"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Mine de rien, cela fait 20 ans que Bliss Of Flesh est en activité. 20 ans et un parcours assez long, et classique finalement, entre démos/EP/splits pour en arriver à une solide discographie qui va ici compter son 4ème full-length en 11 ans. Il serait donc temps que Bliss Of Flesh vienne réclamer la place qui lui est due dans la scène Black/Death française, entre Temple Of Baal et Arkhon Infaustus pour ne citer qu’eux et des formations relativement connexes. Car si Bliss Of Flesh peut se situer depuis Emaciated Deity (2009) entre Behemoth et Belphegor, il a quand même une science de la noirceur et de la puissance brute « à la française ». Il aura mis du temps à vraiment confirmer ses dispositions, malgré un Emaciated Deity en guise de premier jet très convaincant. Beati Pauperes Spiritu (2013) lui aura permis d’évoluer et d’affiner sa personnalité, mais c’est surtout Empyrean (2017) qui aura vraiment permis au groupe français d’affirmer son potentiel. Un Death/Black toujours brut de décoffrage, mais très inspiré et agrémenté de ce qu’il faut en matière d’ambiances occultes, et Bliss Of Flesh se plaçait définitivement dans la bonne voie. La formation laisse désormais derrière elle son concept sur la Divine Comédie de Dante, la trilogie étant terminée. C’est donc Tyrant qui va avoir la charge de succéder à tout ça et poursuivre la carrière de Bliss Of Flesh. Pour un grand album qui mettra tout le monde d’accord et le placera sur le podium du Metal extrême hexagonal ?
Il n’y aura, dès le premier abord de Tyrant, pas de surprise, sur le fond comme sur la forme. Bliss Of Flesh se place ici dans la stricte lignée de Empyrean, avec son Death/Black méchant mais qui aère son propos avec de nombreux trémolos mélodiques. Et la formation n’a rien perdu de son inspiration, bien au contraire. Dès l’ouverture sur "Serve", Bliss Of Flesh est au top de ses capacités. Compos crunchy, nombreuses variations, break acoustique avec violons et chants féminins débouchant sur un final blasté très sanglant, rien ne manque, efficacité comme particularités sont au rendez-vous. Ceci pour un album voulu comme assez monolithique vu que les pistes s’enchaînent sans transition ou temps mort, à l’exception d’un interlude en milieu de course ("Hexis"). Tyrant est donc presque à prendre comme un unique morceau de 45 minutes, et c’est à prendre ou à laisser. Bliss Of Flesh livre donc toute son énergie sans s’arrêter, et va tenter de maintenir la cadence. La mission continue à être accomplie pour un "Genesis" encore une fois très varié et inspiré, avec des compos tour à tour brutales et massives mais aussi pas mal de trémolos, conférant un côté épique à l’ensemble. Sur ces bases, Bliss Of Flesh tente une performance, dommage que des longueurs et petites redondances commencent à apparaître bien vite, le groupe multipliant leads et compos plus mélodiques sur "Vanitas" (encore agrémenté de chœurs féminins) et "Krieg". Bliss Of Flesh a choisi de filer droit, ce qui va légèrement desservir cet album aux compos tout de même variées et inspirées tout du long, mais enfilées dans un ensemble assez linéaire et en forme de bloc, là où un Empyrean restait sur des morceaux vraiment marquants et plus expéditifs comme "Penitent" ou "Excercitus Caelorum".
Après une première partie d’album assez longuette, Bliss Of Flesh va toutefois repartir de plus belle passé l’interlude "Hexis". Déjà avec le plus lourd "Panem", proposant d’excellents riffs au passage, mais surtout grâce au trio de fin qui retrouve un second souffle grâce à une intensité assez constante, sans pour autant partir dans la pure brutalité. Le morceau-titre convainc déjà sans mal, mais c’est le plus long "Mors" qui marquera vraiment l’album, avec à nouveau un panel complet de compos Death/Black, qui ici se permettent même de partir dans un registre plus technique qui évoquera les travaux d’un Melechesh ! C’est vraiment la sensation de Tyrant, dont le plaisir est prolongé par la conclusion complète d’un "Naturae", toujours intense et inspiré. Le bilan final est largement positif car Bliss Of Flesh est toujours en forme quand il s’agit d’aligner les compos Death/Black cossues. Mais cet album très monolithique peut rebuter, alignant parfois les leads et trémolos à perte de vue surtout en première partie de disque. La force de Bliss Of Flesh demeure toujours dans son côté brutal, ici moins exprimé ou tout du moins plus dilué que dans ses 3 précédents albums. Cela fait de Tyrant un album plus équilibré, très cohérent et réussi, mais peut-être moins marquant qu’un Empyrean. Cela n’est toujours pas non plus éminemment original dans un registre Death/Black aux ambiances occultes, mais on ne peut pas reprocher à Bliss Of Flesh de ne pas faire le taf, et c’est le moins qu’on puisse dire tant les compos sont efficaces (et la prod à l’avenant, sans en faire des tonnes et en restant bien abrasive). Bliss Of Flesh n’a donc pas encore pondu un véritable mètre-étalon, mais il démontre qu’il garde toute la force de frappe de Empyrean tout en l’exprimant d’une manière différente. Encore un bien bon album pour les Français, pas encore un chef-d’œuvre, mais Bliss Of Flesh commence à avoir une discographie au minimum solide et homogène, qui force l’admiration. Et après 20 ans d’existence, il faut bien reconnaître que Bliss Of Flesh est un nom qui devrait compter et être une évidence quand on parle de Death/Black français.
Tracklist de Tyrant :
1. Serve (5:27)
2. Genesis (5:46)
3. Vanitas (4:47)
4. Krieg (5:24)
5. Hexis (1:49)
6. Panem (5:31)
7. Tyrant (4:10)
8. Mors (7:45)
9. Naturae (4:33)