Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Venu de Dresde, en Allemagne, Kalmen est un quatuor oeuvrant depuis 2009 dans un sillon où s'acchoppent le black metal et le doom. Déjà fort d'une démo éponyme et d'un LP sorti en 2015 (Course Hex), le groupe revient cette année avec un nouvel album, Funeral Seas, une fois encore sorti via l'excellent Ván Records.
Des cordages grincent, le vent souffle, la mer est encore calme mais tout indique que cette fausse tranquillité est bien éphémère. Les premières secondes de Spectrals nous font quitter le rivage pour aller voguer sur ces mers funéraires qui donnent leur nom à l'album. Avec sa lente mise en place sur des accords massifs et légèrement dissonants, ce titre d'ouverture propose une immersion progressive dans l'univers de Kalmen, distillant tout au long de ses dix minutes la palette musicale que le groupe développera au fil de l'album. On a en premier lieu ce son de guitares, à la fois froid et terriblement acéré lorsque le tempo s'accélère, mais qui garde une épaisseur doomisante, une sorte de rondeur, lorsque les accords s'étirent et que la basse vient en soutien pour allourdir le propos. Terriblement difficile à cerner et à décrire, ce son est d'une justesse absolue et permet à la musique de Kalmen de dévoiler tout sa richesse et sa variété, toutes les dissensions fascinantes entre les envolées nourries de psychédélisme noir et les assauts impulsés par une rage glaciale.
Les compositions démontrent une très belle maîtrise de la construction, Kalmen alternant sans artificialité aucune des passages écrasants et de brusques prise à la gorge, tandis que parfois la transition se fait de manière plus subtile et progressive mais, dans les deux cas de figure, c'est systématiquement réussi. On est transporté d'un bout à l'autre de l'album entre ces creux et ces pics, ballotté par une houle de plus en plus puissante au milieu d'un océan potentiellement sans fin. La voix est également (évidemment, même) un outil important dans la création de ces atmosphères variées mais cohérentes : tantôt le chant est tout à fait black, hargneux et écorché, tantôt on plonge dans un registre plus growlé, et parfois des incantations ou des appels à l'aide en voix semi-claire viennent transpercer le brouillard et les embruns. Il se dégage de Funeral Seas un je-ne-sais-quoi d'urfaustien, une sorte de filiation dont l'origine est imprécise mais indéniable, peut-être cette approche un peu spirituelle et mystique du black metal que partagent les deux groupes. On retrouve cette tendance hypnotique sur un titre comme Swansong, avec des leads aussi beaux et vibrants qu'entêtants, posés sur une rythmique solide et à la progression inexorable.
Avec Funeral Seas, Kalmen se pose directement comme un groupe à suivre avec attention. Course Hex laissait déjà voir un fort potentiel, ce deuxième album confirme l'impression. Funeral Seas est d'une homogénéité parfaite, l'album s'écoutant presque nécessairement d'une traite tant on est happé par ses morceaux qui vous transportent avec une facilité déconcertante. Et pourtant le territoire est plutôt hostile mais il se dégage de l'album une puissante force d'attraction qui nous entraîne à la dérive sur les eaux troubles d'une mer sans fond.
Tracklist de Funeral Seas :
01.Spectrals
02.Theinving Sky
03.Portal
04.Uninfinite Black
05.Swansong
06.Arcane Heresies
07.Searenade