Why not ?
Aeon Zen sort Ephemera en 2014 et le revoilà de retour en 2018. Les Britanniques sont loin d'être parmi les classiques du Metal Prog qui pourraient se permettre une ressortie juste pour le plaisir des fans. Alors que nous vaut ce retour d'un album qui date de quatre ans maintenant ? Et bien c'est une édition augmentée, une GOTY (terme emprunté au jeu vidéo, univers dont il n'est pas fait mention ici), un hybride concept album / audiobook, reprenant toutes les chansons et en y intercalant des parties de narration disponibles à l'époque pour ceux qui avaient précommandé le disque. Ce récit reprend l'histoire inventée servant de base à Ephemera, dans un monde rempli de science-fiction. On pourra jeter une première oreille à la partie musicale puis on se penchera sur l'articulation avec les parties de narration, un procédé plutôt original pour un groupe de Metal.
La version augmentée d'Ephemera contient treize morceaux et les deux premiers sont purement Metal Prog. Et six minutes d'entrée de jeu pour The Entity, ça calme ! Surtout que Aeon Zen met la pression dès le départ: rythmiques syncopées, gros son de guitares, riffs explosifs, soli énergiques, ils veulent mettre la barre très haut pour accrocher l'attention de l'auditeur. Et le fan de du genre, celui qui s'approche des Pagan's Mind ou des Redemption accroche rapidement. Pas de révolution en terme d'originalité, mais une énergie qui fonctionne.
Pour ce qui est du storytelling, on sent plus le départ d'une histoire avec Soul Machine, l'effet dramatique fonctionne avec plus d'intensité, plus posé, mettant plus en avant les émotions des protagonistes. On retoureve ce procédé sur les morceaux suivants : Life ? débute avec des accents jazzy, des choeurs, un rythme mid tempo et un break d'ambiance avec une belle ligne de basse. Les morceaux de cet ordre, plutôt soft, sont d'ailleurs rares sur Ephemera, Richard Hinks, le maître à penser du groupe privilégie plutôt la distorsion et la puissance.
Remembrance et Rebuild The Ruins en sont deux exemples probants : le mélange chant clair / growls, claviers et guitares uptempo font monter l'histoire vers un tournant dramatique qui oriente l'auditeur vers la bagarre plutôt que la subtilité. On pourrait trouver des accointances avec le projet solo de James Labrie dans l'énergie et les parties de clavier. L'influence américaine se fait sentir: on digère bien les riffs, on ne se retrouve jamais en face de structures qui vont nous torturer l'esprit et d'un autre côté, on prend un plaisir immédiat dans le groove des morceaux.
On trouvera même deux titres, The Order of the Blind et The Space you Wanted, plus posé, plus orienté sur le chant de Andi Kravljaca, dont on peut rappeler les prouesses au sein de Seventh Wonder. Si vous voulez, on pourrait même classer ces titres dans les power ballads, même si cette dénomination peut être discutée. Et du coup, quand on regarde le disque dans son intégralité, on voit à quel point il est complet et intéressant. Sa facilité d'accès n'est en aucun cas une contrainte, Richard Hinks a su construire un album dont l'écoute est en même temps plaisante et cohérente pour l'auditeur, tout en respectant des standards assez classiques pour du Metal Prog.
La véritable originalité vient de son hybridation avec un récit en quatre parties au sein des morceaux musicaux. Autant prévenir tout de suite l'auditeur, il faut être bien accroché, car le rythme est brisé de manière durable. Les narrations durent au minimum quatre minutes. Si vous ne comprenez rien à l'anglais, autant passer votre chemin sur cette édition augmentée, car vous aurez l'impression douloureuse de perdre votre temps. En effet, si l'on excepte les effets de lecture, que l'on peut appeler « jeu d'acteur », il n'y a quasiment aucune mise en scène avant le dernier morceau The Revelation of the Collective où l'on entend quelques effets sonores.
Le concept tournant autour d'une histoire scientifique avec des machines, des prises de contrôle d'humains et j'en passe, on aura le droit à de nombreux effets de voix robotiques, frisant parfois la caricature. Il faut donc être prêt à s'immerger tout entier dans le concept et avoir l'histoire sous les yeux pour réellement en profiter sous peine de décrocher voire de sourire en écoutant Magnetic Imprints qui fait tourner les mêmes gimmicks en boucle.
On ne pourra pas retirer à Aeon Zen la qualité du travail global effectué sur Ephemera. Contrairement à de nombreuses formations qui se contentent d'un travail superficiel, le groupe de Richard Hinks a voulu proposer une œuvre complète avec un aspect dramatique. Les chansons s’enchaînent avec un peu plus de sens, on sent la pression monter dans les parties narrées et se libérer dans la musique. Mais quelle cassure de rythme audacieuse que sont ces quatre morceaux d'histoire. Difficile d'en faire abstraction, et difficile de les faire disparaître de l'écoute, ce qui a long terme peut lasser l'auditeur. Car une fois que l'on connaît l'histoire, a-t-on vraiment envie de la réécouter cent fois ? Qu'en pensez-vous ?
Tracklisting
1. The Entity
2. Soul Machine
3. Part I: Reload, Rewind, Redefine
4. Life?
5. Part II: The War
6. Unite
7. Penumbra
8. The Order of The Blind
9. Part III: Magnetic Imprints
10. Remembrance
11. Rebuild The Ruins
12. The Space You Wanted
13. Part IV: The Revelation of The Collective