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Il vous faudra un peu moins de vingt minutes pour faire le tour de ce premier EP que nous propose aujourd'hui les Bordelais de Tormenta. Mais ne vous trompez pas cela prendra plus d'une écoute pour rentrer et saisir toute la portée de la musique de ce trio sans chanteur. Alors oui pour en dérouter certains ici on ne fait que dans l'instrumental, exercice rare et très audacieux, d'où la pertinence de ce format court, même si certains groupes comme Liquid Tension Experiment par exemple ont réussi à passionner leurs auditeurs sur plus d'une bonne heure (au prix de quelques délires musicaux). Ici pas de délires mais plutôt une expérience de ce que les deux couples guitares-batterie et guitare-guitare savent faire dans le métal moderne et contemporain.
Il est à la fois simple et très compliqué de parler de la musique de Tormenta. Simple car on a là un disque de musique instrumentale travaillé et technique. Complexe car s'il n'est pas difficile à approcher, cet EP vous demandera de nombreuses écoutes avant d'en saisir toutes les finesses et d'en explorer tous les recoins. Et c'est bien là toute la difficulté des groupes où la technique et la mathématique de la musique règnent en maîtresses : on se prend tout dans la face et ensuite on se demande ce qui vient de se passer. Il faut juste préciser que Tormenta ne joue pas le jeu de l'hermétisme. Les structures des chansons se suivent sans peine et on sent deux tendances se dégager tout au long de celles-ci : une planante et l'autre toute en énergie.
Certains riffs lancinants, répétés développés à des tempos plutôt lents ont parfois un effet hypnotique. En ça le dernier titre Le retour de la Noyée se tient là, avec ses cordes et ses arpèges, on sent bien cette ambiance glauque et humide, cette inquiétude liée à ce retour.
Et à l'opposé on rencontre des passages en blasts, avec ce côté incisif, acéré et agressif de certaines rythmiques qui débordent sur un genre de black métal assez primaire. Et souvent les deux s'enchaînent harmonieusement, suivant le principe de la chanson instrumentale qui raconte une histoire sans parole. Parfois le tout se mélange comme dans Mirages ou le batteur blaste et les guitares ne s'emportent pas. Par delà ces considérations de tempo, le trio a aussi su s'approprier des sonorités de différents horizons : si l'on prend en exemple Fièvres et calculs morbides, on ressent un habile mélange de sonorités métal moderne, jazzy et métal extrême. Les musiciens ont eu envie de laisser parler leur créativité sans trop se restreindre.
Alors quatre titres c'est vrai ça passe vite, mais n'oublions pas que ce projet existe depuis trois ans et que ses trois membres font partie d'autres formations dont Elusiv un étonnant duo de guitares acoustiques, dont le projet global d'expérimentation musicale pourrait se rapprocher de celui de Tormenta. Quoi qu'il en soit, ils nous prouvent là que la qualité n'a rien à voir avec la quantité et qu'une première approche autour de quatre titres leur permettra de se faire un nom avant d'attaquer un format plus long. De plus la son de cet EP est parfaitement adapté aux propos, l'homme derrière les manettes, Mathieu de Gorod pour ne pas la nommer, a fait du bon boulot.
On pourrait presque dire en conclusion qu'il ne lui manque que la parole, mais cet EP vaut le détour pour qui apprécie la musique qui explore et se lâche. On regrettera l'avenir sûrement confidentiel de Tormenta, car ils ne tapent pas dans le mainstream, même si les sonorités employées ont un air familier qui j'espère leur permettront d'accrocher un large public.
1. Mirages
2. Collision
3. Fièvres et Calculs Morbides
4. Le Retour de la Noyée
