"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
A travers les âges et les décennies il y a eu plusieurs façons de découvrir du Metal, cela va des magazines aux webzines, du tape-trading au vil téléchargement, des recommandations de proches aux suggestions de sites de streaming, des samplers CDs à Bandcamp… éventuellement des émissions de radio aux podcasts mais cela est un poil plus rare. Alors que dire de la découverte potentielle de Metal… à la télévision ? C’est encore plus parcellaire. Bien évidemment, à une certaine époque, le Metal avait pu s’inviter à la TV même française, que ça soit par le biais de passages devenus cultes à Nulle Part Ailleurs (ah la fameuse « stouquette »…) et, plus rarement encore, d’émissions dédiées, comme Metal Express sur M6, diffusée dans la première moitié des années 90. Mais plus récemment, et après que le Metal ait réussi à devenir populaire dans son coin et avec ses canaux, nous avions eu une deuxième tentative de « Metal à la télé ». Vers 2008 et pendant pas très longtemps, c’est la chaîne Virgin 17 qui nous faisait l’honneur de diffuser un peu de Metal sur la TNT, avec une émission nommée « Metal Nation » qui diffusait une fois par semaine une menue série de clips, le dimanche soir en général et à un horaire très aléatoire. Eh oui. Alors certes, le catalogue était tout de même assez « mainstream » dans l’ensemble, s’autorisant toujours une vieillerie en bout de course mais c’était tout. Mais avec le temps, et grâce à des programmateurs un minimum connaisseurs, l’émission avait su un peu s’étoffer avec quelques groupes un peu plus extrêmes et tendant plus vers certaines niches. On avait même eu le droit à une spéciale extrême avec un peu de Black-Metal ! Mais ce qui prédominait était le Metal de labels assez importants, comme Metal Blade qui surfait pas mal sur la vague Deathcore à cette époque. Je suivais assidument ces diffusions mais ayant déjà du bagage, cela ne m'a pas pour autant permis de faire de retentissantes découvertes… Toutefois, s’il doit bien y avoir un groupe sur lequel je m’étais penché grâce à cette émission, c’était Abysmal Dawn, dont le clip de "Programmed to Consume" issu de l’album du même nom sorti en 2008, passait régulièrement dans cette sélection de clips. C’est toujours ça de pris, et on pouvait donc entendre quelques growls et riffs tranchants de Death-Metal moderne à une certaine époque en début de nuit sur Virgin 17…
Après, ça n’était pas non plus la découverte du siècle. Abysmal Dawn avait eu le privilège de se faire signer chez Relapse Records et ainsi rapidement se faire un nom dans la scène Death US, avec un visuel qui le regroupait facilement avec tous les groupes de Tech/Brutal Death émergents avec un logo et des pochettes futuristes. Pourtant, Abysmal Dawn est un groupe un peu plus classique, mariant des influences américaines comme Suffocation, Death ou Nile à des noms européens de renom comme Carcass, Bloodbath et même Dissection (dont "Night’s Blood" fut repris sur le précédent album). S’il est un minimum technique, Abysmal Dawn pratique malgré tout un Death-Metal un peu plus basique, avec un gros son et surtout porté par la voix bien rauque très efficace de Charles Elliott. Problème, Abysmal Dawn avait tendance à ne pas s’exciter plus que de raison, privilégiant les tempos soutenus à une quelconque agression qui tendrait vers du pur Brutal Death. En résultait des débuts assez patauds, qui l’ont suivi jusque Leveling The Plane Of Existence (2011). En dépit de quelques assauts bien sentis comme "Programmed to Consume" (justement) ou "Pixilated Ignorance", le Death-Metal de Abysmal Dawn était malheureusement assez poussif. Faire du mid-tempo dans le Death même moderne n’est pas un problème, dans le cas du groupe américain ça ne faisait hélas pas décoller son art au sein d’une scène qui se distingue par son efficacité, et Abysmal Dawn malgré sa présence sur un grand label semblait appartenir à une quelconque forme de seconde division du Death US. Pourtant, il s’est lui-même mis un coup de pied aux fesses pour enfin sortir de sa torpeur avec son 4ème album, Obsolescence (2014). Rien qu’en quelques secondes, ponctuées d’un blast assassin, de riffs rangés et de chant crié sorti du fond du cœur, "Human Obsolescence" qui ouvrait cet album montrait un Abysmal Dawn qui enclenchait enfin la vitesse supérieure et sortait du bois. Un 4ème album nettement plus inspiré et salvateur, avec des morceaux beaucoup plus couillus et touffus, et même quand il continuait à être lent, Abysmal Dawn avait réussi à enterrer ce qu’il faisait avant, à l’image de l’excellent rouleau-compresseur qu’était "Inanimate". Un nouveau Absymal Dawn était né, il ne rigolait plus et semblait bien déterminé à toquer à l’anse du haut du panier du Death US.
