Le Black Metal norvégien connaît une période de vache maigre ? Encore ? En l'espace de quelques mois, on a vu paraître un nombre incalculable d'enregistrements des Norvégiens de MayheM, des bootlegs officialisés ainsi que des "reliques" exhumées qui traînaient certainement dans un placard. Il n'est donc pas rare de voir des projets enterrés sortir du caveau familial.
Mortem est une entité fondée il y a près de 30 ans par Steinar Johnsen (claviériste d'Arcturus) et Marius Vold (Ex-Arcturus, Ex-Thorns), complétée par Hellhammer deux ans plus tard. Ce projet est considéré comme étant le pré-Arcturus, même si les deux entités ont coexisté en parallèle durant un temps. Fort de leurs expériences commerciales musicales, nos trois comparses ont eu la bonne idée de remettre sur pieds ce projet. Dès que j'ai su que Hellhammer était de la partie, j'ai tout de suite pensé à une démarche mercantile (oui je sais, je suis médisant mais j'assume !...et je peux être bien d'autres choses encore...).
Musicalement, je ne savais pas trop à quoi m'attendre, puisque la démo de 1989 présentait un Death Metal lourd à la production caverneuse. Enfin, clairement, je ne suis pas dupe, voyant le line-up composé de membres de MayheM, Thorns, Arcturus et 1349, il m'était impossible de penser que ce Ravnsvart allait être autre chose que du Black Metal.
Je ne suis pas du genre à faire durer le suspens...Dès les premières notes de ce nouvel album longue durée, on est tout de suite transporté dans les contrés norvégiennes, là où le Black Metal du début des années 90 venait embraser la voute céleste. L'esprit musical qui émane de ce méfait est sans équivoque, Ravnsvart est forgé du même Metal que "Constellation" et "Aspera Hiems Symfonia". Autrement dit, Ravnsvart possède en tout point la signature musicale des premiers Arcturus. On retrouve également ici et là, l'élan cosmique qui caractérise la démo de SiriuS " ...the Eclipse (The Summons of the Warriors of Armageddon)" !
Après quelques écoutes, je m'aperçois que l'album présente des trames hétérogènes. Et là, je n'évoque pas la qualité musicale mais plutôt de variété acoustique. Les idées du passé jalousement gardées sur de vieilles bandes et dépoussiérées pour l'occasion se démarquent et se marient proprement aux travaux plus récents. De ce fait, l'inspiration et la spontanéité côtoient la réflexion et l'expérience. Je disais plus haut que l'album était inspiré des œuvres d'Arcturus, notamment par l'utilisation de nappes de claviers analogiques, aériennes et glaciales, très similaires, sachez néanmoins que Ravnsvart est plus direct et musclé. Le Bifröst est ouvert et nous permet de voyager vers des sonorités trop souvent abandonnées par les combos nordiques d'aujourd'hui. Les passages et les ponts atmosphériques planants sont épaulés par des guitares rudes et épiques. Hellhammer, tel un métronome, nous gratifie de séquences rapides du meilleur effet, plus dans la fougue que dans la brutalité. L'album demeure dynamique sur l'ensemble et le soufflé ne retombe jamais. Nostalgiques d'une époque révolue, les musiciens ont renié la touche progressive et assagie des derniers Arcturus, pour enfanter d'une pièce plus vivante et impulsive.
La production est-elle hollywoodienne ? Que nenni, c'est un point fort de cet opus. L'enregistrement n'a pas été peaufiné et garde ce côté brut que l'on retrouve sur les albums de la seconde vague scandinave. La musique se drape d'une signature sonore authentique d'obédience boréale, ce qui rend les hymnes plus célestes et hypnotiques. Au final, la production tout en relief est en adéquation avec les compositions et révèle un climat inhospitalier et austère. Je ne pourrais pas faire de reproche à l'agencement instrumental, hormis peut être sur le son de batterie de Hellhammer relativement mécanique, qui ne devrait pas surprendre les habitués du marteau de l'Enfer.
Ravnsvart ne révolutionne pas le style, néanmoins le schisme entre "Black Metal" standard et "labélisé norvégien" est audible. La combinaison des ambiances stellaires "nordiques" et du froid mordant des cordes confèrent à cet opus une grande classe. C'est donc avec une bonne dose d'enthousiasme qu'on s'accorde à réécouter la disque en boucle. L'esprit de l'album est avant tout porté par la simplicité et la nostalgie. Ravnsvart devrait ravir les fans déçus par la touche progressive des derniers Arcturus et qui recherchent une musique norvégienne plus instantanée et old school.
Tracklist :
1. Ravnsvart
2. Sjelestjeler
3. Blood Horizon
4. Mørkets monolitter
5. Truly Damned
6. Demon Shadow
7. Port Darkness
8. The Core