Lethvm
Tony et Vincent
Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)
Lethvm est un nom qui se chuchote depuis quelques temps dans les ruelles sombres de la scène Metal belge et leur premier album paru via le label français Deadlight Entertainement en novembre dernier a su confirmer leur potentiel avec un Sludge à la fois atmosphérique, massif terriblement inspiré. Un groupe à suivre absolument qui ne devrait pas s'arréter en si bon chemin. J'ai pu m'entretenir avec Vincent (chant) et Tony (batterie).
Nostalmaniac : Pour commencer cet entretien, pourriez-vous briefer nos lecteurs sur votre parcours…
Tony : Je vais pas faire trop long mais nos débuts remontent à 2015 avec Mathieu à la guitare, Ben à la basse et moi-même à la batterie, on a commencé à composer deux-trois morceaux et puis on a fait une annonce pour trouver un chanteur car on voulait absolument que ce ne soit pas un projet instrumental. Vincent a vite répondu et ça a tout de suite matché. Il a intégré le groupe en décembre 2015.
Qu'est-ce qui vous rassemble autour de ce projet ?
Tony : Avec le trio de base, ça faisait déjà un moment qu’on jouait de la musique ensemble donc on savait déjà que nos goûts musicaux concordaient.
Vincent : Avant que j’intègre le groupe, il m’avait envoyé un morceau que j’aimais bien. C’était propre donc j’ai pu mettre mon chant assez rapidement dessus et quand je suis arrivé à la première répét' j’aimais déjà bien le cadre, car il faut savoir qu’ils répétent au fond des bois. On avait répété la chanson sur laquelle j’avais mis du chant puis ils m’ont fait écouter le reste et ça me bottait bien dans l’esprit. C’était le style de musique que j’avais envie de faire.
Tu avais déjà un groupe avant il me semble, Vincent ?
Vincent : Oui, je venais de quitter Oldd Wvrms. J’étais tombé sur leur annonce Facebook le jour après mon départ et voilà...
Parlons de votre premier album, « This Fall Shall Cease », paru en novembre. J'ai été vraiment impressionné. Comment vous avez travaillé dessus ?
Vincent : Pour nous, ça a été plutôt un long processus. Quand je suis arrivé dans le groupe je voulais assez vite enregistrer quelque chose donc on a rapidement mis en boite un EP 3 titres et puis on a bossé pendant plusieurs mois sur l’album. Le premier EP est sorti en mai 2016 et du mois de mai jusqu’à celui de l’année suivante, on a travaillé sur l’album. Un soir par semaine, on se retrouvait et composait pour cet album là dans notre local de répét chez Tony.
Tony : On maquettait tous sur PC donc c’est quelque chose qui était très structuré comme manière de composer. On a quasiment dû apprendre à jouer les morceaux en live après les avoir composés. Il y a eu énormément de versions différentes pour chaque morceau, voir pour chaque riff quasiment.
Vincent : Chaque chanson avait un esprit qu’on voulait lui insuffler. On n’est pas facilement satisfaits. Mais ce qui était bien, c’est qu’on avait une date butoir. On savait qu’on allait enregistrer en mai donc tout devait être terminé pour mai.
Vous avez enregistré au Noise Factory dans la région de Namur. C'est un studio plutôt habitué aux groupes Heavy et Prog'...
Tony : C’est vrai mais on a décidé de tout faire là car le cadre était quand même vachement bien. C'est pas loin de là où j’habite donc on avait fait un espèce de quartier général pendant huit jours chez moi. On revenait tous ensemble le soir et puis on repartait le lendemain. Tout ça pendant huit jours. C’était vraiment sympa comme immersion.
L'aspect visuel semble important pour vous. On sent une certaine cohérence depuis votre premier EP...
Tony : La partie visuelle c’est essentiellement David SC ("David Sale Connard") qui s’en occupe et y a aussi pas mal de choses qu’on fait nous-mêmes comme par exemple le premier clip de l’EP ("Shine In The Crawling Darkness"), c’est moi qui l’ai fait avec des moyens dérisoires. Une petite caméra et un programme de montage. Ca a été fait comme ça. Toutes les photos promos et bannières, on essaie de faire ça nous-mêmes. De temps en temps des affiches de concert aussi.
On peut dire que le clip de “The Last Grave” n’est pas vraiment rudimentaire…
Tony : Oui, en effet. On a fait appel à Antoine de Schuyter. C’est un artiste vidéo qui travaille avec des DJ assez importants en Angleterre, dans les festivals, etc. C’est un mec qui travaille vraiment la vidéo et le numérique. C’est la première fois qu’il travaillait pour ce style de musique là. Il nous a fait un beau clip…
Vous lui aviez donné une direction à suivre ?
