Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Pour profiter de cette nouvelle sortie estampillée Cortez, il nous aura fallu attendre quatre ans seulement, ce qui est loin d'être aussi éprouvant que les huit longues années qui séparaient Phoebus et Initial. Mais cela n'a pas empêché un immanquable tressaillement de plaisir à l'annonce de cette nouvelle cuvée, intitulée No More Conqueror. Toujours en formation trio guitare/batterie/voix, Cortez a néanmoins connu un changement de line-up avec le départ de son chanteur Raphaël Trocchio, remplacé Antoine Lang.
Avec ses deux premiers albums, Cortez s'était forgé une identité forte grâce à son hardcore/mathcore terriblement chaotique et agressif, mais à tout moment capable de vous entraîner dans une boucle rythmique infinie dont on ne sait jamais si l'on en ressortira indemne. Et si huit ans s'étaient écoulés entre les deux sorties, on pouvait sans problème capter la filiation entre ces deux albums, malgré leurs différences. On aurait pu s'attendre à avoir la même sensation avec cette nouvelle offrande, mais No More Conqueror marque une rupture plus nette avec la "version originale" de Cortez. Mais avant de s'attaquer aux nouveautés/changements, petit détour sur les constantes du combo suisse. D'abord le son : toujours aussi dense et corrosif, l'univers sonore de Cortez est immédiatement reconnaissable. La guitare vous cisaille avec ses riffs tout en saccades et en ruées, tandis que la force de frappe de la batterie reste inchangée, la caisse claire claque toujours aussi sévèrement, on ne s'en lasse pas. On retrouve également cette patte assez unique dans la composition (mais en partie différente de ce à quoi le groupe nous a habitué, on y revient juste après), gorgée d'une rythmique impossible à cerner et d'un feeling entre rage brute et colère attristée, celui d'un hardcore à fleur de peau comme peut le faire un Converge.
Je parlais un peu plus haut des "boucles rythmiques infinies" (ceux qui ont écouté Borrelia, dernier titre de l'album précédent, savent exactement de quoi je parle) que nous délivrait Cortez par le passé, et bien, en guise de première rupture majeure avec ses précédents efforts, leur absence se pose là. Cortez travaille toujours ses parties batteries avec une précision et un sens de la rythmique particulier, mais a laissé de côté les longues plages hypnotiques et tourmentées qui vous absorbaient malgré vous. Pour No More Conqueror, les Suisses ont resserré leur propos : avec toujours dix titres au compteur, ce nouvel album ne fait que trente-cinq minutes. Exit les titres de plus de cinq minutes, Cortez a taillé dans le gras. Et c'est donc quelque chose de bien plus dense qu'on se prend dans la tronche, No More Conqueror ne se pose jamais, ne vous offre aucun répit. Et pourtant, il est aussi rempli de cellules rythmiques promptes à la répétition, seulement Cortez a décidé de ne pas se laisser emporter par sa fougue et préfère jouer sur plusieurs plans dans un même titre plutôt que d'explorer jusqu'à l'épuisement une séquence. No More Conqueror se veut donc plus direct, mais paradoxalement plus complexe à apprivoiser, Cortez ne laissant pas le temps à l'auditeur de prendre ses marques avant de passer à autre chose.
Et l'autre grande différence avec les méfaits précédents : le chant. Evidemment, le micro ayant changé de mains, le contraire aurait été surprenant. Moins écorchée et maladive que celle de son prédécesseur, la voix de Lang sonne plus franchement hardcore, le genre de chant où tu as l'impression de te faire engueuler en permanence. Et, du fait d'une plus grande concision des titres, le chant semble omniprésent : il y a très peu de plans 100% instrumentaux, ce qui, à la longue, donne une légère saturation.
En quatre ans, Cortez a poursuivi sa mue en vitesse accélérée par rapport au fossé temporel entre ses sorties précédentes. On reconnaît sans hésitation la signature du groupe, mais beaucoup de choses ont changé. Sans que cela enlève intrinséquement de l'intérêt à la musique des Suisses, je garde une petite préférence pour l'approche plus maximaliste (en terme de format) des premiers albums. Néanmoins, No More Conquer n'a pas à pâlir de la comparaison : toujours aussi sauvage et insaisissable, le hardcore tamponné Cortez reste une valeur sûre et singulière.
Tracklist de No More Conqueror :
01.Seven Past Forever
02.Antes Dos Dias Dos Deuses De Ontem
03.Hemigraphic
04.Ajatashatru
05.Duende
06.Abodes of Hail Season
07.According to Claude Bernard
08.In Albis
09.Nigredo
10.Tristan de Cunha