"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Le cosmos, les grandes voûtes étoilées, les trous noirs, les larges espaces vides… sont autant d’entités qui inspirent les musiciens qui donnent dans le Black-Metal ambiant à tendance spatiale, Darkspace et tous ses suiveurs/clones en somme. Pourtant, pas besoin de voyager aussi loin pour trouver de l’inspiration dans le genre. Phobonoid lui s’arrête à la planète Mars et en particulier sa lune Phobos. L’artiste italien derrière ce projet est bien bloqué là-dessus, et il a d’ailleurs choisi le pseudonyme de… Lord Phobos. Puis Phobonoid est déjà un nom qui parle de lui-même. Et l’on retrouvait d’ailleurs une photographie de la lune difforme de Mars sur la pochette de Orbita, le premier EP de Phobonoid sorti en 2013. Bref, inutile d’aller chercher plus loin sur ce qui fascine ce projet. Même si les concepts autour des sorties de Phobonoid sont souvent plus travaillés que de simples évocations de Phobos (ou encore Déimos, l’autre lune de Mars), d’ailleurs La Caduta Di Phobos (qui se traduit pourtant par « la chute de Phobos ») s’articule autour d’un concept nébuleux sur les corps célestes d’un monde détruit… Les amateurs creuseront le sujet, j’en reste à la musique. Phobonoid voit donc le jour en 2012, dans les Dolomites (et non pas sur Phobos, ben oui hein). Et s’il apparaît directement comme le millième avatar de Darkspace à faire du Black-Metal raw, ambiant et « space », Phobonoid montrera vite ses dispositions avec Orbita, premier EP en forme de révélation. S’il emprunte forcément pas mal aux bases de Darkspace, Phobonoid a tout de même sa propre patte, avec des morceaux courts et une tendance à lorgner vers le Black-Indus et même le Black/Doom. Une direction qui se confirmera deux ans plus tard pour le premier album, éponyme, de Phobonoid. Plus direct mais pas forcément plus propre qu’un Darkspace, le projet italien se distingue avec brio des Astral Silence et consorts. Voix plus grognée, riffs plus lourds, peu de claviers et artifices, section rythmique plus industrielle, Phobonoid se montre plus original que la moyenne du « Black cosmique ». Discrètement, Lord Phobos continue donc sa quête, passant de Dusktone à Avantgarde Music pour son deuxième album, La Caduta Di Phobos. On va donc de nouveau passer dans l’entourage de Mars, plutôt que de se faire peur à frôler un trou noir (pour se retrouver à faire tomber des livres dans le passé).
"26.000 al" nous remet immédiatement dans l’ambiance si particulière du projet, à grands coups de Drone spatial où des guitares Black-Metal se font déjà entendre. Pour ceux qui connaissaient déjà Phobonoid, on est en terr… en espace connu. D’ailleurs sans surprise, La Caduta Di Phobos se place dans la lignée de l’album éponyme. Phobonoid lorgne donc clairement vers un Black-Indus qui s’approche souvent des frontières du Black/Doom, délaissant au final les débuts plus classiques avec Orbita, même si les ambiances singulières étaient déjà là. Mais contrairement aux disques du genre Black-Ambiant qui ont tendance à s’étirer et à partir dans le pur Dark-Ambient cosmique, Phobonoid a choisi l’efficacité. Et le morceau-titre de La Caduta Di Phobos le reconfirme déjà, on est à fond dans un registre Black-Indus, BAR qui blaste y compris. Mais Phobonoid demeure complet dans ce qu’il fait et dès ce premier vrai morceau de l’album, se dégagent déjà des mélodies sombres et désenchantées mais aussi très cosmiques, ce qui distingue un peu le projet italien qui n’est pas du genre à multiplier les couches de synthés pour faire quelque chose qui sonne stellaire. A la croisée des chemins de plusieurs sous-genres, Phobonoid s’en sort avec brio. La production n’est pas exceptionnelle, le chant déclamé plutôt anecdotique au final même si relativement original, mais le charme opère toujours. Avec notamment "Titano", le morceau le plus accrocheur de l’album qui aligne d’excellentes rythmiques appuyées et inspirées, pour continuer à poser son registre bien noir, cosmique bien sûr mais vraiment à sa manière. Et avec la suite de La Caduta Di Phobos, Phobonoid continue à élargir et explorer son spectre d’application. Ainsi "TrES-2b" nous emporte plus loin parmi les débris célestes avec un tempo plus lent, versant dans l’autre facette de Phobonoid qu’est le Black/Doom, toujours cosmique grâce à quelques effets industriels mais aussi les mélodies de guitare, tandis que le chant se fait plus sombre que jamais. Sans étaler ses riffs et ses ambiances sur des minutes et des minutes (le morceau le plus long de La Caduta Di Phobos ne fait même pas 7 minutes), Phobonoid arrive malgré tout à poser un style cosmico-apocalyptique digne des meilleurs, nous laissant flotter dans la noirceur de l’Espace à tout moment.
