Non.
Ils en ont pris une belle, de pause, ces Bavarois. The White Goddess nous a laissés entre ciel et terre dans un climat glacial mais d'une sérénité absolue, comme un éclat aux angles parfaits, resté figé et inchangé au fil des années. Six ans plus tard, c'est The Course Of Empire qui nous est présenté, dans son écrin doré entre Beksinski et Turner (merci Marius Lewandowski), signant au passage l'une des pochettes les plus classes de 2019.
L'album a déjà l'avantage de proposer 10 titres, pour un peu plus d'une heure d'écoute, un score proche de celui de ses prédécesseurs. Lorsqu'on connaît Atlantean Kodex, cela n'a rien d'étonnant : leurs albums sont de telles épopées qu'il n'est pas imaginable de voir l'ensemble autrement. L'aspect plus rentre-dedans des quatre titres de The Pnakotic Demos est certes efficace mais terriblement inabouti !
A nouveau, avec ce The Course Of Empire, on a affaire à une véritable entité, une masse compacte aussi épique qu'une œuvre symphonique. Ce son, si particulier, extrêmement plein et travaillé, leur donne cette aura de drame antique porté par un orchestre qui s'écoule vers nos oreilles.
Cet aspect était déjà bien accentué auparavant, il s'agit bien de l'un des points forts et reconnaissables du projet. La facette musicale finit par rejoindre la facette textuelle : une longue épopée, de nombreuses péripéties allant des révoltes aux élans de solidarité, le roulement d'un cycle qui se répète... On nous conte l'histoire de l'humanité et de ses diverses occupations, entre guerres, mythes et traditions, sans repère chronologique ou géographique. Sur ce point, le nouvel album diffère encore peu des précédents : chacun s'y retrouve. On reconnaît de grands schémas, de grandes lignes et de grandes fresques de l'histoire humaine, en y glissant à la fois assez de références pour réveiller un imaginaire spécifique mais en restant également assez flou pour que chacun s'imagine, s'identifie, ou se laisse porter. Le titre est par ailleurs un clin-d’œil direct à la série de cinq toiles The Course Of Empire (Destin des Empires) de Thomas Cole. Ce cycle propose une vision allégorique, de l'état sauvage à la naissance d'une civilisation jusqu'à son déclin. Un univers dans lequel le groupe s'est ancré pour créer. L'artiste est d'ailleurs un peintre du XIXe siècle bien connu du monde du Doom Metal, avec notamment l'illustration de l'album Nightfall de Candlemass, puisée dans sa série Voyage Of Life.
La première écoute de The Course Of Empire donne deux affirmations : d'abord la confirmation qu'on a là un bon album d'Atlantean Kodex et ensuite l'agréable surprise de quelques titres exceptionnels (pour ma part « Lion Of Chaldea (The Heroes’ Journey) » et « The Innermost Light (Sensus Fidei) » en premier lieu). Les écoutes suivantes remplissent l'oreille d'un nombre incalculable de détails incroyables qui donnent tout leur charme à l'album. Des nombreux chœurs : à la fin de « People Of The Moon (Dawn Of Creation) » qui me semblait à première vue décevant en ouverture d'album, ou encore les voix plus déchirantes sur « The Innermost Light ». Des rythmiques de batterie toujours extrêmement bien placées, entre déferlements tout en douceur et martèlements martiaux, accompagnées de riffs parfaitement composés toujours plus épiques sans paraître fades ou peu convaincants. Le tout sublimé par la voix de Markus Becker, aussi incroyable qu'auparavant, si ce n'est plus, et un jeu sur les textes toujours précis et vocalement prenant.
Le plus étonnant reste qu'avec une recette presque identique à l'offre des albums précédents (type de mélodies et de chant, concepts et thématiques abordées, constructions des morceaux, durée, etc.), l'ensemble semble si nouveau et qualitatif. Un bémol est à noter cependant : j'ai trouvé que la première mélodie principale de « A Secret Byzantium (Numbered As Sand And The Stars) » me rappelait beaucoup « Enthroned In Clouds And Fire » de l'album précédent ! Mais c'est bien la seule exception. En réalité, tous les titres finissent par être chantonnés et donnent envie d'élever le poing vers le ciel à un moment donné, et chaque écoute permet la redécouverte de l'un des titres !
L'album, sorti à la fin de l'été, prend du temps à être digéré. Alors que le ciel s'alourdit en cette fin de mois de septembre, que les gouttes se mêlent aux arbres dont la teinte tend de plus en plus vers l'ocre et que le vent se lève, l'album prend encore plus de sens. Ça ne m'étonne même pas que chacun de leurs albums soit sorti aux alentours de l'automne, cette saison ainsi que l'hiver qui suit collent à merveille à leurs vents de solennité et leurs lourds nuages. A savourer pendant les mois à venir.
1. The Alpha and the Occident (Rising from Atlantean Tombs)
2. People of the Moon (Dawn of Creation)
3. Lion of Chaldea (The Heroes' Journey)
4. Chariots (Descending from Zagros)
5. The Innermost Light (Sensus Fidei)
6. A Secret Byzantium (Numbered as Sand and the Stars)
7. He Who Walks Behind the Years (Place of Sounding Drums)
8. Spell of the Western Sea (Among Wolves and Thieves)
9. The Course of Empire (All Thrones in Earth and Heaven)
10. Die Welt von Gestern (Abendland)