Vincent : Franchement, pas trop. On lui faisait confiance. On connait bien son travail et lui a bien accroché quand il est venu nous voir en live et à notre musique de manière générale. C’est important pour nous de garder une ligne visuelle logique.
Tony : C’est presque obligé d’avoir une identité visuelle autant qu’une identité musicale. Si t’as un projet de reprises, tu t’en fous évidemment.
Au-delà de l’aspect sombre de votre musique et de vos visuels, il y a un message ?
Vincent : Il n’y a pas de message. Je pense pas qu’on est là pour faire passer un message. C’est plus subtil. C’est faire passer des émotions, sans pour autant raconter d’histoires.
Justement, c'est toi qui t'occupes des paroles. D'où vient ton inspiration ?
Vincent : Ce qui m’inspire, c’est beaucoup ce que je lis et ce que je vois autour de moi. Des choses que je ressens. C’est pas ce que je veux faire mais j’ai tendance à aller vers une écriture automatique. A un moment je me pose, j’écris ce qui me passe par la tête par rapport à un thème que je me suis donné à la base ou simplement une idée. Il y a des choses qui sortent et puis généralement, je ne me relis pas. Je demande une traduction à Tony et je me retrouve avec des textes bruts que je remets en forme par rapport à la musique. Le résultat ne ressemble pas vraiment à ce que j’ai écrit à la base car je remanie par rapport à la musique mais aussi à la traduction. Comment les mots se mettent, c'est important. Le texte se recrée une fois qu’il se pose sur la musique. Parfois des sens apparaissent sans le vouloir. Comme je le disais, je n’écris pas d’histoires mais en quelque sorte l’histoire nait une fois qu’elle est sur la chanson. De manière hasardeuse.
Tu parlais d’influences littéraires, tu peux en dire plus ?
Vincent : Ce que je lisais beaucoup pendant qu’on travaillait sur l’album c’était le Marquis de Sade avec son rapport ambigu à la gent féminine même si ce n’est qu’un des aspects. Sinon, un film sur Goya mais je peux trouver mon inspiration en dehors de ça. Je ne sais pas si tu as déjà eu ça mais juste avant de t’endormir tu peux avoir l’impression de tomber dans un trou ; c’est une des choses qui ont inspiré la chanson du clip, “The Last Grave”.
L'album est sorti chez Deadlight Entertainement, un label assez réputé...
Tony : Le contact est venu via Mathieu, notre guitariste. On a rencontré le boss du label, Alex, au Roadburn 2016. Cult of Occult, un des groupes de son label, y jouait. Et donc, Mathieu l’a travaillé au corps comme on dit (sourire). On lui a dit qu’on allait rentrer en studio et dès qu’on a reçu les premiers masters, on lui a envoyé et il a accroché. Il nous avait vu aussi à la première édition du Doom Wood Fest, que Mathieu a organisé, et il a vraiment apprécié.
Vincent : Quand il est venu nous voir en live, je crois qu’il a vraiment bien apprécié le concert et qu’il a compris ce qu’on faisait. C’est pas plus compliqué que ça.
Tony : J’ajoute que Deadlight n’est pas le seul label. L’album est sorti en K7 chez Dense(s) Records qui est un petit label indonésien. La version vinyle ça sort chez Dunk!Records qui est un assez gros label flamand lié au Dunk! Festival.
J'ai déjà pu vour voir en concert, c'est très intense. Comment vous abordez l'aspect live ? Une sorte de prolongation ?
Vincent : C’est pas une prolongation de ce qu’on fait sur album. C’est quelque chose de différent. Il faut s’imaginer un climat assez particulier. La majeure partie des morceaux qu’on a composés, c’était en hiver. Puis comme l’a dit Tony, on a dû apprendre à jouer ces morceaux ensemble. Quand on les joue en live, il y a quelque chose de différent qui se crée. Sur album, il y a pas mal de couches.
Tony : Après avoir composé les morceaux de l’album, le set live a pris une autre dimension. Ca se bonifie et ça monte en puissance.
Vincent : Il y a des choses qu’on joue différemment par rapport à l’album. Rien de choquant mais il y a des choses qui par le fait de les vivre en live ont bougé. C’est un vécu tout à fait différent.
Vous avez pu jouer récemment dans des salles prestigieuses, comme le Botanique à Bruxelles et plus récemment dans une petite cave à Dour, le Labo...
Tony : On aborde chaque live de la même manière mais après la grosse actu qu’on a eu avec l’annonce des labels, la sortie de l’album, le Loud festival au Botanique, c’était pas plus mal de se retaper une petite cave pour refroidir les esprits. Ca ne fait pas de mal.
