"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
La dernière fois que j’avais du chroniquer un groupe Espagnol (en l’occurrence, le très prometteur groupe de Black-Metal occulte Aversio Humanitatis), je déplorais encore une fois que la scène trans-pyrénéenne n’enfante que très peu de groupes de Metal vraiment remarquables. Pourtant j’avais cité un nom qui m’avait toujours bien botté, celui d’Unreal Overflows. Eh bien l’occasion m’est maintenant donnée d’en parler plus en détail. Et c’est une occasion rare tant le groupe originaire de Galice est du genre discret. Formé en 2001, le groupe n’en est avec Latent qu’à son troisième album. Depuis Architecture Of Incomprehension en 2006, le groupe sort ainsi un album tous les… 6 ans ! Et ne meuble pas avec des EPs ou quoi que ce soit d’autre. Il avait fallu être patient pour découvrir False Welfare en 2012, à tel point qu’on se demandait si le groupe n’avait pas splitté, et rebelote six ans plus tard pour se mettre Latent dans les oreilles. Bref, Unreal Overflows se fait désirer, alors que dans le même genre bon nombre de formations mettent 2-3 ans pour sortir de nouveaux stuffs, le plus normalement du monde. Dans le même genre, je veux bien sûr parler du Death mélodique. Mais attention, Unreal Overflows ne joue pas dans la cour de ses compatriotes comme Insight After Doomsday, Dulcamara ou Rise To Fall qui font dans le pur Mélodeath. Unreal Overflows, lui, a plutôt fusionné deux écoles : d’un côté celle traditionnelle de Carcass et At The Gates, de l’autre celle plus technique de Death, Atheist et consorts. Dès Architecture Of Incomprehension, il n’était pas compliqué de discerner les influences de la formation espagnole. False Welfare lui a permis d’évoluer sur la forme, et Latent va tenter de confirmer le potentiel de Unreal Overflows, un des plus prometteurs groupes espagnols mais qui tarde à vraiment décoller.
Unreal Overflows marie donc d’un côté, le Death tranchant mais très mélodique de Carcass période Heartwork (avec un chant 100% Jeff Walkerien), et le goût technique de Death, Atheist, Cynic, Pestilence et consorts, avec quelques rythmes bien complexes et un son de basse bien présent. Sur pas mal de points, Unreal Overflows sonne même assez old-school, bien que False Welfare possédait un son assez moderne. Latent s’autorise déjà un petit retour en arrière de ce point de vue, mais la plupart des rythmiques sont tout de même bien puissantes, ce sont surtout les leads qui ont une forte saveur de nineties (ainsi que le chant criard). Ni totalement old-school ni vraiment moderne, la production de Latent convient bien au style pratiqué, et offre beaucoup de relief. Pour ce qui est du fond, il n’y aura donc pas vraiment de surprise pour qui avait bien digéré les deux premiers albums des Espagnols. On retrouvera donc bon nombre de rythmiques techniques, tout de même assez appuyées, sans partir dans des délires jazzy ; et bien évidemment de nombreux leads qui amènent une forte emphase mélodique à Latent, peut-être même encore plus que sur les deux précédents opus du groupe. "The Worst Beginning" qui ouvre l’album annonce donc déjà la couleur, très mélodique, mais des fulgurances techniques apparaissent déjà et surtout se font aisément remarquer. Unreal Overflows semble donc avoir définitivement trouvé son équilibre, en témoigne notamment un morceau comme "The Obsolete Resource", où le combo espagnol distille toute son inspiration. On est donc parti pour 37 minutes de Mélodeath technique très bien branlé, souvent efficace et facilement accrocheur, qui s’offre d’ailleurs déjà en deuxième position un sacré tube, l’excellent "Stories of Uncertain Morals" aux rythmiques furibondes et aux mélodies léchées, même si la technique l’emporte souvent et ce de manière très couillue.
Des morceaux comme "Human Obscenity State" avec ses rythmiques très entraînantes, "Rusted Supremacy" et son côté plus direct et tranchant résolument technique mais où les leads s’affirment aussi, ou encore le final salvateur "Reflex Action" avec encore des leads bien techniques et des grosses rythmiques (avec à la clé un passage thrashy bien cossu) tirent leur épingle du jeu. Mais sur Latent, Unreal Overflows passe parfois un peu à côté de son sujet, notamment dès qu’il abaisse trop le tempo pour pouvoir continuer à nous emporter dans son univers de technique ("Reversal", "The Project" qui est assez poussif par moments), où lorsqu’il s’avère parfois encore trop proche de ses influences et celle de Carcass en particulier (l’intro de "Reversal", "Abiding Decay" qui ne convainc pas malgré son bon équilibre mélodies/dureté et sa basse très présente, "The Project"). Au final, Latent est légèrement hétérogène. Et 12 ans après Architecture Of Incomprehension, Unreal Overflows n’arrive hélas pas encore à l’aboutissement de sa musique, et en l’état Latent son troisième album sera au bout un peu moins bon que ses deux prédécesseurs. En 17 ans de carrière maintenant, Unreal Overflows semble encore bloqué dans son statut d’espoir, à un potentiel qui n’arrive pas encore à exploser. Il y a tout de même de quoi faire au sein de cet album que l’on pourra trouver un peu court aussi (surtout que le groupe reste efficace et ne part jamais dans des progressions interminables, un seul morceau dépasse (de peu) les 5 minutes d’ailleurs), que ça soit au niveau de la technicité de la section rythmique ou des mélodies, même si elles manquent d’originalité et transpirent encore de glorieuses influences. Latent n’en est pas moins un bon « petit » album de Death technique mélodique, qui se laisse facilement apprécier. On en attendait peut-être plus du géniteur de Architecture Of Incomprehension et False Welfare surtout après 6 nouvelles années de gestation, mais Latent ne lui fait pas honte (sauf peut-être pour la pochette un peu moche…) et saura être apprécié de tout amateur du genre. Et Unreal Overflows reste toujours un porte-drapeau plus qu’honnête de la scène Metal espagnole…
Tracklist de Latent :
1. The Worst Beginning (3:52)
2. Stories of Uncertain Morals (4:37)
3. Reversal (4:39)
4. The Obsolete Resource (4:18)
5. Human Obscenity State (3:58)
6. Abiding Decay (3:41)
7. Rusted Supremacy (2:43)
8. The Project (5:03)
9. Reflex Action (3:52)