Normand qui aime le gris
Je ne sais pas comment faire parce que c’est un cauchemar. J’aurais aimé écrire un long article sur les projets de ce mosellan, figure du black metal underground français des années 2000. Peut-être plus tard. Parce que 43. Oui, quarante-trois. C’est le nombre de groupes auxquels Luc Mertz a participé au fil de sa carrière dans l’art noir underground. Actuellement vocaliste de Wolok auquel participent également Cypher de La Division Mentale et Eymeric Germain de Devilish Era, notre homme aura surtout créé quantité de one-man-band pour la plupart morts-nés ou aux informations difficilement accessibles. Les tirages sont particulièrement limités et il est très difficile de retracer sa carrière. Allons-y pour une chronique « historique ».
Et comme on apprécie toujours les anecdotes croustillantes, citons d’abord Skullface, black/thrash lo-fi et primaire dont la première démo aurait soi-disant été enregistrée en 1983 faisant de Luc Mertz un des premiers black metalleux de l’Histoire mais dont la date réelle serait bien plus récente. La même histoire que Nargaroth avec la démo Orke qui serait parue en 1989. Et Bastard, projet de thrash minimaliste dont celle-ci remonte bel et bien à cette année. Et notre homme aura également mis sa famille à contribution avec sa femme mais aussi sa fille de onze ans dans un projet de dark ambient, Ewe, tellement barré qu’Aghast ou Emit ne sont pas loin. Personnellement, Belzebul aura su me séduire avec ses riffs acides et sa folie.
Plus de 120 démos, un nombre incalculable de splits et compilations pour son seul projet Zarach ‘Baal’ Tharagh. En 16 ans. Et deux albums longue durée à proprement parler. Moqué par beaucoup, encensé par d’autres, les moins jeunes d’entre vous se souviennent certainement de chroniques dithyrambiques sur des webzines comme La Horde Noire, Resistancia Underground, Darkmag ou des fanzines légendaires comme D.U.K.E du regretté Kurgan. Luc Mertz, c’est le sale et le laid en cassette tape, une crasse ultime, c’est le black metal à l’état pur selon certains puristes, une blague pour beaucoup d’autres. Et c’est même tellement laid et lo-fi qu’on a en face un mutant improbable entre G.G Allin et Jean-Luc Le Ténia, version Art Noir.
Mais c’est quoi ZBT ? Tout dépend de l’enregistrement. La constante est l’enregistrement artisanal d’un raw black metal sur 4-pistes. Les riffs ne respirent pas l’originalité mais transpirent la saleté rance, égrenant des gammes aussi primitives que répétitives et bancales. Bancales car une grande partie de la production musicale du mosellan est quasiment improvisée. Boîte à rythme tactacpofpof très synthétique, vocaux vomis au petit bonheur la chance et surtout une réverbération bouffant littéralement tout l’enregistrement jusqu’au bruitisme.
Si grand nombre de ses sorties relèvent du black metal pur et dur, ses Mind Control versent dans la noise et l’indus le plus foutraque. Certaines démos sont quant à elles une tentative de faire cohabiter rock’n’roll (Hawkwind, Motörhead, G.G Allin, Alice Cooper et même du stoner) avec un raw black en jam-session (!). Des fois, ça fonctionne comme la Demo 47 - Evil, la plupart du temps non. Vous pouvez rencontrer d’autres bizarreries comme la Demo 25 et son feeling post-punk minimal (!). Le tout avec des résultats très relatifs et très diversement appréciés. Un grand délire mais dont la singularité a eu ses adeptes.
Chapter 666 est quant à lui le digne représentant du ZBT « traditionnel » : du pur crado black metal primaire mais… en différent. Riffs sommaires inhérents au genre, inspiration punk, blast quasiment constant, une haine palpable et surtout une production très crue caractérisent tout l’album. Là, je suis personnellement très client. Je suis par exemple un grand fan de Black Cilice. Mais c’est plutôt le parti-pris du rendu sonore qui rend compte que ce projet sera très clivant. Les manettes sont poussées à fond sur un enregistrement de fortune pour sonner le plus raw possible et rendre la chose superbement amateur. Soit on accroche, soit on déteste. De mon côté, la porte est malheureusement close. La plupart des groupes souhaitent exprimer la laideur avec tout de même une maîtrise sur le rendu. Sur Chapter 666, c’est l’économie des moyens et non son expression qui est en première ligne. L’écoute est personnellement fastidieuse. C’est l’impro, le manque total de direction et de maîtrise qui sont laides, pas le résultat, et cela fausse complètement mon appréciation. Les tentatives d’incorporer des solos ne fonctionnent pas et les courts passages noise ne donnent pas plus de cachet à l’ensemble. Au final, beaucoup de bons ingrédients mais une mayonnaise qui n’arrive pas à prendre.
Personnellement, je n’ai jamais vraiment accroché à la musique de Luc Mertz. Un titre peut être réellement jouissif tandis que les dix suivants sont définitivement à enterrer. Le revival raw black metal opéré depuis quelques années charrie un paquet de projets de grande qualité qui aide encore moins ZBT à traverser les années. Je reconnais que les centaines de sorties, la production nécrosée, l’improvisation et le manque de cohérence attirent les sarcasmes dont j’use parfois à son encontre également. Mais je reconnais aussi une démarche honnête et jusqu’au-boutiste qui mérite vraiment le respect. Quoiqu’on en pense, Luc Mertz aura marqué de son empreinte malsaine les années 2000 de la scène underground hexagonale. Et je souhaitais surtout en parler. Donc ne vous arrêtez pas à la note pour venir vous plaindre dans les commentaires, elle est surtout informative.
Tracklist :
1. Anno 666
2. Prelude to the Eternal Winter
3. Idolatry
4. Holocaust
5. Escort to the Grave
6. Nightmare
7. Nekromenteia