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La pluie tombe, les nuages sont noirs, ma cigarette attend impatiemment, consumant dans l’air son contenu si effroyablement toxique et salvateur, mon moral est au plus bas…une nouvelle journée commence. Une de plus.
L’âme blessée, le cœur lourd, le corps fatiguée, sans pour autant briller, le soleil éclaire une nouvelle fois les cicatrices d’une vie brisée, morne et sans autre intérêt que de ne pas se résigner à laisser la mort l’emporter. La mélancolie m’emplit, s’empare de moi…la banalité d’un quotidien désespérément similaire à celui de temps d’autres, d’une vie sans gloire, étincelle ni amour, d’une existence aussi pitoyablement humaine que profondément déprimante. Une vie que nous conte tant de groupes scandinaves…triste…mélancolique…une musique tirant une beauté de cette noirceur vitale…
Citer Amorphis, Sentenced, Katatonia, Tristania, Tiamat et les milliers d’autres combos d’un genre similaire semble presque insultant cette frange musicale fait partie intégrante d’une culture de la mélancolie.
Néanmoins, dans un genre où l’émotion est reine, et la technique qu’un outil parfois utilisé de manière dérisoire, la musicalité pure et les possibilités d’évolutions sont rares et précieuses. C’est ainsi que la fin du second millénaire a vu la scène se faire abreuver, parfois presque asphyxiée, par une meute de jeunes loups sans aura ni âme, ne dégageant rien d’autre qu’un souffle abscons complètement absent d’une quelconque émotion.
Dans un climat aussi peu enclin à l’originalité, un groupe inconnu du nom de SaraLee ne s’annonce pas forcément comme un prétendant à une révolution, et semble, avant même d’écouter, souffrir de nombres de préjugés en faisant déjà un clone sans intérêt.
Alors qu’Insomnium vient de décevoir avec un quatrième opus apathique, incroyablement fade et sans relief, "Damnation to Salvation", dans une ombre quasi-complète, de la main de ces finlandais maudit, transcende un auditeur qui ne s’attendait finalement à rien.
Une splendide pochette ainsi qu’un livret aux relents très élégiaques mettent un avant une réalité mélancolique qui sera présente tout le long du disque, se partageant un métal mélodique et gothique, souvent lent, parfois parcouru de spasmes puissants injectés par des riffs que ne renieraient pas leurs confrères de Machine Men. Mais avant une musique certes parfaitement maitrisée, belle et mélancolique, SaraLee est avant tout une voix : celle de Joonas.
Une voix grave, solennelle, sentant la banalité du quotidien, la froideur mélancolique d’une vie répétitive, l’ennui et la dépression d’une existence plate. Sa voix respire la banalité sans jamais l’être, elle est une souffrance interne magnifique, que l’on perçoit dès le refrain de "Scars", sombre mais puissante, sans pour autant monter. Sur un riff des plus épais (quel single !), quelques claviers atmosphériques et des rythmiques à la limite du thrash, Joonas y raconte les cicatrices douloureuses d’un passé toujours présent.
Les morceaux s’enchainent sans jamais se ressembler, dans une linéarité pourtant magnifiquement agencée car si réussie émotionnellement. "Forsaken", à la ligne de basse monstrueuse (la production est d’une limpidité extraordinaire), met sur orbite un refrain mélancolique transposé sur une mélodie des plus puissantes, aux claviers songeurs, discrets mais essentiels…avant un final rageur, où Joonas y hurle une souffrance sidérante. Aucune haine, pas réellement d’agressivité…mais un growl emplie de douleur, évoquant un Katotonia plus catchy, mais non moins dénué d’une certaine superbe (ces claviers enchanteurs).
La magnifique "Nights ( We’re Living For)" enfoncera l’auditeur dans une infinie tristesse, à la mélodie magique et aux claviers planants. La voix de Jonas, juste accompagnée des caresses acoustiques de Juha, y prend toute sa mesure. Grave, chaude mais si triste, évitant l’écueil si facile du larmoyant ou de la beauté factice. Elle apparait fatiguée, aussi banale que cette vie emplie de souffrance, touchant par cette simplicité si cruellement universelle, si proche de nous, si sincère…puis un solo, splendide, tout en finesse, débouchant d’un léger break atmosphérique, d’où le désespoir semble en suspens.
Là où "Sleeping in the Fire" ou "Catch of the Moon" se font plus puissants et lourds (agrémentée d’une excellente partie hurlée pour le second), souvent proche de leurs pairs spirituels sans pour autant tomber dans le plagiat (jamais…), "Rescue Me" enfonce l’auditeur dans une mélancolie exacerbée et scarificatrice, sans réellement miser sur la lenteur et le minimalisme mais réellement sur une émotion palpable, viscérale et terriblement humaine.
Une émotion explosant, ou implosant peut-être, sur un troublant "Last Day Alive", terminant ce périple intérieur de magnifique manière. Quelques notes de piano, une voix…cette voix…un texte (sublime) comme une poésie mélancolique d’une vie sans but ayant déjà tout ratée…et cette émotion prenant à la gorge. Les tripes se nouent, sa souffrance est notre, les mots semblent forts, vrais, vécus, proches…si proches. Entre couplets accompagnés par un piano et une batterie, et refrain où un riff minimaliste et des chœurs sentencieux accompagnent Joonas, "Last Day Alive" semble représenter le chemin de croix émotionnel d’une âme. Et lorsque le riff explose, et que l’on croit que le morceau va se déchainer dans un final haineux, ce n’est que pour mieux retomber dans sa banale quiétude, dans une léthargie que l’on pensait guérite et terminée…pour un final hurlé éblouissant, un désespoir complet, un ultime appel à l’aide avant la fin, l’irrémédiable…le couperet semble tombé…tout est fini…il ne souffrira plus…
"Damnation to Salvation" ne sera jamais culte, n’est connu de presque personne, est passé complètement inaperçu. Mais cette douce litanie, cette ombre humaine planant sur le disque, cette ode à la mélancolie qui fut immortalisée l’année dernière n’en reste pas moins une œuvre emprunte de sensibilité et d’une si profonde sensibilité qu’elle en devient bouleversante. A l’égal du dernier Katatonia ("Night is the New Day"), "Damnation to Salvation" est un voyage dans les tréfonds de nos sentiments les plus intimistes et tristes…un voyage dont on ne revient jamais indemne mais dont, paradoxalement, on ressort avec une profonde envie d’y retourner…comme pour oublier…désespérément oublier…
1. Scars
2. Forsaken
3. Sleeping in the Fire
4. Rescue Me
5. Crimson Sky
6. Catch the Moon
7. Nights (we're living for)
8. Turning Point
9. Remains of Carmen
10. Last Day Alive