L’an prochain vous allez jouer au Durbuy Rock qui est un festival Metal assez important en Wallonie avec notamment Amenra à l'affiche … mais aussi Ultra Vomit et Eluveitie (rires).
Vincent : (rires). Pour revenir là dessus, jouer dans une cave comme on l’a fait à Dour, c’est le genre de concert que j’aime vraiment bien car c’est dur. Quand tu joues devant beaucoup de personnes, ton regard peut s’échapper tandis que quand tu joues devant 15 personnes tu sens une autre pression. Nos sets étaient fort différents. On a joué la même chose mais il y a autre chose qui se crée. La musique sonne différemment. Je parle pas niveau technique mais de jeu. Y a pas de mieux ou de moins bien, c’est des sentiments différents.
Comment vous vous sentez dans la scène wallonne ?
Vincent : J’ai l’impression que c’est toujours aussi dur de trouver des concerts. On a eu des retours très positifs et ça nous fait super plaisir mais je sais pas exactement où on est dans la scène wallonne. On a lu quelques trucs sur nous mais ça n’affecte pas notre manière de travailler. On se donne toujours au maximum.
Tony : On va pas revenir sur la différence de moyens à disposition pour la culture en Wallonie et en Flandre mais c’est difficile. Vu qu’il y a pas beaucoup de concerts et qu’on entretient pas d’habitude chez le potentiel mec qui va venir acheter sa bière pour le concert. C’est difficile de les faire bouger. Mais il y a toujours un noyau dur de gens qui viennent à tous les concerts, il ne faut pas oublier.
Votre musique n’est pas forcément la plus accessible, même pour le métalleux de base...
Tony : C’est sûr mais c’est même pas un choix. On fait la musique qu’on a envie de faire. C’est vrai que c’est pas le truc le plus abordable qui soit, même pour un fan de Metal qui écoute du Heavy Metal 85% du temps et quelques trucs un peu plus sombres et expérimentaux sur le côté. C’est une niche avec un public de niche.
Vincent : Après si on fait de la musique, c’est aussi pour toucher le plus de monde possible.
Vous allez jouer avec Amenra au Durbuy Rock Festival, c’est un groupe important pour vous ? (sourire).
Tony (qui arbore un hoodie Church of Ra) : Oui, on apprécie tous beaucoup mais tout ce qui gravite autour aussi car il n’y a pas qu’eux. Je les considère comme les grands patrons dans le style. En live, c’est impressionnant. Ce sera un honneur de jouer le même jour qu’eux.
Vincent : Dans la scène Metal belge, c’est des incontournables. Il n'y a pas beaucoup d’autres groupes belges qui explosent au même niveau qu’Amenra.
Vous ressentez une pression avec la sortie de l'album et ces dates qui arrivent ?
Tony : Oui bien sûr, mais pour encore revenir à la date de Dour, ça remets les pieds sur terre.
Vincent : J’ai la pression par rapport à l’album car pour moi c’est la meilleure chose que j’ai pu écrire de ma vie et je dois faire mieux donc j’ai une pression par rapport à ça. C’est plus une pression par rapport au fait de se dépasser et de confirmer.
J’ai lu que vous prévoyez un split album…
Vincent : C’est notre prochain projet en effet.
Tony : On s’est remis à composer. On vise deux morceaux ou un très long morceau histoire que ça prenne pas trop de place pour un split et puis trouver un groupe avec qui partager ça.
Vincent : On veut garder une actualité. Il y a la temporalité du groupe et celle du public. L’album est sorti en novembre mais pour nous il est terminé depuis mai donc on veut avancer. On est des gros travailleurs et on veut progresser vite et bien.
Il y a des groupes avec qui vous aimeriez jouer ?
Vincent : Ultra Vomit ! (rires).
Tony : Il y a les gars de Cult of Occult, c’est des potes. En Flandre il y a Sons Of A Wanted Man, on a un bon contact avec eux.
... et des groupes walllons à conseiller à nos lecteurs ?
Vincent : Le groupe Absynth avec qui on a fait quelques bonnes dates. On aime vraiment bien ce qu’ils font.
L’année se termine, quels vos coups de coeur musicaux de 2017 ?
Tony : C’est l’année du « Mass VI » donc … Il y a aussi l’album de Chelsea Wolfe (« Hiss Spun ») que j'aime beaucoup.
Vincent : Le dernier album de Emptiness, « Not for Music », est incroyable.
Tony : Code Orange, dans un autre style. C’est très efficace.
Vincent : C’est une tuerie.
Merci à vous ! Je vous laisse le mot de la fin…
Vincent : Merci à toi. On va composer de nouveaux morceaux et on aura des dates à Bruxelles et en Flandre au début de l’année. On devrait également passer en France par la suite.
Propos recueillis par Skype le 19 décembre 2017.