La caution grunge du webzine.
Derrrière le nom de Levee Walkers se cache en fait celui de Mad Season - ce nouveau supergroupe issu du mouvement grunge pouvant être perçu comme une extension de ce dernier. C'est suite au concert unique donné le 30 janvier 2015 avec le Seattle Symphony Orchestra et les membres survivants de Mad Season (+ Chris Cornell au chant pour "prendre la place" de Layne Staley et Duff McKagan en remplacement du bassiste John Baker Saunders décédé à la fin des années '90), que naîtra le projet. Ainsi, la période du post-Layne Staley verra Barrett Martin (ex-Screaming Trees, ex-Skin Yard) et Mike McCready, guitariste soliste de Pearl Jam, expérimenter Mark Lanegan au micro dans la version augmentée d'Above en 2013 et Chris Cornell - que l'on ne présente plus, dans l'émouvant Sonic Evolution - un album-live à la sortie très confidentielle, intervenu dans le cadre de la seconde reformation de MS (très succincte, puisque de 2014 à 2015).
Avec Levee Walkers, le trio a pris la décision de changer de guest vocalist à chaque nouvelle production. Selon les dires de Barrett Martin, le credo de ce projet musical est d'inviter des chanteurs et des auteurs-compositeurs que les musiciens admirent. C'est comme cela que deux artistes venus d'horizons très différents se sont succédés en l'espace d'un an : Jaz Coleman de Killing Joke en avril 2016 qui nous a crédité d'un Freedom Song aux relents d'Audioslave, et Raquel Sofía en décembre qui est parvenu à nous offrir une performance très Pearl-Jammienne, malgré le style musical qu'elle joue en parallèle (pop-latino). La sortie de ce troisième 45t (produit par le batteur), intervient quelques mois après la publication du premier livre-disque de Barrett Martin intitulé The Singing Earth qui contient justement un titre inédit de l'ère Mad Season/Staley, ressorti vingt-ans après la dissolution du groupe. Dans ce disque, on retrouve également des acteurs du blues qui influenceront ce All Things Fade Away comme le regretté CeDell Davis et bien sûr Ayron Jones choisi pour enregistrer le chant sur ces deux-titres.
Tandis que les faces B des productions de Levee Walkers permettent à l'auditeur de goûter à un revival du grunge des nineties ou directement inspiré du Seattle Sound (Audioslave, Pearl Jam et maintenant Mad Season & Brad par le biais de Madness), les faces A restent fidèles aux univers musicaux des chanteurs invités. On a donc quatre minutes pour cerner et s'habituer au style vocal d'Ayron Jones, influencé par des artistes noirs Américains tels que Ray Charles, Stevie Wonder ou BB King. Sur All Things Fade Away, on identifie clairement le timbre soul du jeune Seattleite, à la fois moderne et très pur. Le rock puisant ses racines dans le blues, le chanteur fait systématiquement la navette entre les deux genres sans que cela paraisse forcé, à l'image de sa voix cassée sur deux brefs mais non moins jubilatoires passages de Madness. C'est là tout l'intérêt de travailler avec des guests issus du blues ou du metal car ils sont, en général, plus enclins à basculer sur du rock quand l'occasion se présente, du fait de leurs origines musicales communes.
Que ce soit la plaintive All Things Fade Away avec ses choeurs taillés pour un enterrement de famille ou la très pesante Madness, aucune de ces chansons ne laisse passer de moments de gaieté. Si la première est efficace et a ce côté un peu spirituel propre à certaines oeuvres de Pearl Jam (rappelons que le 7" est signé sur le label de Mike McCready, Hockey Talkter Records), la seconde, elle, est d'une rare intensité. Madness démarre par un clin d'oeil musical aux titres les plus touchants de Mother Love Bone qui contiennent une introduction au piano, parfois couplée à de la guitare acoustique (Man of Golden Words, Gentle Groove ou Chloe Dancer pour ne citer qu'eux). En effet, les claviers de Ty Bailie (cf. son travail sur le Vanishing Point de Mudhoney) qui sont très largement mis en avant sur le morceau, entrent en résonance avec le style de jeu d'Andrew Wood sur le mythique Apple délivré en 1990. Néanmoins, malgré toutes les influences grunge que l'on peut percevoir sur Madness, la composition a une identité qui lui est propre. Lors de la brèche ouverte par cette fin de titre extrêmement pesante couverte par les chuchotements diaboliques d'Ayron Jones ("forever devil and devil"), McCready dégaine sa guitare électrique, nous enchaînant plusieurs notes de distorsion.
A l'image de l'artwork où figure la mort jouant au billard, une cigarette à la bouche, All Things Fade Away est un 45t assez funeste dans la lignée de Mad Season, dans le sens où le disque se réapproprie les ambiances sombres et bluesy d'Above. Actuellement, c'est aussi la production la plus grunge des trois 7" sortis par les membres de Levee Walkers (qui, en plus d'avoir appartenus au dernier line-up de MS, ont tous participé à l'album-éponyme de Walking Papers en 2013).
Tracklist :
1 - All Things Fade Away (4:22)
2 - Madness (4:27)