane.
Quant à Code Orange, je suis encore étonné que le groupe n'ait pas fait de feat. avec le rappeur floridien. Les deux partagent cet amour pour les riffs bas du front, les ambiances industrielles et les glitch inopinés, et surtout les deux ont cette approche spontanée, parfois à la limite de l'immature, mais toujours extrêmement authentique.
Le black metal qui l'a tant influencé est toujours perceptible ici et là, surtout sur l'outro de "Melancoholic" qui reprend le riff de "Freezing Moon" de Mayhem.
D'un côté j'apprécie que la trap prenne moins de place car les disques pré-"Hexada" sont clairement longuets et poussifs, mais de l'autre je ne peux m'empêcher de grincer des dents quand Ghostemane s'éloigne de ses terrains conquis. Je ne vais rien vous apprendre en affirmant que ce projet musical est effroyablement edgy. Citons pêle-mêle le maquillage rappelant les pires heures du black sympho, les thématiques usées à la trame sur la mélancolie et la dépression (notamment ce "If I don't wake up tomorrow / I let the pain do me in" que Linkin Park n'aurait pas renié), la direction artistique aussi clichée que forcée ou encore les performances live flirtant souvent avec le malaise.
Mais il y a au milieu de tout ça une sincérité adolescente qui, je le dis suffisamment souvent dans ces lignes, me parle. Certes Ghostemane ne réinvente pas la poudre et se contente souvent de juxtaposer des influences de façon balourde, mais il le fait avec cette énergie inépuisable d'enfant fasciné. Et je dois bien reconnaître qu'après 9 albums, il parvient à polir son style et à créer à partir d'un patchwork fragile une identité musicale forte dont manque une grande majorité des artistes de trapcore / trap metal. Qu'on soit hermétique à sa démarche ou non, il va être désormais compliqué de refuser à Ghostemane le rôle de tête de proue d'une scène qui peine à se réinventer et à trouver du sang neuf.
Tracklist :
1. Intro.Destitute (1:56)
2. Vagabond (1:54)
3. Lazaretto (1:53)
4. Sacrilege (2:22)
5. AI (2:55)
6. Fed Up (2:32)
7. The Winds of Change (2:40)
8. Hydrochloride (2:27)
9. Hellrap (2:10)
10. Anti‐Social Masochistic Rage [ASMR] (3:14)
11. Melanchoholic (4:43)
12. Calamity (2:43)
13. Falling Down (4:41)