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Album

18 février 2018 - Traleuh

Draugsól

Volaða Land

LabelSignal Rex
styleBlack Metal Progressif/Atmosphérique
formatAlbum
paysIslande
sortiejanvier 2017
La note de
Traleuh
8/10


Traleuh

Sinmara, Naðra, Svartidauði, Almyrkvi, Misþyrming... Vous savez ce que ces groupes ont en commun ? Au delà de partager des gènes avec Bjork et autre Bjarni Benediktsson, ces grivoises entités ont la spécificité de tenir au moins un membre commun. Et le caractère farouchement incestueux de cette belle scène islandaise n'est pas vraiment un défaut en soi, a contrario même, il garantit une certaine qualité. Mais constatons toutefois que si, musicalement, les groupes précités sont relativement différents, le ton, les ambiances et les thèmes abordés sont somme toute proches : c'est très sombre, très vilain mais surtout très cagoulé. Ce n'est justement pas le cas du groupe qui nous intéresse ici, qui, s'il partage tout de même un membre avec Mannveira, est finalement assez éloigné de la sulfureuse jet set islandaise. Mais en plus d'être à l'écart de ce groupuscule d'affirmés occultistes, Draugsól (on le nomme enfin) se paye le luxe d'être musicalement et artistiquement très éloigné de ses confrères : on nage ici en terres naturalistes, atmosphériques mais surtout progressives.

Alors exit les influences dissonantes de nos picto-charentais de Deathspell Omega ou autre Blut Aus Nord, c'est ici un parallèle avec Enslaved qui me paraît le plus probant : de la période plus progressive du groupe ("Axioma Ethica Odini", "RIITIIR") à leurs premières années viking plus furieuses ("Blodhemn", "Eld"), nos petits Islandais semblent s'être servis abondamment dans la carrière du mastodonte norvégien. Mais loin de moi l'idée de déposséder Draugsól de son œuvre et de sa personnalité déjà très marquée pour un premier album, on a le droit à un rendu bien plus granuleux et terre à terre que chez leur homologue norvégien, contrastant avec une touche psychédélique et éthérée.

Et c'est bien cette alternance qui fait selon moi tout le charme de la galette tout en garantissant sa cohésion : on se plaît à parcourir ces mythiques terres islandaises, des plages au sable noir de Vik aux imposantes chutes d'eau du Selfoss, avec pour seul et unique narrateur le vocaliste A.J. et ses hurlements rocailleux, caverneux mais pourtant si organiques et puissants, semblable à un Jotünn. Son chant n'est d'ailleurs pas sans rappeler les vociférations de D.G., vocaliste (entres autres) chez leurs confrères de Misþyrming, bien que les accointances avec la formation de Reykjavík s'arrêtent là.

La substance du propos est donc posée : le voyage et la contemplation sont au cœur de « Volaða Land », qui magnifie l'Islande, sa dureté, sa rugosité mais surtout sa splendeur surréaliste. Mais loin d'en rester à un simple manifeste d'atmosphères contemplatives propres à cette immense île volcanique, « Volaða Land » se veut terriblement riche musicalement, passant de cavalcades épiques (le final de "Formæling", j'en frissonne encore...) à des passages bien plus intimistes (la guitare acoustique de "Spáfarir Og Útisetur") voire assez mélancoliques ("Holdleysa"), toujours portés par le vocaliste A.J., portant les morceaux vers des sommets d'intensité, notamment sur "Bót Eður Viðsjá Við Illu Aðkasti", où sa versatilité prend tout son sens.

Malgré tout, ce tableau peint par les Islandais comporte tout de même quelques ombres, notamment lors de sa seconde partie, avec le titre "Spáfarir og útisetur" suivi de "Váboðans Vals", qui tout deux enraieront une chevauchée dont l'intensité n'égalera jamais vraiment celle des précédents titres. Le final "Holdleysa" conclura heureusement l'album sur un ton nuancé, plus mélancolique et spleenant.

Mais ne boudons pas notre plaisir, les Islandais ont ici accouché d'un album riche en montées épiques imparables et en atmosphères prenantes, ce bloc de granit noir ayant été ciselé avec une précision d’orfèvre. Des passages contemplatifs résolument naturalistes aux explosions volcaniques les plus terribles, le trio de Reykjavik nous offre sa vision de l'Islande, son dialogue perpétuel entre flamme et glace, de ses paysages les plus apocalyptiques à ses rivières les plus éclatantes de vie.
Une bouffée d'air frais dans cette scène islandaise à la noirceur anxiogène.

«La Terre de glace ! la Terre des geysers et des volcans ! On a deviné l'Islande, car quelle autre contrée offre le surprenant spectacle d’une lutte éternelle entre le feu et le froid ?»

Tracklist :

1. Volaða land
2. Formæling
3. Bót eður viðsjá við illu aðkasti
4. Spáfarir og útisetur
5. Váboðans vals
6. Holdleysa