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Gonin-Ish cumule de nombreuses caractéristiques qui vont irrémédiablement attirer l'oreille et l'œil du métalleux curieux par ici. A commencer par leur nom et leur origine : le Japon. Ils sont rares les groupes venant de l'Archipel qui marquent les esprits européens en gardant un pied dans leur culture au delà des habituels poncifs et autres images d'Epinal comme le manga ou les samouraïs. Gonin-Ish, dont le nom signifie « œuvre à dix mains » si l'on interprète les propos des membres du groupe, a réussi le tour de force de s'imposer sur le label français Season of Mist. Maintenant forts d'une distribution solide sur le vieux continent, il ne reste au quintet qu'à imposer leur musique ô combien originale et particulière aux oreilles attentives de ce côté-là du monde.
Naishikyo-Sekai est le second album du groupe et le premier signé à l'international et dès que l'on tient l'objet entre ses mains, on sait que les codes auxquels nous sommes habitués risquent fortement d'être bousculés. Première remarque visible : l'utilisation du japonais, aussi bien à l'extérieur qu'à « l'intérieur » de l'album. Toutes les paroles, écrites par la chanteuse Anoji Matsuoka sont un travail sur les mots, les sonorités et l'histoire de sa langue maternelle. Après quelques écoutes il faut bien reconnaître qu'on trouve cet apport plutôt plaisant, les sonorités sont nouvelles et la performance vocale de Anoji sublime la quasi totalité de ses textes. On pourra nuancer avec quelques passages dont le titre Muge No Hito qui m'a rappelé un certain nombre de lignes vocales présentes dans des bandes originales d'animé. Mais là encore, loin de moi l'idée de formuler un reproche, au contraire tout cela ne fait qu'enfoncer le côté exotique de cette œuvre.
Deuxième constatation : le travail de Gonin-Ish est articulé autour de six titres qui vont du très court (deux minutes) au très long (presque vingt minutes). Ils se sont donné le temps de développer une musique qu'ils définissent volontiers comme progressive avec des pointes de métal extrême. La densité des morceaux a pour conséquence directe une approche plus complexe, comprenez qu'il vous faudra un certain nombre d'écoutes avant d'en aborder tous les aspects. Rien que les premières minutes sont denses : Tokoyami Kairou rappelle les délires techniques dont sont capables des groupes comme Dream Theater avec une forte personnalité imprimée dans chaque instrument avec un esprit légèrement baroque voire feux d'artifices si on voulait faire dans l'image claire ! On se sent un peu perdus parfois entre des plans à tiroirs ou un peu labyrinthiques qui s'enchaînent avec des riffs heavy presque classiques (comme le solo dans Nare no Hate). En parlant de soli, le disque en est bien pourvu autant de claviers que de guitares, et la performance technique n'est pas négligeable, et elle sert d'autant plus les titres qu'elle ne joue pas la démonstration pure et dure.
Ce qui est bien avec des chansons de huit minutes c'est que l'on a le temps de tourner autour du thème, d'y revenir, de le développer et de passer par un grand nombres d'ambiances. Et la diversité dans les timbres de voix d'Anoji mène la barque, nous emportant vers des profondeurs avec une voix criarde, aiguë et bien agressive. Elle alterne avec des parties en voix claires qui rejoignent mon commentaire sur son côté "japonais", avec des sonorités et peut être des effets dans la voix que l'on ne pourrait imputer à aucune autre origine. En plus de la voix les musiciens jouent surtout sur deux registres : l'ambiance (dont une chanson comme Akai Kioku en est bardée) et le gros riff heavy. On ne tombe pas dans les travers extrêmes du blast ou de l'hyper violence. Ici on se sert plutôt de l'alternance entre atmosphères pesantes et plus "détendues" pour maintenir l'auditeur en haleine. En fait plus j'écoute ce disque plus je me dis qu'ils ont été capables d'ingérer des influences des grands noms du progressif pour le mélanger avec leur patte à eux : une musique parfois planante et captivante (ah les passages planants de Jinbaika enchaînés avec un solo de guitar hero !).
Progressif, oui mais expérimental, non; ici on ne dépasse pas guère les frontières tracées par d'autres. Alors oui Gonin-Ish apporte une véritable patte qui leur est et leur restera propre mais musicalement, les Japonais ne transcendent pas franchement les normes. C'est un peu comme si on mélangeait la b.o de Ghost in the Shell avec du Dream Theater, si on voulait simplifier à mort car il y a aussi des passages explosifs à la Unexpect ou encore Ephel Duath. Dur, dur pour les oreilles non initiées, mais après tout si vous voulez vous lancer dans quelque chose d'innovant, de frais pour nos oreilles occidentales, le choix est tout fait. On comprend Season of Mist qui s'est jeté sur le groupe après avoir mis la main sur Cynic. Ils se constituent un solide catalogue de la musique originale, technique et progressive du monde. Et ce petit détour par l''Extrême Orient est réussi, Gonin-ish ne laisse pas indifférent et va donner du fil à retordre aux fans du catalogue extrême du label marseillais !
1: Tokoyami Kairou (2:09)
2: Nare no Hate (8:53)
3: Shagan no Tou (6:55)
4: Jinbaika(8:46)
5: Muge no Hito (9:25)
6: Akai Kioku (19:36)