Oscillant toujours entre moments typés Black-Indus ("CoRot-7b", le plus cru "KOl-1843b", la fin de "MOA-192b") et passages bien plus lourds ("CoRot-7b", "KOl-1843b", le très pesant "WASP-17b", le globalement soutenu "MOA-192b"), La Caduta Di Phobos est un album qui trouve bien vite un savant équilibre. Lord Phobos continue aussi à nous abreuver de beaux leads et trémolos spatiaux (les montées de "CoRot-7b", les passages épiques de "KOl-1843b", "MOA-192b") mais aussi d’assurer la pure caution cosmico-apocalyptique avec une bonne dose de moments drony (l’interlude "GU Psc b", le début et la fin de "WASP-17b"). Malgré tout, les singularités sont plutôt rares et entre Black-Indus et Black/Doom, avec des touches mélodiques et de pur Drone ambiant (bien que parcimonieux par rapport à d’autres formations du même genre), Phobonoid a trouvé comment articuler son art et s’y cantonne. On regrettera peut-être alors un certain manque d’aspérités, seul "MOA-192b" se distingue un tantinet avec des claviers qui se font entendre et même un break à violoncelle (!). Lord Phobos n’en est pas moins inspiré et la plupart des compos valent le détour, La Caduta Di Phobos n’est jamais redondant et s’arrête avant de commencer à lasser (une grosse quarantaine de minutes, comme Phobonoid), se finissant d’ailleurs sur un beau final, le plus monumental "A-Crono" avec de bons riffs appuyés et une atmosphère résolument apocalyptique pour terminer en fanfare. Bon, nous ne sommes pas en présence d’un chef-d’œuvre du genre et Phobonoid stagne un peu, pour un deuxième album qui confirme surtout les dispositions de Phobonoid. On en attendait peut-être un peu plus six ans après le formidable début sur Orbita, mais Phobonoid continue à bien mener sa barq… son vaisseau spatial avec La Caduta Di Phobos, sans prétention et dans une certaine discrétion mais avec du panache. Et surtout, le projet a trouvé son chemin, s’éloignant d’un clonage bête et méchant de Darkspace (qui aurait cependant pu marcher) pour évoluer dans des contrées Indus/Doom plutôt pertinentes vu le résultat sur ces deux full-length. Si vous aimez le Black d’obédience spatiale ainsi que le Black-Indus qui n’hésite pas à faire preuve de lourdeur, penchez-vous sur le cas de Phobonoid si ce n’est pas déjà fait, petit OVNI parmi d’autres OVNI qui convainc grâce à une recette un peu différente de celle qui fait le succès de Darkspace et consorts.
Tracklist de La Caduta Di Phobos :
1. 26.000 al (1:56)
2. La Caduta di Phobos (4:58)
3. Titano (3:48)
4. TrES-2b (2:36)
5. CoRot-7b (5:38)
6. GU Psc b (2:25)
7. KOI-1843 b (3:44)
8. WASP-17b (3:06)
9. MOA-192b (6:45)
10. A-Crono (4:51)