"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Pour ses deux premiers méfaits, Ascension s’était posé en Père Noël du Black-Metal, un Santa mal orthographié qui devient un Satan. Deux premiers full-length qui avaient débarqué au pied du sapin le soir du réveillon, respectivement les 24 décembre 2010 et 2014, ce qui d’ailleurs était bien emmerdant pour les webzines qui éditent leur bilan de fin d’année vers mi-décembre… Surtout que Ascension c’est de la grande qualité, du Top 5 de l’année potentiel. C’est ainsi que même sorti le 24 décembre, Consolamentum avait été pour moi l’album de l’année 2010. Un bijou de Black-Metal orthodoxe venu de presque nulle part, avec sa particularité propre qui est le line-up anonyme (on parle de membres de Secrets Of The Moon, Odem Arcarum mais aussi Katharsis, laissons libre cours à ceux capables de jouer les physionomistes en concert d’autant que Ascension n’est pas un groupe « à capuche »…), auteur d’emblée d’un chef-d’œuvre, sorte de mélange léché et irrésistible de Watain et Secrets Of The Moon avec de véritables hymnes comme l’ultra-occulte "Rebellion Flesh", l’incroyable "Grant Me Light" ou l’imparable "Fire and Faith". Quatre années avaient passé le temps que l’on puisse se remettre de cette belle claque, et alors que Kriegsmaschine avait fait mieux dans un registre similaire avec l’œuvre ultime qu’est Enemy Of Man, Ascension marquait son retour à Noël 2014 avec The Dead Of The World. Un second album où Ascension s’efforçait d’évoluer dans la continuité, devenant plus sombre et pernicieux et peut-être un peu moins immédiat, mais où sa qualité de composition continuait à s’afficher au grand jour. En moins de temps qu’il n’en faut pour forger une réputation, Ascension était déjà devenu un des noms qui comptent dans le Black-Metal orthodoxe, avec derrière ça c’est sûr des musiciens expérimentés et de talent. Si l’on garde une certaine logique, le troisième album d’Ascension aurait du débarquer à Noël 2018, comme s’il répondait à son propre schéma bissextile. Mais non, voilà Under Ether programmé le 30 mars. Pas la peine de l'attendre pour Noël, le voilà pour Pâques (de là à dire que c'est fait exprès…). Et ça tombe finalement bien vu que le groupe va bousculer certains de ses codes.
En faisait le bref historique du groupe, je n’ai pas évoqué une sortie qui pour beaucoup revêt une certaine importance, certains continuant d’ailleurs à la mettre au-dessus de Consolamentum. Je veux bien sûr parler de la démo du groupe, With Burning Tongues, sortie en 2009. A l’époque, le groupe pratiquait un style bien plus rugueux que celui plus épique mis en exergue ensuite sur Consolamentum. Même si les influences ont toujours été les mêmes, cette démo full-length était il est vrai un peu plus singulière que la mixture infernale Watain/Secrets Of The Moon pratiquée ensuite. Et vous voyez où je veux en venir, Under Ether va tout simplement se rapprocher le plus des particularités de With Burning Tongues. Il sera néanmoins difficile de parler réellement de retour aux sources. On sent tout de même là-dedans une certaine continuité avec ce qui se faisait de plus ténébreux et râpeux sur The Dead Of The World, au final on pourrait presque dire que la discographie en l’état d’Ascension trace un certain cycle. Mais on constate bien vite que la direction prise diffère quelque peu de celle de Consolamentum, même si bien évidemment certains éléments musicaux restent présents et identifiables (comme les leads toujours très occultes). Dès que "Ever Staring Eyes" démarre, on constate que le groupe a choisi un son beaucoup plus terreux qu’auparavant pour sa section rythmique. On trouve même cela bizarre au début. Puis on s’y fait bien vite, au fil des morceaux et au fil de l’album qu’on comprend bien vite comme étant plus rampant, plus rocailleux, plus rustre sans être trop raw à aucun moment. Il est sûr que le changement, facilement perceptible, peut dérouter quand on passe après un énormissime Consolamentum et un très satisfaisant The Dead Of The World, qui n’était certes pas aussi marquant que son prédécesseur mais restait inspiré. Ascension a fait son choix, il va falloir voir maintenant ce qu’on va pouvoir extirper de concret de Under Ether, et on a envie de maintenir sa confiance dans les qualités du groupe allemand.
