Sadique Master Festival 2019 - jour 3
Les 5 Caumartin - Paris
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
DIMANCHE 3 MARS
COURTS-METRAGES
ALTERED BEAST
S.A.D.E : La séance de courts et moyens métrages débute par cet OVNI de deux minutes durant lesquels il nous faudra porter des lunettes 3D des années 80, oui oui, celles aux "verres" bleus et rouges. Le film s'approche plus du clip que d'autre chose, avec un montage rapide et nerveux d'images troublantes et/ou gores et/ou bizarres sur fond de noise qui tâche. Deux minutes éprouvantes dont je retiendrai un malaise diffus, en partie dû à ces foutues lunettes qui filent la migraine quasi immédiatement.
Prout : Je mets le ton tout de suite, je vais blaster les reviews des courts autant qu’ils nous ont blasté le cerveau, et éviter de répéter les mêmes choses que S.A.D.E. Et on commence avec Altered Beast. Deux minutes de 3D des années 80 Picsou magazine sous fond de Noise, d’images subliminales et de flashs épileptiques. J’ai pas tout tout compris. Je crois qu’on a voulu nous gerber à la figure la lie de la télévision, mais j’en mettrais pas ma main à couper. On tape plus dans la performance que dans le débat de fond sur ce coup-là.
AUOPSSESSED
S.A.D.E : Un chirurgien (boucher ?) et une écolière se collant une sucette violette entre les lèvres se retrouvent dans une pièce, que se passe-t-il ? Eh bien tout naturellement, le chirurgien ouvre la panse de l'écolière sans anesthésie aucune et s'amuse à tripoter ce qu'il trouve à l'intérieur, non sans en faire profiter sa partenaire fascinée par le contact de ses propres viscères. Les deux lurons s'extasient sur la couleur d'un foie, le contenu des intestins ou la texture des reins. Un bon gros délire 100% gore plein de bruits humides qui nous apprend qu'il ne faut pas avaler les capotes (je ne spoile pas plus pour ceux qui voudraient voir le machin).
Prout : On prend le précédent court à contresens direct avec Auopssessed, simple gag loufoque et viscéralement introspectif, dans le sens propre du terme ! C’est fun, c’est gratuit, c’est sensu/sexuel, on rigole beaucoup tout autant qu’on peut être écœuré (si on est une petite personne fragile). Revivifiant !
LOVESICK
S.A.D.E : Drôle de voyage au cœur d'une sexualité extra-terrestre, Lovesick propose des plans très esthétiques de corps androgynes voire hermaphrodites dans un montage assez lent et énigmatique. Il y est visiblement question de rapports sexuels à distance, mais rien n'est sûr, peut-être que les deux corps mis en images sont en pleine masturbation solitaire. Les costumes et le maquillage sont tout à fait à mon goût, avec juste ce qu'il faut de réalisme pour qu'on y croie. La bande son, toute en nappes synthétiques, colle bien aux images pleines d'un érotisme déviant. Peut être un peu trop mystérieux dans ses intentions, ce court métrage n'en est pas moins réussi.
Prout : Parfois je me dis que certains réalisateurs ne sont pas intéressés par le cinéma, mais juste par le support et la liberté visuelle qu’il propose. Deux aliens qui se tripotent chacun de leur côté pendant 8 min avec un fond sonore bruitiste et frisant l’apocalypse. Faut aimer ça. Sans doute un court très intéressant pour un plasticien ou quelqu’un de sensible à l’esthétique post-moderne (je sais même pas si ça existe).
MUIL
S.A.D.E : Muil, en flamand signifie mâchoire. Et c'est l'objet des fantasmes de Richard : les grosses mâchoires, celles des requins, des hippopotames, des T-Rex et de toutes les bêtes fantastiques munies d'un orifice buccal rempli de dents. Parce que Richard ne veut pas se faire sucer, non, il fantasme à l'idée de se faire manger. Et, pendant qu'il lutte dans sa vie quotidienne à la recherche d'un plaisir sexuel qu'il ne parvient pas à atteindre, le voilà qui entre en contact avec Max, qui partage les mêmes pulsions et lui propose de réaliser son fantasme. La tension vient d'un hors-champ brillamment assumé et parfaitement amené : de la bête censée manger les hommes on n'entendra que les sons, la seule mâchoire franchie sera celle de la porte où le monstre est reclus. Avec une ambiance vraiment réussie, de très bons acteurs, des images austères, mais travaillées, Muil est un petit bijou questionnant les déviances sexuelles.
