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Album

30 juin 2018 - Rodolphe

Tremonti

A Dying Machine

LabelNapalm Records
styleMetal Alternatif
formatAlbum
paysEtats-Unis
sortiejuin 2018
La note de
Rodolphe
7.5/10


Rodolphe

La caution grunge du webzine.

En voyant Tremonti quitter Fret12 - le micro-label appartenant au frère de Mark Tremonti -, pour rejoindre la firme Napalm Records de plus en plus portée sur la scène metal alternatif, il y avait de quoi douter de la qualité de l'album. Il suffit de voir la façon dont la maison de disques a métamorphosé un groupe aussi créatif qu'Alter Bridge en machine à vendre. En effet, deux ans plus tôt, la formation avait signé son arrêt de mort sur un The Last Hero qui n'offrait rien d'autre qu'un bloc de treize titres prévisible, aseptisé et suffisamment sur-produit pour nous faire oublier le reste de leur discographie. Heureusement, pris à part, les musiciens ont eu l'occasion de prouver leur talent dans leurs projets respectifs. C'est le cas de Myles Kennedy qui a sorti, il y a trois mois, un brillant album d'americana et de blues (Year of the Tiger) et, à l'évidence, de Mark Tremonti, fondateur d'un supergroupe composé de trois pointures de l'alternatif, venues de Creed (le single Take You with Me s'en inspire fortement d'ailleurs) ou encore de Submersed. A noter le départ du jeune Wolfgang Van Halen en 2017, qui a préféré se consacrer à la composition de son premier album solo, laissant Friedman tenir la basse pour la seconde fois, en plus de la guitare.

La nouveauté, c'est que Mark Tremonti ne se contente pas - dirons-nous - de sortir un disque, mais de l'accompagner d'une nouvelle littéraire, afin d'associer un texte à la musique. Cette dernière a été co-écrite par John Shirley, connu dans le milieu du metal pour avoir été à l'origine de la plupart des lyrics des deux derniers albums de Blue Öyster Cult à la fin des années '90 et au début des années 2000. C'est suite à l'élaboration des paroles du titre-éponyme A Dying Machine, effectivement très porté sur le thème de la deshumanisation ("Look at you now, you’re a dying machine / Cold and disfigured, corrupted, diseased") que le guitariste d'Alter Bridge a ressenti le besoin de produire un écrit et de constuire tout un concept musical autour de ces quelques pages. Des quatre albums studio délivrés par Tremonti en seulement sept ans de carrière, celui-ci est le plus profond, parce que moins formaté et centré sur les refrains que le pourtant très efficace Dust. La preuve en est avec la démonstrative A Dying Machine, qui est partagée entre des riffs musclés, presque thrashisants, et des passages orientés ballade, teintés de romantisme. L'inspiration est telle que Mark Tremonti se laisse aller à poser des accords parfois country pendant une ou deux secondes (à partir de 3:35). Dès l'introduction de Traipse, on reconnaît immédiatement le style de jeu du frontman de Tremonti. Elle démarre par des notes de guitare clean aérées qui participent à rendre l'ambiance désolée. Le titre est si sombre dans sa globalité que l'on pourrait même se demander si le solo qui survient à un peu plus d'une minute de la fin n'a pas été collé sur la mauvaise chanson. Pour le coup, on ressent que ce projet est très axé sur les guitares puisque les pistes comptent souvent un solo, exécuté avec une facilité presque déconcertante (les plus marquants étant ceux de Make It Hurt et de Lot Like Sin). Du fait de ses refrains lumineux et de son chant très rock, Dust était nourri d'une part d'optimisme qui n'est pas si évidente à retrouver sur A Dying Machine. Même la ballade As the Silence Becomes Me dont les harmonies vocales de Tremonti / Friedman sur le refrain, et le break sont d'une beauté sans pareille, ne tiennent pas la comparaison avec un Unable to See bien plus léger, tant sur la forme que dans le fond. 

Sans avoir pris connaissance du livre, on peut savoir, au travers de quelques détails, où le groupe cherche à nous emmener. L'instrumentation est parfaitement en raccord avec les textes, qui abordent le vaste sujet de la deshumanisation et de la guerre ("We’ll stand up high with our weapon"). En observant par exemple les parties de drums de Garrett Whitlock sur le premier et le dernier morceau de la tracklist, on remarque une tendance à rendre le son de batterie froid et artificiel. C'est le cas des roulements de tambours militaires des vingt secondes qui ouvrent Bringer of War et de l'instrumental Found sur lequel se promène une batterie électronique qui par son rythme lent et ses coups de baguettes frappés dans le vide, nous évoque l'espace. Grâce à ces ambiances travaillées qui ajoutent à l'authenticité d'A Dying Machine, Mark Tremonti parvient à s'écarter des travers du speed-thrash metal lisse et facilement oubliable dont il souffrait sur les précédents albums. En partie seulement, car des chansons très lourdes telles que Throw Them to the Lions et The Day When Legions Burned font baisser le niveau du disque, lui donnant un côté "interminable", alors que celui-ci est déjà très fourni (quatorze titres sur la version classique, seize sur la version augmentée). Il est vrai que plus l'on se rapproche de la fin de l'album, plus Tremonti s'avère jusqu'au-boutiste dans son travail sur les ambiances et les atmosphères. Desolation et Found sont les pistes les plus immersives et planantes de cette oeuvre. Elles se suivent et ont des atomes crochus en commun. Dans son alliage de guitares acoustiques et d'une nappe de synthé discrète mais charmante avec ses sonorités "vintage", Desolation se montre beaucoup plus délicate, loin des gros riffs metal privilégiés par Mark Tremonti.

Mark Tremonti déborde d'ambition, et repousse toujours plus loin les limites de sa créativité. C'est aussi un romantique (forcément, quand on a été guitariste de Creed pendant quinze ans !). De fait, il ne peut s'empêcher de mettre un peu de lumière dans les titres plus sombres (une note inhabituellement aigüe attend l'auditeur sur le final de Trust). Les musiciens de ce projet ne sont pas de simples exécutants. Ils semblent plus inspirés que par le passé, cet album-concept leur laissant un nouvel espace de liberté. Avec A Dying Machine, bon nombre de fans déçus d'Alter Bridge se déporteront vers Tremonti. C'est désormais une certitude.

 

Tracklist :

  1. Bringer of War (4:53)
  2. From the Sky (3:42)
  3. A Dying Machine (6:19)
  4. Trust (4:39)
  5. Throw Them to the Lions (3:20)
  6. Make It Hurt (4:12)
  7. Traipse (4:23)
  8. The First the Last (4:41)
  9. A Lot Like Sin (4:32)
  10. The Day When Legions Burned (3:09)
  11. As the Silence Becomes Me (5:17)
  12. Take You with Me (4:20)
  13. Desolation (4:29)
  14. Found (3:57)