"Les vrais savent, les vrais font".
La virtuosité est une histoire de balourd disait Brassens… Une punchline de plus à mettre au compte des apophtegmes historiques du moustachu chantant ! En effet, pour un Van Halen, Malmsteem, Vai, Layne ou Satriani, combien y a-t-il de tristes besogneux qui n'arriveront jamais ne serait qu'à égaler la moitié du niveau technique de leurs modèles ? De plus, il n'est pas rare de les entendre râler, ces bons petits élèves, sur l'injustice de ne pas être reconnu malgré les heures de travail passées sur l'instrument. L'art est un amant capricieux qui délaisse parfois sa veuve opiniâtre au profit de la volage spontanée… il est comme ça le bougre. En n'oubliant pas de proposer des chansons plutôt que de simples descentes de manche les musiciens susnommés n'ont eux, jamais perdu de vue que la technique n'est pas une finalité. Un sinistre individu a un jour dit que la différence entre un guitariste de Jazz et de Rock était que le guitariste de Jazz jouait 10.000 accords devant 3 personnes tandis que le guitariste de Rock jouait 3 accords devant 10.000 personnes. Une blague caricaturale mais pas si éloignée que ça de la réalité. Et pourtant, avec trois accords en magasin et de très maigres connaissances harmoniques, une poignée de branleurs acnéiques perdus à l'autre bout du monde ont influencé des styles musicaux toujours actifs plus de trente ans après.
En 1988, le Metal underground commence à se montrer de plus en plus virulent et les premiers signes d'une radicalisation sans précédent percent via plusieurs disques. Le Thrash mute en Death Metal, les premiers archanges du Black Metal commencent leurs sombres rituels et le Punk perd complétement les pédales en accélérant le tempo de manière affolante. Le monde entier commence à voir le Metal couleur rouge sang et la Colombie n'est pas à la dernière à vouloir dégraisser le mammouth à la hache. L'environnement sociétal particulièrement hostile à ce type de musique anti cléricale et la réalité violente du quotidien ajoutent également à la dimension singulière de ce metal d'Amérique Latine, le terme extrême n'étant pas un vain mot chez eux. Nemesis donc, est un pionner de l'Ultra Metal colombien, et un de ces nombreux combos qui a fait du Metal extrême au moment où c'était pas ultra vendeur. Nous sommes en 1989, et les jeunes musiciens sortent leur première démo "Lo que siento por ti" sur un label indépendant. Neuf chansons, quarante sept minutes de folie furieuse et une cover bien roots : Un témoignage de rage, de rébellion et d'authenticité.
Comme souvent dans ce type de prod', la précision de l’exécution n'est pas la première des qualités mais l'énergie et l'intention sont absolument sans pareille. On pique à droite et à gauche des idées de riffs et des mises en place efficaces et on te mixe le tout avec des idées originales du groupe. Difficile en effet de passer à coté de certaines signatures très reconnaissables, le coté radical de Nemesis arrivant à les atténuer sans totalement les gommer. Les amateurs de la scène Sudaméricaine de la fin des années 80 aiment de toute façon cette dualité entre l'héritage des groupes majeurs des 80's et le parfum de tout ce qui va exploser quelques années plus tard en Europe et aux Etats-Unis.
Certains riffs sont donc carrément précurseurs pour l'époque et on se prend même à penser à certains combos qui n'existait pourtant pas encore. Le chant en Espagnol allié aux thématiques particulières évoquées par le groupe (nous aurons l'occasion d'en parler avec eux dans une interview à venir) alimentent ce parfum particulier qui donne à ce "Lo que siento por ti" un charme rugueux. Remasterisé et réédité cette année par Epidemia Records, cet album, monument de la jeune scène colombienne de la fin des années 80 est un parfait allié pour déclarer votre flamme à votre élu(e)... ou déclarer la guerre à votre voisin.
Tracklist:
1. Amor asesino
2. Demonio humano
3. Estás muerto
4. Hombre: oveja negra del universo
5. Guerra astral
6. Hacia la nueva Jerusalén
7. ¿Qué será de mi alma?
8. Cuerpo, tumba del alma
9. Tierra de crucificados