Tyrant Fest 2017 - Jour 1
Le Métaphone - Oignies
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Florent : Après une première édition à Amiens l'année passée, le Tyrant Fest a pris de l'ampleur en 2017 : passage sur deux jours et, surtout, déménagement sur le site du Métaphone, à Oignies, dans les Hauts de France, à 20 minutes de route de Lens et de Lille. L'affiche valait le déplacement, dont acte...
En 2016, le Tyrant Fest proposait une affiche 100% française emmenée par Otargos et Regarde Les Hommes Tomber ; un festival de taille au final modeste qui se déroulait à Amiens, à La Lune des Pirates, salle d'une capacité d'environ 250 places. Gros changement de décor, donc, tout comme de saison pour cette édition 2017 : exit le printemps, place au coeur de l'automne et au décor post-industriel du Métaphone, ancien site minier typique du Nord et de ses charbonnages transformé en 2013 en lieu de culture où se déroulent entre autres expositions et concerts. Un lieu au look plus qu'adapté à l'affiche proposée, très... post, black pour le coup, avec en tête de gondole quelques artistes issus des rangs des Acteurs de L'Ombre : Regarde Les Hommes Tomber pour le dernier concert d'une très longue série, Déluge et les nouveaux venus Lituaniens d'Au-Dessus.
En plus de la salle elle-même, que nous décrirons plus tard, le site du Métaphone permettait au Tyrant Fest de disposer de toute une annexe qui, si elle avait pu être mieux indiquée, offrait pour le coup de solides à-côtés en plus du metal market habituel. Un stand de tatouage, un coiffeur-barbier, une expo d'illustrateurs et de photographes à laquelle participent notamment les Parisiens de Fortifem, qui se sont récemment fait remarquer pour leur sublime illustration d'Exile, le second opus de Regarde Les Hommes Tomber. De quoi flâner, donc, en attendant l'ouverture de la salle à proprement parler et le début des concerts, plutôt tardif (16h30 le samedi, 16h le dimanche). Et pour vous parler de cette première journée, je cède la parole à mon ami Nostal'...
Devant le Métaphone
Nostalmaniac : Nous arrivons sur les coups de 16h et raterons au passage la conférence de Corentin Charbonnier sur le thème « Metal - Histoire et Controverses » qui inaugure le festival, preuve de la volonté des organisateurs de faire vivre plus qu'un simple festival. Si l'annulation d'Amenra m'avait beaucoup attristé (remplacé par ... Batushka), il faut tout de même reconnaître la qualité de la programmation. Un bon équilibre entre groupes nationaux et internationaux. La qualité plutôt que la quantité avec dix groupes sur deux jours ce qui évite les groupes locaux inutiles pour faire du remplissage/copinage. Ce qui se reflète dans le prix attractif du pass 2 jours (25€). C'est plutôt rare pour le souligner. D'ailleurs, ça commence très fort avec les Lillois de The Lumberjack Feedback.
THE LUMBERJACK FEEDBACK
Nostalmaniac : N’allez donc pas croire que The Lumberjack Feedback est le petit groupe local qui va timidement brancher ses amplis. Il s’agit tout simplement de l’un des secrets les mieux gardés du Doom/Sludge hexagonal. Un secret bien éventé depuis la sortie de leur premier album « Blackened Visions » l’an dernier chez Kaotoxin et leur passage au Hellfest. Et on ne va pas s’en plaindre ! Le quintette originaire de Lille tire son épingle du jeu avec une configuration très spéciale : pas de vocaliste mais deux batteurs ! Deux batteurs qui jouent simultanément, ce qui donne inévitablement de l’impact à leur Sludge monstrueusement intense. En fait, c’est comme si Russian Circles avait fusionné avec les regrettés Omega Massif. Sans toutefois manquer d'identité et surprendre avec certains passages plus modernes. C’est lourd, captivant et diablement efficace d’un bout à l’autre du concert. Ambiance pesante et oppressante avec les lights. Le groupe joue devant un public encore clairsemé mais réceptif. Puis, rien que pour l’aspect visuel, on a du mal à se détourner du jeu symétrique des batteurs surtout avec le morceau-titre « Blackened Visions » et sa progression à couper le soufle. Rien à redire sur leur prestation qui met déjà la barre haut. Vivement un nouvel album, leur potentiel est énorme...