Et Under Ether débute déjà en cassant un autre code vu que nous allons cette fois-ci avoir le droit à une intro en bonne et due forme, "Garmonbozia". Histoire de nous remettre dans l’ambiance noire et occulte typique du projet avant que la riffaille ne prenne place. Et l’on découvre ainsi avec "Ever Staring Eyes" un Ascension qui s’éloigne un peu de ses Wataineries habituelles pour laisser place à un riffing plus gras et lent, émaillé de quelques blasts soutenus. Sur la forme, Under Ether se démarque donc clairement de Consolamentum et The Dead Of The World avec ce son plus brut, plus boueux, plus organique (la batterie y compris). On reconnaît tout de même Ascension là-dedans, ne serait-ce que pour les nombreux leads et arpèges ou bien sûr la voix de… heu, du chanteur, toujours aussi possédée avec quelques moments de grâce. Mais il est clair que Ascension évolue, change, avec notamment ici quelques breaks assez enfumés plutôt surprenants. On pensera déjà et tout de même à With Burning Tongues, mais Under Ether sera un album différent. Ascension n’oublie pas de proposer un Black-Metal orthodoxe ravageur et très inspiré, en témoigne l’excellent "Dreaming in Death" qui se pose comme un des morceaux les plus marquants de cet opus, avec de bon rythmes bien durs, des passages plus mélodiques et épiques très gracieux, mais aussi quelques surprises avec notamment ces lignes de chant déclamées très accrocheuses, couchées sur des rythmiques un peu plus Death. Ascension n’en renie pas pour autant certains de ses fondamentaux, "Ecclesia" remet bien en avant le côté occulte inhérent au style des Allemands, avec des arpèges bien noirs et un chant bien possédé, on retrouve ici le côté « messe noire » de leur musique ; idem pour "Pulsating Nought" où les arpèges et autres mélodies sombres se multiplient, mais l’aspect plus rampant (émaillé de samples) et la dureté de l’ensemble finissent par l’emporter et ceci montre bien que Under Ether tranche quelque peu avec ses prédécesseurs, sans pour autant que le groupe ne se réinvente totalement.
Avec "Thalassophobia" (oui moi aussi je n’aime pas cette émission de télé mais de là à en être phobique…), on retrouve d’ailleurs un Ascension plus blastant et plus intense, gardant sa verve et son inspiration. Mais Under Ether ne sera décidemment pas un album trop classique, Ascension surprend encore ici avec un final un peu plus psyché, gorgé de mélodies limite Floydiennes, sur fond de blasts… On retrouvera encore quelques solos enfumés à la fin de "Stars to Dust", morceau encore une fois bien sombre et rugueux avec des blasts soutenus, alignant encore des arpèges occultes et quelques montées épiques (avec un chant à fleur de peau). Mais Under Ether va se terminer de manière plus explosive, avec l’assez énorme "Vela Dare", très rythmé et inspiré, très intense encore avec force trémolos, et un grand final splendide avec manifestement un guest au chant que je n’ai pu identifier. Ascension n’a donc rien perdu de sa superbe, mais il a décidé de changer quelques réglages pour son troisième opus et parvient aisément à surprendre, sans révolutionner quoi que ce soit mais en apportant quelques nouveautés, tout en faisant le choix de s’éloigner du pur Black orthodoxe de Consolamentum pour se rapprocher de ce qu’il faisait sur With Burning Tongues, notamment pour ce son plus terreux et plus sombre que jamais. Under Ether ira donc à ravir aux fans de la première démo des Allemands (qu’on peut même considérer comme leur « album zéro »), avec ici un côté plus direct (les morceaux ne sont pas spécialement longs pour du Ascension) et tout de même quelques particularités héritées de Consolamentum et The Dead Of The World. Quitte à justement laisser ceux qui étaient plus axés sur le pur Black-Metal orthodoxe des deux méfaits suscités à quai, ce qui est un peu mon cas je dois l’avouer, mais je n’ai jamais réellement apprécié With Burning Tongues tandis que Consolamentum demeure pour moi un chef-d’œuvre. En ce qui concerne l’aspect purement Orthodox BM, Under Ether n’apporte finalement rien de bien neuf si ce n’est quelques passages toujours diablement inspirés et de super morceaux, mais son intérêt est ailleurs, et de ce point de vue cet album pascal est réussi, même s’il faudra apprécier la démarche sonore et de composition, ici plus brute et sèche. A vous de voir ce que vous attendiez d’Ascension, un nouveau Consolamentum, la suite de The Dead Of The World, un retour à With Burning Tongues ou autre chose encore. Under Ether est un peu tout ça à la fois (…sauf le nouveau Consolamentum qui restera un album à part), Ascension ne stagne pas et triture son art avec tout ce qu’il a à sa disposition, cela ne suffit peut-être pas pour faire de Under Ether son meilleur album, mais le mystérieux collectif allemand reste une des références du genre et un groupe de grande qualité, quels que soient les équilibrages musicaux qu’il emploie.
Tracklist de Under Ether :
1. Garmonbozia (1:11)
2. Ever Staring Eyes (5:47)
3. Dreaming in Death (4:41)
4. Ecclesia (5:30)
5. Pulsating Nought (6:10)
6. Thalassophobia (5:24)
7. Stars to Dust (7:40)
8. Vela Dare (8:02)