La caution grunge du webzine.
Ces six dernières années, dans la sphère du Power Mélodique allemand, la popularité de Powerwolf n'a cessé de grandir tandis que la fan-base d'Orden Ogan semble en avoir pris un coup. Depuis l'explosion des prêtres-loups-garous en 2011 avec leur excellent Blood of the Saints, on ne parle que d'eux. A chaque nouvelle sortie, c'est la déferlante. Et bien que la qualité musicale de ce dernier soit indéniable, il faut reconnaître que la communication efficace de Napalm Records joue pour beaucoup dans l'adoration que certains auditeurs leur portent. Quand on y repense, le positionnement de la bande à Seeb tel qu'on le connaît aujourd'hui (un power mélo "épique" et très produit avec plein de choeurs) ne remonte qu'à l'album To the End qui a vu l'arrivée de Dirk à la batterie, membre désormais incontournable d'Orden Ogan. Ceci expliquant peut-être la différence de traitement médiatique entre ces deux mastodontes.
Depuis l'album-référence du groupe cité en introduction, chacune des sorties des Allemands possède une couleur différente. En 2012, To the End nous transportait dans un paysage hivernal plein de poudreuse où la voix cristalline de Seeb atteignait des sommets. Trois ans plus tard, on tombe dans les marécages avec Ravenhead, un opus un brin plus sombre et plus crasseux mais aussi expérimental sur bien des aspects (la batterie et les parties plus lentes de F.E.V.E.R, l'introduction torturée d'Evil Lies in Every Man narrée par une voix de vieille ou encore la présence d'instruments folkloriques et d'invités prestigieux). Mais il faut croire que Ravenhead n'était qu'une parenthèse dans la discographie d'Orden Ogan car même si les titres de ce nouvel album reprennent la recette du single F.E.V.E.R, Gunmen se rapproche bien plus de To the End... le charme en moins.
Seeb signe tous les textes de Gunmen et est à l'origine de la composition de presque tous les titres du disque avec Dirk, excepté les deux premières chansons (Gunman et Fields of Sorrow) auxquelles a participé le guitariste. Orden Ogan ne se mouille pas beaucoup sur cet album. Ça doit venir du fait qu'on soit en plein désert. L'oeuvre dure plus d'une heure, menée par des morceaux de cinq minutes qui donnent le tournis, à force de refrains répétés jusqu'à ce que l'auditeur se tire une balle dans la tête. Néanmoins, le disque propose un concept plutôt abouti, de l'artwork très graphique réalisé par Andreas Marshall (connu pour son travail d'illustrateur sur les Blind Guardian, Hammerfall et Running Wild) aux lyrics immersives qui font l'une des forces de cet opus, pour peu que l'on s'y intéresse. Par exemple, le poignant "I dug a grave for my wife" de Fields of Sorrow participe au climat sombre du morceau. Mais voilà, musicalement, rien ou presque, ne se rapporte à l'univers des cowboys hormis les trente premières secondes de Face of Silence où l'on a droit à un hors-la-loi et son cheval qui vagabondent dans une ville en pleine nuit. A ce propos, il est regrettable que le groupe n'ait pas pris la peine de composer une pièce instrumentale liée au concept. D'autant plus que le far west est un thème peu répandu dans le power mélodique...
Au niveau du chant, on peut reprocher au vocaliste de rester bien trop souvent dans sa zone de confort. Pire, on a l'impression que les choeurs ont fini par le remplacer ! C'est le cas sur Down Here (Wanted : Dead or Alive) - seule chanson où le quatuor a compris qu'il ne servait à rien d'alourdir le morceau de trois minutes en plus pour dire la même chose. Ce sont toutes ces faiblesses qui étrangement, font la force de morceaux épiques et engageants tels qu'Ashen Rain ou Gunman. Le premier constitue l'une des pièces maîtresses du disque, ou tout du moins, l'une des surprises. Parce qu'Orden Ogan parvient à créer quelque chose de nouveau dans le côté quasi-dansant des refrains de choeurs. Pour l'anecdote, l'un des choristes de cet album n'est autre que Nils, l'ex-claviériste du groupe. Quant au break, il a le mérite de sonner beaucoup moins artificiel que le reste de la tracklist par l'apport de cette guitare "larmoyante". On en oublierait presque la collaboration avec Liv Kristine (ex-Leaves' Eyes et Theatre Of Tragedy) mentionnée dans le livret sur Come with Me to the Other Side. Il faut dire qu'Orden Ogan n'a pas choisi une guest vocaliste au timbre très marqué. Ses lignes de chant sont d'une grande beauté, seulement, sa voix féminine étant très douce, cela fait vite oublier à l'auditeur sa participation (discrète) au disque.
Est la bienvenue, la petite pointe d'agressivité sur le final de Gunman où les membres du groupe répètent de manière énergique le nom du morceau, tout simplement car elle rejoint l'idée de vengeance développée dans les paroles. On a aussi quelques choeurs énervés sur One Last Chance mais de façon générale, ce sixième album est très accessible, plus que ne l'était Ravenhead. Beaucoup de titres anecdotiques et de mélodies aseptisées donc (Folorn and Forsaken, The Face of Silence, One Last Chance) malgré une très belle production ponctuée de guitares acoustiques, d'arrangements orchestraux à l'image du titre-éponyme de l'opus et de choeurs pas si clichés qu'on voudrait bien nous le faire croire. Mention spéciale à l'étonnant Finis Coronat Opus, premier titre d'Orden Ogan à contenir de l'hammered dulcimer et surtout un refrain chanté en latin : "Finis coronat opus - In nomine et ad honorem tenebrae", et ce, malgré une énième erreur qui a été celle de terminer le disque sur une impression de niaiserie.
Gunmen n'est pas un album qui déborde d'émotions, bien que la magie d'Orden Ogan opère sur quelques titres et surtout, sur le bonus DVD du concert au Wacken qui vaut le coup que l'on paie un peu plus cher pour se procurer l'édition spéciale. Autrement, Seeb, Tobi, Niels et Dirk sont des cowboys assez prévisibles. Ils tirent là où il faut, ça touche sa cible mais ce n'est pas spectaculaire. Ils surjouent parfois, et de la même façon que Powerwolf actuellement, s'ils continuent sur cette lancée, ils risquent de se parodier et de se reposer sur l'énergie des choeurs en occultant tout le reste. Le groupe semble plus à l'aise dans la neige qu'en plein désert...
Bonus DVD "Wacken"
Une setlist contenant principalement les titres les plus efficaces de Ravenhead parmi lesquels Here at the End of the World, Sorrow Is Your Tale et F.E.V.E.R. Un morceau de To the End seulement, mais qu'on aurait bien vu aux côtés des Gunman et Fields of Sorrow qui composent Gunmen ! Enregistré au Wacken 2016, la partie DVD redonne foi en Orden Ogan quand on se rend compte de la générosité des musiciens en live et de l'enthousiasme du public qui chante les choeurs de The Things We Believe In ("Cold, dead and gone").
Tracklist :
1 - Gunman (5:17)
2 - Fields of Sorrow (6:43)
3 - Folorn and Forsaken (4:48)
4 - Vampire in Ghost Town (6:16)
5 - Come with Me to the Other Side (Featuring Liv Kristine) (6:14)
6 - The Face of Silence (6:14)
7 - Ashen Rain (3:53)
8 - Down Here (Wanted : Dead or Alive) (3:15)
9 - One Last Chance (5:15)
10 - Finis Coronat Opus (8:48)