NECROWRETCH
Nostalmaniac : Bien qu’on reste dans une thématique sombre, le changement de style avec Necrowretch est plutôt radical. Le groupe rhônalpin, qui règne incontestablement en maître sur le Black/Death Metal hexagonal, évolue dans un registre largement plus... frontal. On vous en a déjà parlé dans nos colonnes (notamment leur concert au dernier Fall of Summer) et ils ne cessent d’enchaîner les live en Europe depuis. C’est pour ma part la première fois et je n’avais eu que des échos positifs. Si on remarque que Kev Desecrator (membre à part entière de la formation depuis « Satanic Slavery » paru cette année chez Season of Mist) n’est pas de la partie, la prestance et l’attitude du groupe sont sans équivoque. C’est bestial et totalement possédé. Malheureusement, comme au FoS, le son ne joue pas en leur faveur. Le chant de Vlad, un de leurs gros atouts, est noyé dans le mix. Même constat pour les guitares, même si ça s’améliore vers la fin du set. Ce qui n’entache pas la conviction qui émane d’eux, mais m’empêche de rentrer complètement dedans. Entre Death caverneux et Black Metal (d’autant plus avec le dernier album, plus brut et malfaisant que jamais), on ressent les influences des vieux Deicide, Sarcofago et Necrophobic avec une hargne qui leur est propre. Les riffs sont redoutables et les enchaînements entre vieux et nouveaux morceaux sont imparables. Comme vous l’aurez compris, juste un gros regret pour le son trop faiblard, mais Necrowretch n’usurpe pas sa bonne réputation en live. Leur tournée en décembre avec Impiety s'annonce apocalyptique.
AU-DESSUS
Nostalmaniac : À l’instar de Batushka, Au-Dessus est une de ces formations qui avec un seul album se retrouve de plus en plus souvent sur les affiches Metal extrême un peu partout en Europe. Eh oui, on ne peut pas nier qu’une certaine hype entoure les Lituaniens. J’avais été amusé de lire dans une interview récente à nos confrères de Radio Metal « « Le black metal a été créé pour casser les codes, et c’est ce que nous faisons aussi. Le black metal n’a pas de règle, tu peux faire tout ce que tu veux. » . Si je suis d’accord avec ce semblant de précepte, il faut être un peu naïf pour croire que Au-Dessus casse les codes. Non, et sans les traiter de suiveurs, ce qu’ils font suit une certaine tendance actuelle qui a ses bons et ses mauvais élèves. Les Lituaniens font assurément partie de la première catégorie avec « End of Chapter ». Des élèves assidus avec le souci du détail (leur visuel réalisé par l'incontournable Valnoir). J’étais donc plutôt curieux de voir ça en live sans m’attendre à grand-chose, je l’avoue. Outre l’aspect « black à capuche » sur lequel je ne vais pas revenir, leur présence scénique fait son petit effet puis on les sent rodés à la scène tant c’est carré (il faut noter que c’est la dernière date d’une tournée européenne qui a commencé le 15 octobre – près d’un mois donc). Le son est vraiment correct cette fois-ci et je me laisse facilement embarquer par ce Black Metal froid, atmosphérique et dépouillé – un véritable mur de son - ponctué de passages plus éthérés et de voix lointaines. Hélas, ça tourne vite en rond et c’est tout le problème. Il manque des passages vraiment marquants et les quelques passages plus mélodiques ne suffisent pas à me faire changer d’avis. À écouter sur album ça passe très bien, mais en live c’est juste très vite lassant. Je garde un œil néanmoins sur ce groupe qui est encore jeune et a l’avenir devant lui pour se forger une identité propre et vraiment casser les codes.
