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Une valeur sûre du metal alternatif, Sevendust l'est assurément. Malgré une baisse de régime significative entre 2005 et 2008 qui s'explique par le départ de Clint Lowery, parti collaborer avec son frère dans divers projets (Hello Demons... Meet Skeletons, et Dark New Day - dont on peut voir quelques restes sur le riff vénère de Descend), le groupe a su rester cohérent dans sa musique, et constant, dans son rythme de publication (une sortie tous les deux ans, environ). Mais même après des millions d'albums vendus à travers le monde, la formation d'Atlanta se plait à cultiver une certaine forme de pudeur et de discrétion, qui se ressent tout aussi bien sur la doublette acoustique Southside Double-Wide : Acoustic Live / Time Travelers & Bonfires, que sur l'enregistrement solo de Lajon Witherspoon l'année passée (Love Song). Contrairement à Godsmack qui, au fil du temps, a troqué ses compositions macabres pour teinter ses chansons d'une joie de vivre à peine dissimulée (cf. When Legends Rise), Sevendust a retrouvé la noirceur des trois premiers essais de la période TVT Records.
Pour cet album, Sevendust s'est avéré très prolifique puisque le groupe a écrit entre 50 et 60 chansons pour, au final, n'en sélectionner qu'une douzaine. On peut dire que ce parti-pris a eu un impact sur la mémorisation des titres d'All I See Is War, de loin plus marquants que ceux du terne et très inégal Kill the Flaw, malgré le fait que le milieu de la tracklist soit une redite des cinq premiers titres. De son côté, Michael "Elvis" Baskette (Alter Bridge/Tremonti, Chevelle) a rajeuni l'image de la formation (un peu comme l'avait fait Chris Baseford sur le dernier Nickelback) et remis le style musical des Américains au goût du jour, tout en s'appuyant sur Home, disque-référence en matière d'équilibre chant crié / parties mélodiques. Une pleine réussite dont on peut déjà se rendre compte sur le single Dirty - titre particulièrement développé sur le plan vocal car en plus des harmonies à deux voix sur les refrains viennent s'ajouter le timbre éraillé de Morgan Rose ("Stranger, Stranger") ainsi que le chant guttural du bassiste Vinnie Hornsby sur les "Watch the hate you feed". Par ailleurs, c'est la première fois dans l'histoire du quintette que le musicien est crédité aux backing-vocals. Ces screams (Dirty, God Bites His Tongue ou Life Deceives You pour ne citer qu'eux) sont étonnants dans la mesure où ils sont mixés et interprétés de la même façon que ceux, tout aussi agressifs, que l'on retrouvait sur des classiques du Sevendust d'il y a vingt ans tels que Praise ou Denial. En effet, ce chant crié très old-school, typé néo-metal du début des années 2000, contrebalance avec cette production 3.0, qui se distingue par un son lisse, régulier et des refrains uniformes. Tout au long de l'album, le groupe confronte ainsi les deux facettes de sa musique : sur Unforgiven, à 2:44, un growl sauvage fait irruption au beau milieu d'un titre rempli de petites orchestrations et sur Live Deceives You, le combo installe une seconde de silence pour la faire suivre d'un enchaînement de screams.
On est en droit de se demander d'où viennent ces parties symphoniques. En réalité, Sevendust a eu l'intelligence de s'inspirer de l'album Animosity (de Xmas Day et surtout d'Angel's Son) sur lequel ces éléments étaient sous-exploités, pour leur donner une tout autre importance dix-sept ans plus tard. Par exemple, dès que le thème principal de Not Original nous est suffisamment rentré dans la tête - à partir de 3:15 et jusqu'à la fin -, la ballade prend en intensité grâce à l'arrivée de violons dans le style d'Angel's Son. Récemment, il n'y a bien que Cease and Desist publiée sur Kill the Flaw en 2015 qui se montrait ambitieuse à ce point, atteignant quasiment les cinq minutes. Dans une interview, Clint Lowery reconnaissait avoir été influencé par la série Stranger Things à la composition de Not Original. On peut être dubitatif, néanmoins, ce côté cinématographique ressort sur d'autres morceaux, à commencer par l'introduction très dark d'Unforgiven ou par celle de Sickness qui met en exergue le chant à la fois grave et mélancolique de Lajon Witherspoon qui suit parfaitement la mélodie de la guitare. Le mot "guerre" est celui qui est répété le plus grand nombre de fois dans l'oeuvre ("I'll keep begging you to start a war", "Opens minds set for war"...). Pour autant, le contenu lyrique se révèle très poétique, à l'instar de "From the darkest days, to the comfort of the sun / The silver tongues" extrait de Cheers. De plus, cette écriture fait écho au romantisme de certains refrains ou solos (Not Original, Sickness). Ce que l'on retiendra, c'est malheureusement qu'avec ses riffs génériques à la Projected (le side-project de John Connolly et de Vinnie Hornsby), The Truth casse en grande partie tout le travail effectué par la formation sur Life Deceives You. Cette dernière chanson aurait été une meilleure conclusion à l'album, car elle représente bien le côté épique et "belligérant" qui plane sur All I See Is War.
De grands moments de grâce ponctuent ce douzième et très sombre méfait (Not Original ou encore la ligne de chœurs de Moments). Fait assez rare : la voix de Lajon Witherspoon comme les screams n’ont perdu aucune intensité depuis les débuts de Sevendust. Les petites orchestrations dissimulées sur les 3/4 des chansons rendent le disque unique en son genre. Mais c'est justement parce que le groupe a pris conscience que la recette fonctionnait plutôt bien qu'il a décidé de reproduire le schéma "couplets énervés/screams/refrain mélodique/arrangements" sur les pistes situées au milieu de l'album, qui elles, souffrent d'un réel manque d'originalité.
Tracklist :
- Dirty (3:18)
- God Bites His Tongue (3:45)
- Medicated (3:29)
- Unforgiven (3:55)
- Sickness (3:07)
- Cheers (3:47)
- Risen (3:26)
- Moments (4:02)
- Not Original (4:15)
- Descend (4:24)
- Life Deceives You (4:26)
- The Truth (3:41)