6 ans plus tard, où en est-on ? Abysmal Dawn est passé de Relapse à Season of Mist, a changé la moitié de son line-up (seconde guitare et batterie) et Phylogenesis s’est fait désirer. Mais semble en forme dès le bon début qu’est "Mundane Existence", assez véloce et toujours plus touffu que ce qu’il proposait sur ses premiers albums. La production décoiffe toujours, et le très efficace "The Path of the Totalitarian" emboîte bien le pas, avec les caractéristiques propres à Abysmal Dawn qui font mouche, à savoir ce chant rauque parfait et les solos conséquents. "Hedonistic" se présente ensuite comme le nouveau "Inanimate", pas aussi bon certes mais Abysmal Dawn montre qu’il est devenu capable d’être intéressant sur les tempos les plus lourds. "A Speck in the Fabric of Eternity" maintient la tension avec de bons riffs plus modernes et un chant toujours à l’avenant. Toutefois, on constate que les compos deviennent un peu poussives. Et Phylogenesis va hélas, trois fois hélas, débander aussi sec. Tristesse. Abysmal Dawn va alors vite retomber dans les travers qu’il avait avant Obsolescence et livrer une suite d’album peu excitante et assez molle. "Coerced Evolution" se retrouve alors dans la moyenne basse de leurs morceaux, avec juste des fulgurances techniques pour maintenir l’attention. Ce genre de pistes plus « lentes » ne fonctionne à nouveau plus, tout comme le lassant "Soul-Sick Nation" et le particulièrement longuet "The Lament Configuration" qui commençait pourtant de manière très sympathique. Même le plus couillu "True to the Blind" a du mal à passer, il devient rapidement trop classique en lorgnant même de façon assez voyante vers Nile avec un chant d’outre-tombe à la Karl Sanders trop évident… C’est vraiment dommage, il reste quelques menues accélérations à la Obsolescence, le chant de Charles Elliott est toujours excellent tout du long, mais Abysmal Dawn a fait un pas en arrière alors qu’il était sur la bonne voie, a rétrogradé alors qu’il n’était pas en sous-régime. Même la cover du "Flattening of Emotions" de Death en bout de course est terriblement anecdotique. Abysmal Dawn n’a pas su transformer l’essai de Obsolescence alors que tout était là, prêt à être servi et encore chaud. Phylogenesis bénéficie tout de même de l’expérience acquise pour ne pas tomber dans le lénifiant de Programmed To Consume et Leveling The Plane Of Existence, mais après la surprise qu’était Obsolescence, on attendait mieux que cet album à nouveau assez poussif sur la durée, qui ne fait illusion qu’au début. Si le fait d’avoir du Death moderne qui ne bourre pas trop vous intéresse, Absymal Dawn peut continuer à vous séduire, mais pour qui attendait l’efficacité nouvelle introduite par Obsolescence, Phylogenesis décevra un tantinet. Ce n’est donc pas cette fois qu’un groupe découvert « à la TV » tiendra hélas sur la durée…
Tracklist de Phylogenesis :
1. Mundane Existence (3:56)
2. The Path of the Totalitarian (4:17)
3. Hedonistic (4:20)
4. A Speck in the Fabric of Eternity (4:46)
5. Coerced Evolution (5:28)
6. True to the Blind (3:46)
7. Soul‐Sick Nation (5:52)
8. The Lament Configuration (6:18)
9. Flattening of Emotions (Death cover) (4:26)