WIEGEDOOD
Nostalmaniac : De la hype il en est aussi question pour Wiegedood. En quelques années, le trio formé par deux membres d’Oathbreaker (le batteur Wim Sreppoc et le guitariste Gilles Demolder) et Levy Seynaeve d'Amenra - mais aussi bassiste live d’Oathbreaker – s’est fait une solide fanbase. Sûrement la facette la plus Black Metal de la Church of Ra. La plus « roots » aussi – ce qui semble en réjouir certains pour qui Amenra et Oathbreaker deviendraient « trop » populaires. Amusant quand on sait le chemin parcouru par ces groupes… Passons ! Ici pas de capuches mais une fascination musicale évidente pour la scène Black atmo américaine (Wolves in the Throne Room et Panopticon en tête) voire même Krallice et Deafheaven. C’est en tout cas ce que je pensais avec le premier album et le second paru cette année - « De Doden Hebben Het Goed II » - délivre quelque chose d’un peu plus noir « européen » et nordique comme nous le montre le t-shirt de Gorgoroth arboré par Levy (bon, du dernier album...). Si je reconnais les qualités de Wiegedood, en faire un groupe majeur du Black actuel est un peu trop prématuré en dehors de toute la hype. Laissons leur le temps. Par contre, le trio est expérimenté et ça sent dès le début. Les compositions fleuves (ce magnifique « Cataract » issu du dernier album) sont captivantes, empreintes de noirceur et d’atmosphère forestière. Malheureusement, encore une fois, aujourd’hui, la voix va passer à la trappe. C’est d’autant plus dommage que Levy s’époumone comme un beau diable. Autre bémol le concernant, il va se réaccorder entre chaque morceau ce qui casse un peu la dynamique du concert, mais l’intensité n’est jamais loin avec les titres du dernier album (le morceau-titre, « Smeekbede ») qui décidément sont taillés pour le live avec ce côté cru et sale dans les grattes (et l’absence de basse). Une prestation en demi-teinte pour ma part, donc. En tout cas, il va être difficile de les rater dans les années à venir.
SHINING
Nostalmaniac : Pas que je veuille enfoncer le couteau dans la plaie (ou les crochets dans Colin) mais triste de se dire que c’est Amenra qui aurait du prendre place ce soir dans cette belle salle. Je ne vais pas non plus bouder mon plaisir de voir pour la première fois les Suédois de Shining, celui qui ne fait plus trop (black)jazzer mais qui s'apprête à sortir un nouvel album. J’ai toujours entendu dire que c’est tout ou rien avec des show reposant sur le « X Factor » : Niklas Kvarforth. Attention whore pour certains, véritable écorché vif pour d'autres. Le personnage ne rend pas indifférent. Cependant, je n’ai jamais vraiment cherché à les voir campant sur mes écoutes de « Halmstad » et plus récemment « Redefining Darkness » qui m’avait beaucoup plu à sa sortie. La salle est bien pleine. Pour ce concert, Kevin Paradis (fraîchement débarqué de Svart Crown) remplace Jarle "Uruz" Byberg, indisponible. Alors oui, d’entrée difficile de ne pas parler du Niklas Kvarforth show. Et ça commence fort : il prend le smartphone d’un spectateur au premier rang, se filme et le met à côté de la batterie en demandant au propriétaire de regarder le concert avec ses propres yeux. Une démarche fort respectable, mais ce n’est pas non plus une marée de Samsung dans le public. Dans les facéties, on notera qu’il s’amuse avec sa (petite) cravache, le (faux?) sang de porc qu’il se renverse dessus et fait boire cul-sec au public. Serrer un t-shirt autour du cou d’une femme en demandant à son copain à ses côtés de lui promettre de l’étrangler ce soir avec. Quelques baisers échangés ci et là (dont une demoiselle qui refusera ses avances à la fin du concert). Cracher dans le public. On le verra aussi s’énerver quand on lui balancera une seconde fois un gobelet (il semblait hilare la première fois) demandant de manière virulente au responsable non-identifié de venir le voir au merch après le concert. Difficile de ne pas se dire qu'il se nourrit de ça. Est-ce que c’est que c’est juste du show préparé à l’avance ? Je ne pense pas. Quelque chose de vraiment dérangeant émane du personnage qu’on ne sent pas du tout « clean » et il ne sera pas plus après quelques rasades de whisky qu’il partage avec le premier rang. Alors oui, il joue avec le public (ou plutôt le premier rang) qui sait pourquoi il est venu avec cette