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Depuis la refonte du line-up survenue en 2014 suite à sa reformation, Breaking Benjamin a tout l'air du parfait supergroupe de metal alternatif. En effet, Benjamin Burnley est, entre autres, allé chercher dans son carnet d'adresses Jasen Rauch - lead guitarist de Red sur les deux premiers albums, producteur de Love And Death et personnage également très impliqué dans le songwriting pour des artistes issus de la scène "christian alternative metal" avec qui Burnley avait formé un duo d'écriture fusionnel sur Dear Agony -, ainsi que Keith Wallen, connu pour avoir officié dans Adelitas Way de 2009 à 2013 en tant que guitariste rythmique. A la différence de Dark Before Dawn qu'un certain nombre d'auditeurs avait choisi de passer sous silence, accusant un manque d'originalité et de titres fédérateurs, en plus d'un album encore très centré sur son frontman (excepté le titre Never Again qui influencera le processsus d'écriture et de composition d'Ember), ce sixième effort place la barre haut et se révèle nettement plus collaboratif que le précédent. Il semble loin, l'épisode peu glorieux de Shallow Bay: The Best of Breaking Benjamin et des poursuites judiciaires entamées contre les 2/3 des anciens membres du groupe (Aaron Fink et Mark Klepaski) pour garder les droits sur le répertoire de Breaking Benjamin et même le temps où la phobie de Burnley pour les voyages en avion empêchait la formation de se produire en dehors des États-Unis et du Canada...
S'il sera autant question de guitaristes et de backing-vocalists, c'est que leur nombre constitue une nouveauté dans l'histoire de Breaking Benjamin. Cependant, avec le recul, il faut bien admettre qu'un album de rock alternatif comme Dark Before Dawn ne permettait pas vraiment de montrer tout le potentiel du nouveau line-up, qui se retrouvait ainsi sous-exploité, les "chanteurs" supplémentaires n'ayant réellement servi qu'aux harmonies vocales sur les titres en mid-tempo, et, avec ses trois guitaristes, l'oeuvre ne s'en retrouvait pas plus énergique ou intéressante à écouter pour autant. De plus, le staff d'Hollywood Records avait présenté l'album d'une façon relativement maladroite, en mettant en exergue les ballades (Angels Falls, Ashes of Eden) au lieu des quelques morceaux plus catchy qui existaient alors dans la tracklist. Cela dit, sur le plan musical, l'audacieuse Breaking the Silence - qui était l'une des rares chansons de Dark Before Dawn à contenir du guttural et probablement la seule du groupe à intégrer des éléments hip-hop -, a su se faire le prototype, trois ans plus tôt, d'Ember, amorçant une transition vers un style de metal alternatif quelque peu violent et sans concession. Pour illustrer cette agressivité retrouvée, citons à titre d'exemple la fin de Torn in Two où cette alternance entre le chant clair de Benjamin Burnley et les hurlements bestiaux d'Aaron Bruch - le bassiste -, fait naître une forme de dualité vocale particulièrement réussie, exprimée en l'espace de trois mots "hold on/rise". On pourrait presque parler d'exutoire, tant les parties gutturales du frontman sortent sans effort apparent et donnent l'impression que Burnley se met à relâcher toute la rage qu'il contenait sur les albums précédents, à l'image du défouloir que représentent les dix dernières secondes de Down. C'est sans doute ce côté primitif des screams (Feed the Wolf, Red Cold River) et de certains riffs (celui de Psycho en particulier, reconnaissable par son motif à la fois lent et répétitif) qui sera susceptible d'évoquer à l'auditeur des influences néo-metal, ce qui n'est pas totalement faux.
Pourtant, dans l'album, le chant extrême est à placer au même niveau d'importance que les parties mélodiques, nombreuses, qui signent le plus souvent leur arrivée sur les refrains. Par leur efficacité redoutable, leur fluidité et même leur production très rock, les "chorus" de Save Yourself se rapprochent de ceux de Phobia (cf. You, Breath). En mettant de côté la musique à proprement parler, on se retrouve en effet avec un titre ultra-référencé en matière de lyrics puisque des passages tels que "When the venom crawls inside" ou "I leave this world tonight" (pour ne citer qu'eux) se rapportent à d'anciens morceaux de Breaking Benjamin. A plus petite échelle, ce qui ajoute au charme du groupe, c'est la façon, subtile, qu'a Benjamin Burnley de construire son chant autour de vibes quasiment orientales. Ces dernières ont beau être discrètes et brèves, elles sont bien présentes et tiennent à quelques notes. C'est le cas de l'apocalyptique Red Cold River et de son "Try to find a reason to live" ou du "Daylight falls" de Save Yourself qui s'étend de 0:44 à 0:47 secondes. De surcroît, le recrutement de Jasen Rauch il y a quatre ans a eu un impact sur le son des Pennsylvaniens, de l'espèce de dicours prophétique samplé - à propos des relations entre les Hommes et la nature - ajouté sur Feed the Wolf qui offre à la chanson une ambiance mystérieuse et cinématographique, à l'intro piano/guitare Lyra, qui, même si elle a été composée par le chanteur principal (à la différence de l'outro Vega imaginée par Rauch), se révèle être du pur Red. Cet attrait pour la musique atmosphérique, sans doute insufflé par le lead guitarist (notamment), est renforcé sur cet album, à l'instar des trente premières secondes de Down qui donnent la chair de poule ou encore du puissant Red Cold River où le groupe calme son jeu et enchaîne les instants de silence pour ensuite envoyer une succession de rugissements.
Avec cet album lourd, sombre et énervé, Breaking Benjamin renaît de ses cendres et innove dans son propre style. Benjamin Burnley "lâche du lest", en partageant le micro avec le danceur Derek Hough (qui a tenu un rôle de figurant dans le premier Harry Potter) sur la splendide The Dark of You, et même en laissant s'exprimer Aaron Bruch au chant principal sur de vieux titres de BB comme par exemple Believe, et même sur du Tool lors de certains shows. Grâce à Ember, pas moins de cinq titres peuvent d'ores et déjà s'ajouter aux classiques du groupe. Le nouveau line-up n'a pas à rougir du premier. Si les fans disent toujours regretter les anciens musiciens, c'est sûrement par pur sentiment de nostalgie. La "bande à Burnley" n'a jamais paru aussi soudée qu'aujourd'hui.
Tracklist :
- Lyra (Intro) (0:29)
- Feed the Wolf (3:18)
- Red Cold River (3:20)
- Tourniquet (4:09)
- Psycho (3:20)
- The Dark of You (featuring Derek Hough) (4:12)
- Down (4:02)
- Torn in Two (4:17)
- Blood (3:09)
- Save Yourself (3:06)
- Close Your Eyes (4:01)
- Vega (Outro) (1:22)