Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Personne ne s'y attendait vraiment et pourtant Dropdead vient de sortir son premier album en 22 ans, après le cultissime deuxième éponyme. Pour les personnes qui n'ont qu'un intérêt modéré pour les styles les plus tumultueux du hardcore, Dropdead a été un des premiers groupes de powerviolence de la côte est et a marqué durablement le genre avec ses deux albums éponymes.
Néanmoins, contrairement à l'approche groovy et lourde de la powerviolence californienne (Neanderthal, Infest, Spazz), Dropdead prend un parti-pris plus urbain et crust. Les deux premiers albums se situent au carrefour de la powerviolence, du crust et du thrashcore (grossièrement du hardcore old-school en plus rapide).
Et pour ce grand retour, le groupe (dont le line-up est quasi-inchangé depuis sa formation en 1991) a fait appel à Kurt Ballou pour l'enregistrement. Le guitariste de Converge, habitué de l'exercice, a une patte bien à lui avec un son granuleux mais clair dans le sens où tous les instruments se font entendre au même niveau avec une production dense et magmatique. Alors qu'on réduit souvent Kurt Ballou à sa palanquée de productions modernes et à son omniprésence telle qu'il a contribué à façonner voir homogénéiser un certain son dans les musiques extrêmes à la mode (rappelons qu'il est derrière le son de Kvelertak, Torche, Oathbreaker, Beastmilk, Code Orange, High on Fire ou encore Black Breath) ; il faut aussi se souvenir qu'il était déjà là il y a 20 ans pour l'éclosion de tout un pan de la powerviolence et de l'emoviolence : Orchid, pageninetynine, le deuxième Dropdead, puis Gospel et plus récemment Nails. Le bonhomme connaît donc le genre et son approche de l'enregistrement et du mixage ne lui a pas empêché de produire des énormes classiques.
Pourtant sa recette peine à fonctionner sur ce come-back de Dropdead qui abandonne clairement la powerviolence au profit du thrashcore. Les 23 compositions s'enchaînent en à peu près autant de minutes, sans qu'une seule ne ressorte vraiment, la faute notamment à un chant assez poussiéreux de la part de Bob Otis (loin de la hargne canine du précédent LP). Instrumentalement rien de choquant, fort heureusement, la batterie s'avérant même très persuasive. Mais immanquablement, les riffs sonnent poussifs dans cette espèce de capsule temporelle terne qui ne peut que sonner de façon anachronique, et ce n'est pas la basse sur-saturée qui vient moderniser l'ensemble. Rassurez-vous, rien de médiocre sur "Dropdead 2020", mais le problème c'est que rien n'est excitant non plus.
Dans ce grand magma sonore, le groupe sonne plus old-school que jamais et le "2020" du titre ne parvient pas à rendre le disque beaucoup plus adapté à notre année. Si ce n'était pas pour la production, j'aurais aisément pu croire que ce disque était sorti avant les deux classiques de 1993 et 1998. Heureusement, le groupe conserve son militantisme et attaque avec toujours autant de ferveur la maltraitance animale, la société de surveillance ou la montée de l'extrême droite, mais il y a ce petit côté "ok boomer" qui ne manque jamais de poindre.
Tracklist :
1. Prelude
2. Torches
3. Road to Absolution
4. Only Victims
5. Warfare State
6. Corrupt
7. On Your Knees
8. Vultures
9. Black Mask
10. Ashes
11. Book of Hate
12. Flesh and Blood
13. Stoking the Flame
14. Bodies
15. Hatred Burning
16. Nothing Remains
17. Abattoir of Pain
18. Stripped by the Knife
19. Hail to the Emperor
20. Before the Fall
21. United States of Corruption
22. Will You Fight?
23. The Future Is Yours