Dour Festival 2017 - J4 et J5
Plaine de la machine à feu - Dour
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Après ces trois jours qui auront pu désorienter certains de nos lecteurs, le samedi qui s’annonce sous la Caverne nous ramène vers des sentiers plus habituels, plus Metal, avec notamment les prestations d’Amenra, Alcest, Nostromo et Igorrr. Mais que voulez-vous, nous sommes à Dour, donc on parlera également des concerts de Carpenter Brut, Lorenzo et PNL...
Dès le matin, on aura pu constater l’évolution du dispositif de sécurité. Simple et rapide les premiers jours, (il suffisait de scanner son bracelet et présenter sa carte d’identité), il est désormais digne d’un contrôle à l’aéroport avec fouille et portique de sécurité, même pour les bénévoles et accrédités. Un défi majeur pour les festivals qui nécessite d’importants effectifs et réajustements, comme on aura pu le constater. D’autant plus que ce samedi compte l’affluence la plus grande attendue sur le site de la Plaine de la Machine à Feu.
Un site sur lequel on pouvait trouver de nombreuses animations et stands cadeaux. Celui de Proximus (opérateur téléphonique belge) – le plus imposant - permettait de recevoir une casquette après avoir enregistré une vidéo d’une dizaine de secondes sur un morceau de ton choix (hum...) où tu dois faire le débile avec ton pote et les éléments gonflables à disposition. Celui de SPA (eau minérale) te donnait l’occasion d’utiliser tes déchets comme monnaie de machine à sous pour remporter la plupart du temps des bonbons à la menthe. Plus inattendu, des hommes-éviers ambulants te lavaient et massaient les mains le matin. Pas désagréable.
Le matin est très calme car les nuits sont longues à Dour et le camping festivalier est très vivant.
Trêve de flânerie, retour sur le samedi...
Oathbreaker
La Caverne
14:55
Florent : Nous voilà donc arrivés, après trois – très agréables - premières journées de « prise de contact » avec le festival, à ce fameux samedi qui nous a tapés dans l'oeil et convaincus de venir découvrir la Plaine de la Machine à Feu. Il faut dire que si la Caverne a été particulièrement sous-employée (osons même le terme : cheap à crever) jusqu'à ce jour, le samedi sur cette scène est tout bonnement incroyable de qualité et au final d'originalité. Avec d'entrée de jeu une des perles de la scène belge : les incroyables Oathbreaker qui viennent défendre leur nouvel album Rheia à un horaire un peu frustrant – public un peu clairsemé, ambiance pas forcément adaptée à leur metal mâtiné de black, de hardcore et de post-bidule... mais d'emblée, je me retrouve scotché. Ou plutôt englouti par l'enchaînement de cette intro typée « comptine glauque » avec le terrible Second Son of R., qui voit Caro lâcher les chevaux et nous faire ressentir tout son mal-être. Malheureusement, Oathbreaker est un groupe qui, s'il reste très bon musicalement, repose surtout à mes yeux sur la voix de ce petit bout de femme capable de faire se hérisser les poils tant par ses hurlements écorchés que par son chant clair susurré. Ce qui est forcément un problème quand ce chant se voit affecté d'un son au final aussi aléatoire : on n'entendra Caro que dans les passages les plus virulents du set, son chant clair passant totalement à la trappe. Le magnifique Being Able to Feel Nothing en perd beaucoup de sa saveur et ce sont au final les extraits des albums précédents, que je ne connais tout simplement pas, qui ressortent le plus du lot. Un concert très frustrant pour ma part.
Nostalmaniac : Bien que j’aurais également préféré voir Oathbreaker un peu plus tard, il faut dire que c’est une solide mise en jambe. L’affluence n’est pas grande mais la plupart savent ce qu’ils sont venus voir. Le concert commence avec l’intro de « Rheia » (10:56) paru l’an dernier et qui leur a permis de gravir un échelon. La voix faussement innocente/vraiment désenchantée de Caro Tanghe nous plonge d’emblée dans leur univers sombre et tourmenté. Son chant clair glauque et ses cris donnent de la profondeur à leur Post-Black Metal transfusé d’influences Hardcore (...ou l’inverse). Un titre comme Immortals est implacable en live avec son break lancinant et son final intense. Avec Oathbreaker, il ne faut pas s’attendre à un groupe expressif. La musique fait bloc et le public est attentif. Comme vous l’aurez compris, il est difficile d’instaurer une ambiance aussi tôt dans la journée mais les Gantois s’en tirent avec les honneurs pour leur premier passage au festival de Dour.