part d’inattendu : jusqu’où ira t-il ? Ce soir pas très loin… Une bonne question qui se pose c’est « sans tout ce show, le public continuerait t-il à suivre Shining ? ». On a du mal à l’imaginer et Niklas est peut-être prisonnier volontaire de son personnage et de ses frasques. Le contraste avec le très souriant Marcus Hammarström (basse) est amusant. Le petit dernier de la bande est visiblement heureux d’être là. Musicalement (car oui, c’est un concert) et sans connaître à l’aveuglette la setlist proposée, c’est vraiment prenant. J'adore le côté mélodique des morceaux (ces soli de Peter Huss). Etiqueter Shining "Black Metal" est vraiment simpliste. "Suicidal Metal" ne veut rien dire. Shining n'a tout simplement pas besoin d'étiquette. C'est pas les ténèbres pour aboutir à la lumière c'est du nihilisme pur sous couvert de je m'en-foutisme. Voilà l'impression qui me poursuit tout le concert et avec les facéties évoquées. Vocalement, Niklas est impressionnant avec son chant plaintif gorgé d'émotions et son attitude désinvolte. Des pogos éclatent dans le public pour les morceaux plus percutants comme « Vilja & dröm » tiré de « IX - Everyone, Everything, Everywhere, Ends » paru en 2015. Kevin Paradis est vraiment à l'aise derrière son kit (Niklas va le féliciter et le faire applaudir plusieurs fois durant le concert) et j'assiste vraiment à un très bon concert - sans point de référence néanmoins. Le génial et inévitable "For the God Below" (et ses magnifiques solos finement exécutés) referme un set qui ne peut pas laisser indifférent. En bien ou en mal.
Florent : Shining est un groupe dont l'image m'a toujours laissé un peu sceptique ; les personnages systématiquement dans l'excès comme Niklas Kvaforth ne me paraissent pas toujours respirer la sincérité. Reste que musicalement, y'a pas à dire, que ce soit V : Halmstad, VII : Fodd Forlorare, Redefining Darkness ou même leur opus à venir Varg Utan Flock, ça me bouge toujours autant. En live, leur prestation de 2013 au Magasin 4 de Bruxelles m'avait plutôt remué, avec un Niklas au final peu destroy mais très habité par sa prestation.
Depuis, les sorties de Shining m'ont un peu laissé froid et j'ai quitté le groupe des yeux, mais je suis assez curieux de les revoir après une journée qui n'aura finalement commencé pour moi qu'avec l'excellent concert d'Au-Dessus. Autant le dire tout de suite : j'ai déchanté, et ce dès la première minute.
C'est bien simple : le concert n'aura été que le one-man show gênant d'un Niklas Kvarforth que je n'ai senti à aucun moment sincère. Vocalement, l'homme est plutôt impressionnant, même si moins impliqué et habité par ses textes qu'à l'époque, mais son attitude me met tout bonnement mal à l'aise. Mal à l'aise non pas comme cela le devrait, c'est-à-dire de par sa noirceur ou sa violence, mais mal à l'aise comme l'amateur de théâtre que je suis a pu l'être devant des prestations forcées ou fausses durant une représentation. La musique derrière a beau tenir la route, les musiciens étant particulièrement en place, j'en viens tout bonnement à quitter la salle, gêné par le personnage grotesque joué par Kvarforth aujourd'hui. Shining aura probablement pour longtemps la palme du pire concert que j'ai pu vivre.
Nostalmaniac : Un première journée qui a donné le ton et le Métaphone s'avère un très bon choix. Le lieu en lui-même ne manque pas de cachet pour cette affiche Black et Sludge noir charbon et la salle modulable (500 places assises et 1 000 debout) est vraiment agréable avec ses balcons et ses deux bars dont celui à l'étage avec son extérieur pour les fumeurs. Bravo donc à l'organisation. On notera également les stands bouffe (dont un végé) à l'extérieur plutôt accessibles et rapides avec des tables devant (hélas le froid est bien présent). Petit bémol sur le balisage de l'annexe qui en se la jouant "cryptique" (Vigo - Kino - Devo - Xpo) devient peu intuitif pour le commun des festivaliers. Le coin merch des groupes à côté du bar du bas est vite bondé et devient un entonnoir. On reviendra sur l'annexe dans la deuxième partie à suivre et on vous parlera bien sûr des prestations de The Order of Apollyon, Deluge, Bliss of Flesh, Regarde les Hommes Tomber et Batushka.
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Crédits :
Textes par l'équipe Horns Up.