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La vie est un éternel recommencement. Le serpent se mort inéluctablement la queue. La boucle se referme immanquablement sur elle-même.
Ceci, Ricardo Confessori l’a compris quand André Matos a une nouvelle fois avorté son groupe et fait mourir de l’intérieur Shaman, après Angra. Là où Raphael Bittencourt et Kiko Loureiro se sont retrouvés seul face à leur destin, le batteur brésilien est resté seul face à celui de Shaman, non content d’abandonner l’ « aventure ».
Les comparaisons seront inévitables, stylistiquement et historiquement, tant les scénarios sont proches et souffriraient presque de mimétisme.
Trois nouveaux membres, un intitulé d’album symbolique ("Rebirth" pour Angra, "Immortal" pour Shaman, de nouveau avec un unique a) et un groupe se cherchant encore musicalement, empreint d’immaturité et de maitrise technique sans faille, prêt à exploser sur de futurs exploits.
Si remplacer les cordistes ne fut pas le plus difficile, au vu du niveau technique de l’impressionnant Leo Mancini, trouver un nouveau remplaçant à André Matos pouvait rapidement tourner au cauchemar. On se souvient d’un Edu Falashi aux épaules d’abord fragiles, avant de se libérer complètement. Dans ce contexte, le choix de Thiago Bianchi, reconnu au Brésil pour ses talents de producteur, est une excellente idée, malgré les réserves que l’on pouvait émettre (légitimement) sur un éventuel successeur à l’exceptionnel "Reason" paru en 2005.
Les teintes du livret et de la pochette sont claires ; le retour à l’esprit shamanique est présent, un retour à Ritual, quelque chose de plus puissant, heavy et prog, évoquant plus la chaleur des flammes que la froideur de la solitude.
"Renovatti" ouvre superbement le disque, à l’instar d’"Ancient Winds" en son temps. Une mélodie symphonique sombre, puissante et sous tension, grandiloquente et ambitieuse, en constant mouvement. Longue de près de trois minutes, elle enfonce l’auditeur dans la tourmente, l’expectative, le faisant languir.
Les morceaux s’ensuivront dans une puissance que l’on attendait plus, dans un aspect progressif inédit et fortement mis en avant, aux claviers chargés, parfois proche de Dream Theater. "Inside Chains" dévoile le chant de Thiago, rude, direct, embrassé par les effets mais la production choque de prime. Mécanique, très synthétique, loin de l’aspect vivant et organique de Sascha Paeth, Thiago a conféré une dimension très métallique à l’ensemble, mettant en avant la technique des membres et particulièrement de son batteur, multipliant breaks et accélérations, loin du jeu minimaliste de "Reason".
Il faut l’entendre sur le monstrueux "Tribal by Blood", aux cassures rythmiques très techniques, aux claviers songeurs et tortueux, à l’aspect tribal, et surtout…à cette agression vocale du refrain. Thiago y hurle de telle manière que les premières écoutes paraissent disproportionnée, il semble complètement hors de la musique alors que le temps aidant, on y trouve l’intérêt. Les textes, cette agressivité, ces hurlements presque, y collent parfaitement, tout comme à ce solo malsain et vicieux. De même, le retour des lignes de piano en plein milieu du morceau, comme c’était le cas sur "Here I Am", est un gage de l’héritage Shaman resté immuable.
Les paroles d’"Immortal", bercées par la rancœur, mettent en avant une musique plus atmosphérique, sombre et ethnique, montrant un groupe pas aussi interchangeable qu’on a bien voulu le croire d’emblée. Le chant se fait invocation, susurré ou plus appuyé, pour servir un texte dur (« Ce n’est pas la première fois que je meurs de tes mains […] Mascarades de sourires et faux semblants […] J’évite chaque personne qui me pourris la vie. Je ne me cache pas pour toi, car je serais immortel »).
Shaman, avec ce troisième opus, alterne constamment ses morceaux, jouant sur la variété qui avait fait de "Ritual" un album passionnant. Que ce soit sur les heavy "One Life" ou "Never Yeald !" évoquant beaucoup l’album de reformation de Angra ("Never Yeald !" rappelant "Judgement Day") où la ballade "In The Night", très bien interprété par Thiago, le groupe, sans égalé le génie passé, démontre tout de même des qualités qui seront à même d’exploser dans le futur.
Techniquement impeccable, Shaman, avec "Freedom" par exemple (la seule composition de l’unique plume de Confessori) arpente les chemins du culte "Nothing to Say", particulièrement dans le jeu de batterie (les descentes de toms à répétition) et les arrangements mystérieux. Mais c’est sur le final The Yellow Brick Road que les brésiliens laissent éclater leur sensibilité, véritable ode à la nature et à la quiétude, magnifique façon de terminer un album accouché dans la tourmente et la rancœur.
Une mélodie initialement acoustique, un chant renvoyant encore une fois à Edu Falashi, une ambiance générale chaude et accueillante, brésilienne, proche de Holy Land. Thiago se veut touchant, sincère, beau tout simplement…et le silence, la nature, les oiseaux, l’eau qui coule, la quiétude, le bonheur naturel…on ferme les yeux, la légèreté nous emplit, doucement, nous transporte, loin, hors de notre monde saturé et hurlant…puis…la mélodie retentit, pure, viscérale, nous heurtant directement, nous qui étions si bien. Une sensibilité exacerbée en émane, une flute traversière se fait entendre, tandis que la harpe continue sa douce litanie, magnifique moment de grâce et de pureté, faisant oublier tout le reste, les précédents morceaux, nos problèmes…nous faisant simplement penser, voir pleurer.
"Immortal" n’est sans doute pas le chef d’œuvre d’inspiration qu’est "Ritual", ni l’analyse intérieure et poignante que représente "Reason", mais il est sincère (plus que "Time to be Free" et "Mentalize"), et provient du plus profond du cœur d’un Ricardo Confessori renaissant de ces cendres. Shaman vit toujours et en nous, brule quelque part, une once des émotions ressentis à l’écoute de ce troisième album.
1. Renovatti
2. Inside Chains
3. Tribal by Blood
4. Immortal
5. One Life
6. In the Dark
7. Strenght
8. Freedom
9. Never Yield
10. The Yellow Brick Road