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Album

29 avril 2018 - S.A.D.E

Dylan Carlson

Conquistador

LabelSargent House
styleDrone Folk ?
formatAlbum
paysUSA
sortieavril 2018
La note de
S.A.D.E
9/10


S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

Il y a des légendes qui se créent loin des flashs et des caméras, à l'écart du bruit et des tempêtes, se développant dans un temps long et, par conséquent, inadaptées aux constants mouvements d'humeur de notre époque. Dylan Carlson est l'une de ces légendes de l'ombre au pouvoir d'influence incroyablement plus important que ne le laisse penser sa renommée. Parce que tout légendaires soient-ils, le père Carlson et sa musique restent confinés dans un cercle relativement restreint d'amateurs, mais dont l'adulation est inversement proportionnelle à leur nombre : quel pourcentage de l'humanité se sentirait confronté seulement à du bruit à l'écoute d'Earth 2, la pierre angulaire de la discographie de Carlson ? Une large majorité. Mais pour les quelques pourcents restant, l'album est un absolu chef-d'oeuvre, à jamais inégalable. Et si, depuis la sortie de l'album mythique, Carlson a fait évoluer son approche musicale, sa patte et son univers sonore restent reconnaissables entre tous. Et ce même lorsque, comme pour ce Conquistador, il s'extrait du projet Earth pour naviguer en solitaire dans son désert favori.

La pochette de l'album nous indique avant même de lancer l'écoute vers quelle lecture se tourner : celle de l'intimité, un portrait sépia de la femme de Carlson ayant été choisi comme illustration. Le grand maître nous invite chez lui, au plus près de ce qu'il est à présent. Et quand on lance le morceau éponyme placé en ouverture, quelque chose d'incroyablement attirant vous saisit et ne vous laisse pas le choix : vous écouterez l'album jusqu'au bout, happés par la guitare hypnotique de l'Américain, sans même avoir ne serait-ce que l'idée d'appuyer sur stop. A l'image des derniers efforts de Earth, Carlson a laissé de côté (ou presque) le drone pur et dur pour explorer quelque chose de plus rythmé, moins éclaté. Et ce morceau titre est la quintessence de ce nouveau style : treize minutes de guitares planantes, pleines de reverb' dans une approche résolument sudiste, la BO parfaite pour traverser la Grand Ouest en solitaire. Mais, paradoxalement, si ces accords grandioses et volumineux évoquent les grands espaces, ils ouvrent aussi un domaine intime et personnel, on se sent proche de l'artiste, possiblement plus proche que jamais, alors même qu'il nous emmène dans un exil vers l'immensité.

Je disais un peu plus haut que Carlson s'était éloigné du drone mais, en réalité, ce dernier est partout sous-jacent (voir même un peu plus, en témoigne le début de Scorpions in Their Mouths). Les riffs sont certes plus construits et mémorisables qu'ils ne l'ont été, mais l'approche vibratoire et tellurique est toujours présente. Carlson prend un malin plaisir à laisser traîner des accords quelques secondes pour les arrêter juste avant le larsen, nous donnant quand même de quoi faire vibrer nos tripes. Et ce qui est tout à fait fascinant avec ce Conquistador, c'est que rapidement, on n'a plus la moindre idée du nombre de pistes que développe Carlson. Des guitares s'enchevêtrent sur When the Horses Were Shorn of Their Hooves, mais impossible de dire combien, impossible de savoir comment. Et si l'on se pose un temps la question, rapidement ça n'a plus aucune importance : on se laisse simplement aller dans ce voyage aussi mélancolique que porteur d'un espoir, certes fragile, mais constant. Impossible de dire réellement à quoi cela tient, mais Conquistador laisse une sensation positive une fois achevé. Et on arrive ici aux limites de ce que permet l'exercice de la chronique pour ce genre d'album : l'impossibilité de rentranscrire avec fidélité l'atmosphère qui se dégage d'un tel album. Si l'on en revient Earth 2, dire qu'il est un bourdonnement de 75 minutes ne donne absolument pas la mesure de ce qu'est cet album. Et il en va de même ici : dire que Conquistador est un assemblage d'accords sudistes traînants est tout sauf lui rendre justice.

Comme souvent, vous savez ce qu'il vous reste à faire : l'écouter. Si les derniers Earth vous ont plu, il y a de fortes chances qu'il en soit de même pour Conquistador. Si vous ne jurez que par le drone des débuts de Carlson, ne vous attendez pas à y trouver tout à fait votre compte. Si vous ne connaissiez pas le monsieur avant ça, il se pourrait que cet album soit une parfaite porte d'entrée pour découvrir sa discographie.

Tracklist de Conquistador :
01.Conquistador
02.When the Horses Were Shorn of Their Hooves
03.And the the Crows Descended
04.Scorpions in their Mouths
05.Reaching The Gulf