L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.
Adagio est de retour ! Le groupe de Stéphan Forté aura mis huit ans à sortir le successeur d'Archangels In Black, soit une éternité dans une sphère metal qui semble être entre temps entrée en éruption. Non pas que Forté soit resté inactif : le gaillard a sorti deux albums entre temps et a déjà prouvé plusieurs fois au cours de sa carrière sa capacité à intégrer (avec plus ou moins de bonheur) des éléments modernes à sa musique néoclassique ; autrement dit, ce nouvel Adagio, on ne s'attendait pas à le voir ancré dans le passé et dans un style qui est il faut le dire tombé en désuétude. Reste qu'après huit ans d'absence (et très peu de présence live entre temps!), il vaut mieux ne pas se louper.
Pour ce Adagio version 2017, Forté a débauché un des chanteurs-mercenaires les plus célèbres de la scène power, déjà brièvement passé au sein du groupe en 2007 pour quelques shows : Kelly « Sundown » Carpenter (compagnon, pour le détail, de la nouvelle chanteuse de Nightmare, la Belge Magali Luyten), qui avait notamment effectué un intérim de luxe (et de qualité) au sein de Firewind. Carpenter fait partie de ces chanteurs de power de « l'école Dio », soit qui impressionnent par leur coffre et leur justesse permanente plutôt que par des envolées à la Halford – une catégorie dans laquelle on pourrait classer un des autres « mercenaires de luxe » de la scène, Màts Leven, passé lui aussi par Adagio mais aujourd'hui bien installé et épatant au sein de Candlemass. Bref, la pioche paraît bonne et on sait au moins que l'homme saura s'adapter à la musique du groupe.
Autre arrivée au sein du groupe : une violoniste à temps plein, Mayline, qui amène une touche parfois solennelle, parfois orientalisante mais se retrouve au final un peu reléguée au second plan, la musique de Life étant riche en claviers dont la nouvelle venue ne parvient que trop peu à se démarquer. L'ambiance orientale, toutefois, est constatable tout au long de cet album, notamment sur ce fameux Subramahnya typé hindou... et ses riffs djent. Le mot est lâché : comme sur chaque album d'Adagio depuis Underworld, Forté a intégré à Life des éléments modernes lui permettant de s'inscrire dans son époque -et on sait à quel point le metal progressif se « djentise » ces dernières années, ou, pour éviter ce terme voulant dire tout et n'importe quoi, à quel point les rythmiques syncopées sont à la mode. « Le djent, c'est le metal progressif d'aujourd'hui », déclare même le maestro d'Adagio dans une récente interview donnée à Metalorgie, et on ne peut pas lui donner tort. Et musicalement non plus, le résultat ne lui donne pas tort : les riffs modernes que balance ici Forté, s'ils sont loin de révolutionner le genre, sont loin de faire tâche et sont justement assez assumés pour ne pas être que cosmétiques (le titre éponyme qui ouvre l'album en comporte ainsi sa large part aussi). Surtout, ils ne défigurent pas la musique du combo et les fans d'Adagio retrouveront ici ce qui a fait le succès du groupe.
Ainsi, malgré quelques incises plus modernes, Adagio reste capable d'envolées mélodiques à la fois magnifiques et techniquement épatantes, comme ce passage très progressif sur The Ladder où Frank Hermanny et sa basse remuante répondent au solo mélodique de Forté. Hermanny est d'ailleurs très en vue tout au long de l'album, son jeu très technique pouvant se faire jazzy comme sur le superbe The Grand Spirit Voyage, sur lequel Carpenter brille lui aussi de mille feux.
Parlons d'ailleurs brièvement de la performance de Kelly « Sundown » Carpenter, qu'on aurait pu imaginer relégué au rôle d'exécutant et qui s'avère au final être un des grands points forts de Life. C'est bien simple : sa performance est époustouflante de bout en bout. Sans jamais tomber dans la démonstration inutile, Carpenter ne place aucune note à côté, accompagnant les ambiances orientalisantes et mid-tempo de Life ou Subramahnya avec à-propos et en modulant avec talent mais en s'octroyant également quelques passages plus agressifs, comme sur le déroutant Darkness Machine et ses couplets hachés qui ne convainquent pas forcément mais permettent de varier le propos. Impossible également de ne pas évoquer le fascinant I'll Possess You et son atmosphère quasi-vampirique, inquiétante ballade et un des seuls titres sur lequel la violoniste Mayline est mise à contribution.
Si Adagio ne livre pas l'album de l'année avec Life (et probablement pas l'album que les fans retiendront comme le plus réussi de Forté), le groupe fait tout de même un retour totalement réussi après une longue absence. Trop longue, peut-être, pour revenir au premier plan – mais Stéphane Forté a pour lui l'intégrité d'avoir mis le temps qu'il souhaitait après avoir refusé de sortir un album plus « commercial », comme demandé par sa maison de disques. On est curieux de découvrir ça en live.
Tracklist:
1. Life (9:12)
2. The Ladder (6:22)
3. Subrahmanya (6:53)
4. The Grand Spirit Voyage (5:58)
5. Darkness Machine (5:40)
6. I'll Possess You (5:46)
7. Secluded Within Myself (5:46)
8. Trippin' Away (5:52)
9. Torn (4:36)