Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
A mi-chemin entre Trve Black Metal et Post Black Metal, Wiegedood nous balade depuis 2015 dans des paysages sombres et désolés à travers une série d'albums intitulé De Doden Hebben Het Goed, et c'est du troisième volet dont il est question aujourd'hui. Membre de la Church Of Ra, le trio belge avait d'emblée marqué les esprits par son Black Metal acéré entrecoupé de passages apaisés et aériens, et s'était payé le luxe d'un second chapitre encore plus complet et équilibré. Si le line-up reste inchangé, un fait relativement important est à noter quant au contexte de sortie de ce troisème album : le passage de Consouling Records vers Century Media, preuve que la formation commence à se faire une réputation plus que solide à l'international.
Mais si changement de label il y a, l'esprit et la patte Wiegedood restent les mêmes pour ce nouvel opus. En témoigne le début de Prowl, titre d'ouverture, qui reprend les choses là où le chapitre deux s'était arrêté : la fin du hurlement dément qui clôturait Smeekbede constitue l'entame de ce nouvel album. Encore plus qu'entre les chapitres I et II, Wiegedood marque sa volonté de construire une oeuvre cohérente formant un tout. On retrouve d'ailleurs la même construction d'album en quatre titres, une pochette calquée sur le format des deux premières et cette atmosphère hostile et inhospitalière qui fait le sel de la musique du groupe. Mais encore une fois, Wiegedood prend soin d'apporter quelques éléments nouveaux à ses compositions.
Là où le chapitre II se démarquait du I par des titres mieux agencés et plus équilibrés, De Doden Hebben Het Goed III s'enrichit en matière d'atmosphère pure. On retrouve bien sûr cette constante saturation tranchante d'ores et déjà caractéristique de leur son, mais deux éléments viennent donner à III son identité propre : les leads de guitares et une approche plus riche du chant. Côté guitare, on passe toujours par ce riffing véloce et hypnotique à la fois qui prend aux tripes et vous pousse à détester à peu près tout ce qui vous entoure (le premier riff de Parool, cette violence!). Mais sur ce condensé de colère vient désormais se greffer de manière plus évidente et assumée une touche d'épique qu'on peut retrouver dans la scène suédoise, notamment chez Watain pour ne citer qu'eux. Et du côté des passages plus Post ou Atmo, comme vous voulez, les lignes mélodiques sont plus mémorables et surtout souvent moins isolées qu'auparavant. Et, même si le chapitre II avait déjà entamé ce travail plus abouti sur ces séquences moins agressives, on atteignait pas le niveau de tension que propose, par exemple, la montée en puissance du titre éponyme, où un simple arpège triste devient un riff entêtant et glacé.
J'en parlais plus haut, le chant a également un peu muté. On retrouve bien sûr majoritairement le cri écorché et hargneux que l'on connaissant déjà et qui ne perd pas de son efficacité, mais, de manière sporadique, Levy Seynaeve s'aventure vers d'autres terrains de jeux, avec notamment ce passage sur la dernière séquence de Prowl où l'approche se fait plus expérimentale, pas si loin d'un Attila Csihar version polyphonique.
S'il est souvent confortable de retrouver des éléments connus sur un nouvel album, Wiegedood commence à prendre le risque de s'enliser dans son espace de création très balisé. De Doden Hebben Het Goed III n'est pas encore l'album de trop, on sent que les Belges ont sous le coude de quoi nourrir leur Black mais les limites entre construction volontairement répétée et exercice de style un peu stérile commencent à doucement s'effacer. Reste que pour l'instant tout ça tient la route, Wiegedood parvient toujours à vous coller du frisson (haineux tout autant que funeste) et c'est, ma foi, bien ça le plus important.
Tracklist de De Doden Hebben Het Goed III :
01.Prowl
02.Doodskalm
03.De Doden Hebben Het Goed III
04.Parool