Prout : Je ne vais pas paraphraser mon ami S.A.D.E. C’était sans doute le meilleur court de la soirée, grâce à son ambiance si normalisée et pourtant si prenante. L’allégorie de la bête insufflée par la porte du paradis (ou des enfers selon le point de vue) est totalement réussie et la frustration de ne jamais la voir n’est qu’une gargantuesque ouverture vers notre propre imagination.
THE DWARFS
S.A.D.E : Alice au pays des nains géants (oui) voyeurs et pervers ? C'est un peu ce que propose The Dwarfs, deux minutes assez poétiques (une poésie déviante, je vous l'accorde) pleines de bonnes idées. Enfermée dans une maison miniature, une adolescente est scrutée par des nains vêtus de rose et faisant plusieurs fois la taille de la maison (des nains géants, donc). Et quand ils soulèvent la dite maison, jettent un œil par la fenêtre ou un coup de langue par la porte (!) on y croit à 100% tant les effets spéciaux et autres trucages sont parfaitement réussis. Entre l'hommage aux films naïfs de Méliès et bizarrerie malaisante, The Dwarfs se pose là.
Prout : Belle prouesse mais cette fois-ci surtout technique. En tout juste deux minutes, The Dwarfs revisite nos contes occidentaux traditionnels en les entremettant de voyeurisme et de romantisme malsain. On y croit totalement et on regrette presque que ce soit aussi court. J’aurais aimé un développement plus profond des rapports entre les nains et la belle endormie, entre fascination et amour unilatéral. Blanche Neige et ses sept friendzones quoi.
MY FASHION NIGHTMARE
S.A.D.E : Quelques minutes dans le monde hyper concurrentiel du mannequinat où quatre jeunes filles se mettent des bâtons dans les roues pour atteindre la réussite. Avec de très beaux plans éclairés aux néons rouges (la patte de Nicolas Winding Refn n'est jamais très loin), My Fashion Nightmare reste un peu trop visuel et pas assez profond. La galipette de fin qui consiste à dire que tout ce qu'on a vu n'est qu'un rêve est un poil facile. Par contre, la BO est vraiment bien fichue avec un thème à la fois rétro et moderne qui reste en tête.
Prout : Le nom du film donne carrément le ton, on est dans une prouesse surtout esthétique. Bonne BO, bon rythme, bien soutenu, on est dans l’enfer de la mode, et c’est vraiment super sympa. Quatre meufs se battent pour être la plus fashion, ou plutôt tout se fait dans la tronche d’une des participantes à un casting ou dans leur inconscient collectif, va savoir. La virevolte de fin m’a fait sourire, même si c’était un peu facile.
ROSALITA
S.A.D.E : Dernier film de cette sélection, et quel film ! Dix-huit minutes dans le Mexique profond où un homme s'égare entre fantasmes de meurtres et refoulement de souvenirs douloureux. Avec un montage elliptique qui rappelle David Lynch et une ambiance de film de séquestration bien oppressant, Rosalita est perturbant d'un bout à l'autre. L'image est nimbée d'un sépia vieillot renforçant la crasse dans laquelle baignent les personnages et la musique vous frissonne le long de la moelle épinière. Mais c'est clairement le jeu de l'acteur principal qui est remarquable dans ce film : à la fois psychopathe tourmenté et victime sans bourreau, le personnage est brillamment incarné par Samir Hauaji.
Prout : Rosalita c’était crade. C’était le vieux Mexique, la backdoor d’un petit village de Colombie, les favelas de campagne du Brésil où s’enchainent malaises, meurtres, violences familiales, vengeances sous fond de tristesse et pauvreté sociale. C’est le film que tu ne veux plus regarder mais dont tes yeux ne peuvent pas se dérober. C’est le désespoir total, la psychopathie malaisante, un bon final pour le Sadique Master quoi !
Que dire de cette édition 2019 ? Déjà que c'était une belle édition, humaine, intimiste, moins porno et plus gore que l'année dernière. Les courts de No Reason sont toujours aussi excellents et c'était cool d'en voir d'autres artistes aussi. Le Sadique Master continue sa volonté de toujours vouloir proposer des artistes plus que de simples cinéastes, d'afficher des peintures qui ne trouveront jamais ou presque jamais d'exposition ailleurs, de choquer, mais pas que, peut-être même d'exprimer des trucs, des idées alternatives. Cette année avait quelque chose de moins osé, mais de plus éclectique. On commence à trouver nos marques ici-même, on se sent un peu à la maison. Allez, à l'année prochaine le Sadique Master et merci pour tout !
Lire le jour 1 - Framed & House Of Flesh Mannequins
Lire le jour 2 - Enter The Deep, Xpiation, Brutal, Clownado