La caution grunge du webzine.
Papa Roach n'est jamais resté sur ses acquis. Sa soif d'évoluer vers d'autres horizons musicaux, fait qu'il est aujourd'hui décrié avec la même hargne que Linkin Park en son temps, à la sortie d'A Thousand Suns (ou plus récemment de One More Light). L'essoufflement du Néo-Metal survenu au milieu des années 2000 contraindra les quatre américains à repenser entièrement leur style, et à se tourner vers le Hard-Rock mainstream entre 2006 et 2010, comme une sorte de période transitoire à des albums d'un genre "nouveau" qui viendront après, mêlant des sonorités très accessibles à des parties de Rap lancées par Jacoby Shaddix. Sorti en 2012, The Connection en avait mis en déroute plus d'un, notamment du fait de ses éléments électroniques. Si ces derniers sont toujours présents sept ans après cette première expérimentation, ils donnent une couleur différente au disque, qui, une fois n'est pas coutume, ne ressemble pas du tout au Papa Roach "tubesque" des débuts...
Avant de s'attacher à décrire le contenu musical de l'oeuvre, on peut noter un changement majeur d'un point de vue visuel. Le nom du groupe s'est en effet éclipsé de la pochette pour on ne sait quelle raison, laissant planer le doute sur les intentions de Papa Roach ou sur son probable revirement artistique... qui n'a pas lieu. Globablement, Who Do You Trust? se situe, à quelques détails près, dans la continuité du très réussi Crooked Teeth. Le groupe parvient à rendre compatibles des univers qui peuvent faire un mauvais mélange, à l'instar de Renegade Music, sur laquelle on retrouve une guitare bien barrée à la "Head" Welch prêtant au groupe un côté Néo-Metal old-school, vite cassé par une petite montagne de bidouillages électroniques, mais qui trouvent bien leur place dans le mix. Certes, les lignes vocales très Living Things du premier couplet de Who Do You Trust? dont le robotique "Pull the knife out from my back / In the company of rich" sont très retouchées et "digitales", pour autant, les californiens ne perdent pas de vue de créer de vraies mélodies marquantes et ne font pas l'erreur de mettre Jerry Horton sur le banc des remplaçants (ou pire, de l'oublier dans les vestiaires).
Le groupe s'affranchit de l'étiquette Metal qu'il avait au début des années 2000. Et c'est probablement mieux ainsi, car depuis sa signature avec Eleven Seven en 2012, le quatuor prend davantage de risques. A ce titre, citons le souffle Pop-Punk qui se dégage de Feel Like Home et de son solo pour le moins touchant, ou encore de l'aspect second degré (volontaire ou non) du morceau-éponyme. Cependant, les petits screams lâchés ici et là par Jacoby Shaddix ont le mérite de faire un rappel au passé Metal du groupe et d'installer un paradoxe musical, intéressant à décrypter (même si c'était déjà un peu le cas sur l'album précédent). Sur une production clean comme celle-ci, où les chansons sont pour la majeure partie épurées et très faciles d'accès (sans verser dans le radiophonique), on ne s'attend pas nécéssairement à tomber sur un défouloir Punk-Hardcore d'une minute. C'est pourtant ce à quoi on a droit en piste dix, avec un I Suffer Well comparable, dans son approche et son énergie déployée, au War de Linkin Park. Enfin, à la manière de l'intense Sunrise Trailer Park en 2017, le leader d'une quarantaine d'années nous livre un chant rappé émotionnel, au flow lent, au ton grave, et à l'ambiance un peu "dark" (Problems, Comes Around).
Cela peut paraître surprenant, mais la force de Who Do You Trust? provient de son absence de "grands" singles, taillés pour se hisser à la première place des charts américains. L'album est travaillé dans son entièreté, et les titres, interprétés avec passion et sobriété, donnent envie de se pencher sur la seconde partie de carrière de Papa Roach.
Tracklist :
- The Ending (03:29)
- Renegade Music (03:29)
- Not the Only One (03:25)
- Who Do You Trust? (03:16)
- Elevate (03:11)
- Come Around (03:30)
- Feel Like Home (03:10)
- Problems (03:03)
- Top of the World (03:53)
- I Suffer Well (01:21)
- Maniac (03:20)
- Better Than Life (03:21)