"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
En 2015, Dødheimsgard sortait son cinquième album intitulé A Umbra Omega, très vite considéré par beaucoup comme un chef d’œuvre en puissance. Cet album devait d’ailleurs être la première partie d’un diptyque dont le second chapitre devait paraître « assez vite ». Deux ans et demi plus tard, pas de nouvelles… enfin si, une mauvaise : Aldrahn, chanteur de Dødheimsgard entre 1994 et 2004 qui était revenu pour cette sortie, a fait le chemin inverse en 2016. Pschiiiiiit. Bon, pour le nouveau Dødheimsgard, il va donc falloir patienter un peu… mais Aldrahn, de son côté, ne chôme pas. On pourrait parler de son projet The Deathtrip, fondé en 2007 mais qui a sorti son premier album Deep Drone Master en 2014, excellent opus où Aldrahn notamment accompagné du bassiste de Thorns revenait à des choses plus Black. Mais là aussi, pas vraiment de news, et c’est alors que Aldrahn revient du diable vauvert avec un nouveau projet. « Nouveau », pas vraiment, vu que Urarv existe a priori depuis 2003. Mais il n’avait rien sorti jusque-là, à l’exception d’un promo 3 titres en… 2016. Accompagné du bassiste Sturt (Troll, Whip) et de la batteuse d’origine canadienne Trish (Asagraum, Gestalte, ainsi que Craft et Nattefrost en Live), le trio Urarv débarque un an après sa première manifestation sonore sur Svart Records pour un premier full-length de 8 titres, Aurum. Aldrahn ne chôme donc pas même si beaucoup auraient peut-être espéré que Thorns repointe enfin le bout de son nez, après s’être constitué un line-up en 2007 (ça fait 10 ans quoi !). Après The Deathtrip, après Dødheimsgard, voici Urarv et son étrange logo. Pour faire du Dødheimsgard, sachant que The Deathtrip existe encore ? La réponse se situe pile poil entre les deux.
Vous l’aurez compris, Urarv va se situer musicalement entre le côté expérimental de Dødheimsgard et le côté plus Black et direct de The Deathtrip, ce qui peut sonner comme un raccourci facile mais c’est presque totalement vrai, tant on retrouve les caractéristiques des deux formations. D’ailleurs, Aldrahn reprend ici la guitare, pour un ensemble très norvégien, avec un côté mélodique et mystique renforcé par bon nombre de leads et d’arpèges inquiétants. Une ambiance avant-gardiste et psychédélique s’installe déjà grâce à ça, en plus des quelques incursions ambiantes ou tout simplement des breaks. Et bien sûr, la voix totalement hallucinée d’Aldrahn se pose là-dessus, pour une performance qui n’est déjà pas loin d’égaler celle de A Umbra Omega. Tour à tour frénétique, héritant donc du côté plus Black et accrocheur de The Deathtrip, et plus perché avec des moments bien enfumés, Aurum est un album complet qui fait bien le tour de l’univers d’Aldrahn en 49 minutes intrigantes, mais finalement peu surprenantes pour peu que l’on connaisse ce que font ces norvégiens allumés depuis 1998 et Satanic Art de Dødheimsgard. "Forvitringstid" (que c’est dur à écrire) démarre Aurum avec une mélodie douce mais tout de même bien psychédélique, avant que les compos lancinantes n’arrivent et les vocaux bien chtarbés par-dessus. A noter que tout au long de l’album, le bassiste Sturt a largement l’occasion de s’exprimer, ce qui est une bonne chose. Il accompagne bien des compos simples mais prenantes (et souvent pas mal mélodiques), qui commencent à s’exciter dès "Ancient DNA", morceau plus primitif, particulièrement norvégien en fait, avec de nouveau une démonstration de folie vocale, à la limite de la possession, par Aldrahn. Sans rien révolutionner, Urarv joue donc avec un minimum de réussite la carte du mi-chemin entre l’efficacité de The Deathtrip et l’inventivité de Dødheimsgard.
Mais c’est un peu le problème de Urarv, car au final Aurum est tout de même moins couillu que The Deathtrip et moins spectaculaire que Dødheimsgard, se retrouvant vite le cul entre deux chaises. Et du moment qu’on connaît l’art d’Aldrahn, on fait vite le tour de cet album. Qui recèle tout de même de bonnes compos et de bons moments, mais s’avère un peu répétitif et longuet, oscillant finalement en permanence entre riffing norvégien un peu cracra et mélodies un brin psychédéliques (remarquez à ce niveau le break bien rituel de "The Retortion"), souvent au sein même des morceaux d’ailleurs ("The Retortion" avec son intro bien lumineuse suivie de passages blastés, "Broken Wand" qui mixe mélodie et frénésie, le fleuve "Valens Tempel"). Après quand Urarv sort bien les grattes BM il ne le fait pas à moitié, "Guru" est bien incisif et blastant, le court "Fancy Daggers" déglingue bien et l’album se termine d’ailleurs sur le tournoyant "Red Circle", aux riffs limite Black’n’Roll qui ne s’arrêtent jamais jusqu’à l’outro finale. Et que dire de la performance vocale d’Aldrahn qui fait d’ailleurs une bonne partie du charme d’Aurum, entre ses cris hyper aigus sur "The Retortion", ses lignes délicieusement théâtrales sur "Broken Wand" et "Valens Tempel", ses hurlements à la Silencer/Bethlehem à la fin du même "Valens Tempel" et ses sifflements de taré sur "Fancy Daggers", il y a de quoi faire. Maintenant, Aurum ne pisse quand même pas très loin et la plupart de ses compos restent assez balisées, surtout quand elles partent dans un trip lancinant et primitif. Avec juste ce qu’il faut d’avant-garde et de psyché, Urarv n’en fait pas des tonnes, c’est tout à son honneur mais tout simplement, rien ici n’atteint la classe des derniers albums de The Deathtrip et Dødheimsgard, sauf pour les vocaux toujours géniaux d’Aldrahn. Ce premier album d’Urarv, bien fait dans l’ensemble malgré tout, s’avère quand même un peu anecdotique. Mais pour qui aime la branche la plus expérimentale du Black-Metal norvégien, Aurum est à posséder. En attendant du neuf du côté de The Deathtrip, voire Thorns, et bien sûr Dødheimsgard, toutefois sans l’excellent Aldrahn… à moins qu’il ne fasse un énième comeback.
Tracklist de Aurum :
1. Forvitringstid (5:33)
2. Ancient DNA (5:23)
3. The Retortion (5:36)
4. Broken Wand (7:28)
5. Guru (4:41)
6. Valens Tempel (8:26)
7. Fancy Daggers (2:48)
8. Red Circle (9:06)