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Album

05 février 2019 - Traleuh

Deathspell Omega

The Synarchy of Molten Bones

LabelNorma Evangelium Diaboli
styleAvant-Garde Black/Death Metal
formatAlbum
paysFrance
sortienovembre 2016
La note de
Traleuh
9/10


Traleuh

Tu sauras t'agenouiller devant Ses temples de pierre. Rome s'est écroulée quatre fois, par dix huit fois les murs de Jérusalem ont tremblé : pas une fois ta foi en l'Architecte Suprême n'a été ébranlée. Tu sauras t'agenouiller devant Sa foi invincible, qui ne connaît ni répit ni fatigue. Souviens toi de la résolution de Moïse, ascendant par deux fois le Mont Sinaï pour entendre puis transmettre Sa parole. Le même Moïse qui usa du glaive de la Vérité pour pourfendre ces adorateurs de l'ignoble porc chrysocale, symbole de la vanité de l'homme. Souviens toi aussi du Grand Martyr de Lydda, qui arbora, par la seule témérité de sa foi, l'Axe du Monde, perforant la monstrueuse engeance de l'Ange Déchu. Tu sauras t'agenouiller devant la perfection manifeste de l'ossature de Son édifice. Ô grand ordonnateur ! Combien de monarques, grands bergers des peuples - houleux essaims - as tu inspiré ? Et combien d'hommes subordonnés à Ta sainte gloire ? Tu sauras accepter Sa grande révélation. Vous pénétrez en moi, Ô grand édificateur. Vous pénétrez en moi et j'avale, à mon tour, la semence de Votre divination. Vous pénétrez en moi, et je vous sens.

Cet état de béatitude, ce sentiment d'adoration extatique, cette déification d'un ailleurs, d'un au-delà, d'un Grand Tout et de son Ordonnateur, je crois l'avoir touché, bien modestement atteint, à l'écoute de l'infâme Deathspell Omega. Car c'est bien le même séidisme fanatique, sectariste, que suscite en moi cet apôtre informe et monstrueux, éructant sa bile impie à qui veut la recueillir. Le même état de transe frénétique et anxieuse que m'évoque l'incompréhensible ouvrage qu'est The Synarchy of Molten Bones, ce miroir dissonnant, ignoble déviation du Grand Ordonnancement. Cet implacable élan d'adoration, ce sentiment de grâce infini, que la bête elle-même réprimande à grands coups de citations bataillennes, je l'embrasse, j'en chéris chaque instant. Un seul regard dans les yeux de la bête pour que ma foi soit assurée, et Sola Fide.

Cette hideuse aberration s'est parée de deux armes de choix pour cette nouvelle escarmouche infernale : le Rire et le Marteau. Le Rire libérateur, voltairien, qui par sa simple expression émancipe son auteur, comme symbole d'une indépendance perpétuellement renouvelée ; et le Rire blasphémateur, ironiste, semblant moquer l'état déliquescent de Ses fidèles et de Son état sur Terre. Deux rires, a priori antinomiques, que Deathspell Omega semble ici dextrement accorder pour mieux démystifier Sa Parfaite Architecture. En second armement, le Marteau vindicatif, comme engin de destruction et d'anéantissement de Sa sainte édification ; et, comme son acception nietzschéenne l'entend également, le Marteau bâtisseur, d'un assemblage qui semble ici plus dangereux, âpre et sauvage, mais aussi plus libre, plus primal.

Cet assemblage, cet incompréhensible édifice, que Deathspell Omega, la bête immonde, Grand Vicaire d'un diocèse peuplé d'abominables engeances, s'acharne à composer depuis l'abject Si Monvmentvm, semblant repousser les contours de l'enfer Schönbergien dans un dessein sacrilège. Ce pandæmonium atonal, d'une implacable perfection, dont je repousse absurdément l'inévitabilité pour mieux en caresser le palais. Cet enfer dodécaphonique, échiquier des damnés, qui prend ici la forme d'un terrain de jeu impie, aux proportions mythiques, théâtre d'une bestialité confinant invariablement au deuxième cercle de l'Enfer. Ces limbes cyclopéennes, annoncées au grand son des cors, qu'auraient rêvé Milton et Dante, et dont je crois apercevoir le fond.

"Le vent de la vérité a répondu comme une gifle à la joue tendue de la piété." - Georges Bataille.

Tracklist :

1. The Synarchy of Molten Bones
2. Famished for Breath
3. Onward where Most with Ravin I May Meet
4. Internecine Iatrogenesis