BRUTUS
La Caverne
16:45
Florent : Après avoir loupé de manière un peu coupable le screamo-shoegaze racé de Mont-doré en ouverture de la Caverne, je tiens à rester scotché à la scène (métaphoriquement, n'étant pas fan des concerts en barrière) et assiste au set intrigant de BRUTUS et de sa chanteuse-batteuse. BRUTUS, c'est – je cite le festival lui-même – une musique passant « du shoegaze au punk-hardcore en passant par le math rock et le black-métal ». Le tout avec comme style cités sur le côté « brutal death, stoner rock, psychedelic rock ». En gros : du grand n'importe quoi sur lequel on s'efforce de foutre une étiquette. Un conseil : abstenez-vous de « classer » un groupe si c'est pour ne faire que du genre-dropping. Bon, et sinon, ça donne quoi, BRUTUS (en majuscules, donc) ? Pour ma part, je vais le confesser : comme je le soupçonnais à la lecture de l 'étiquetage, je n'ai rien compris. Déjà, à mes yeux, deux personnes au monde savent jouer de la batterie et chanter : Phil Collins et Brann Dailor. Bon, ok, et Proscriptor McGovern (Absu), mais encore, j'avais trouvé ça décevant en live. Là encore, je ne vois pas trop ce que le tout a d'utile, même si Stefanie Mannaerts a clairement du talent. Bref, vous l'aurez compris, le set m'aura laissé particulièrement de marbre.
Nostalmaniac : Si j’aime étudier les groupes que je connais peu et que je m’apprête à voir, j’aime aussi garder une certaine part de découverte et de surprise. Et c’est le cas avec BRUTUS. Jacques de Pierpont dit Pompom (notre Tonton Zégut belge) nous présente le trio originaire de Louvain comme un gros mélange Black/Death/Punk/Shoegaze. Gné ? C’est donc tambour battant que démarre leur set. Ce qui attrape l’œil puis l’oreille, c’est leur batteuse-chanteuse en maillot de basket, véritable attraction avec sa batterie en biais sur la scène. Beaucoup de skills mais surtout de gestuelles, assez pour que les deux autres musiciens passent au second plan. Musicalement, on ressent une énergie très punk et une abondance extrême d’influences pour un résultat très frontal. Les titres s’enchaînent sans qu’on retienne grand-chose si ce n’est la présence scénique de la batteuse sous le regard admiratif de la partie féminine du public. Stefanie Mannaerts aura t-elle ouvert des vocations après le festival ? En tout cas, après Caro Tanghe d’Oathbreaker dans un autre registre, voilà un talent féminin qui peut briser les clichés éculés. Néanmoins, à part cette débauche d’énergie pure il manque ce petit quelque chose dans les compos pour me donner envie de creuser ça.
Nostromo
La Caverne
18:30
Florent : Ce ne sera pas le cas du groupe suivant, Nostromo, reformé récemment (2016) et qui fait plutôt parler de lui ces derniers temps, notamment pour ses live furieux. Si sur album, le grind/punk hardcore des Suisses n'est pas ma tasse de thé, ils vont balancer un des rares (le seul?) concerts du week-end sous la Caverne qui fera réellement exploser la foule avec un pit digne de ce nom. Du coup, parce qu'il faut bien se dérouiller un peu, moi et mon torticolis y sautons, juste le temps de nous en faire éjecter pour être envoyés par la case Croix-Rouge. « Vous vous êtes bloqué la nuque, monsieur ? Au concert d'à côté ? Et vous aviez déjà un torticolis avant d'aller faire le fou? C'est très con, ça, vous savez ». Oui, je sais. Merci m'dame.
Nostalmaniac : Début 2000, je me souviens que le nom de Nostromo circulait pas mal alors que des Linkin Park et Limp Bizkit envahissaient les ondes et les écrans (MTV, MCM) des kids dont je faisais partie. Onze ans après leur séparation, la reformation des Suisses n’est pas passée inaperçue et ce n’est pas surprenant tant il aura marqué une génération. Un Hardcore/Grindcore vénère et hargneux qui gardait un pied dans le old school et un autre dans la modernité. C’est ce qui faisait leur particularité. N’ayant pas accroché à l’époque (le Black Metal débarquant dans mon parcours comme un amour exclusif), je ne m’attendais pas à passer un bon moment, et pourtant. Si j’ai du mal avec certains passages plus typés Metalcore, leurs riffs percutants font le boulot et donnent envie de se mêler au joyeux mosh pit (hein Florent). Des morceaux nerveux, des breaks tonitruants et un chanteur toujours autant passionné/pas content. Un groupe expérimenté vraiment taillé pour le live qui – en prime - nous gratifiera de reprises bien senties (« Corrosion » de Nasum et « Twist The Knife (Slowly) » de Napalm Death). La double fait trembler mes organes internes et je ressors du pit en sueur. Mais c’est le jeu : de la sueur et pas de larmes pour son retour, Nostromo a offert un set sans concession.
Alcest
La Caverne
20:00
Florent : Heureusement que la suite est parfaite pour se remettre de ses émotions. La suite, c'est Alcest, que je vois pour la deuxième fois en quelques semaines après le Graspop. Pas de changement dans la setlist mais, et c'est une bonne chose, un son presque aussi bon que sous le Metaldome du GMM qui permet d'apprécier ce set lors duquel Neige me paraît encore plus en voix, notamment au niveau du chant clair, plus juste. Le set fait la part belle à Kodama, magnifique dernier opus du groupe, avec trois extraits (l'éponyme et les déjà classiques Oiseaux de Proie et Eclosion ; j'aurais aimé entendre Je Suis d'Ailleurs, joué en début de tournée), mais n'oublie pas quelques sacrés classiques avec les extraordinaires Là où naissent les couleurs nouvelles et Percées de Lumière. Et surtout, SURTOUT, seule différence par rapport au concert du Graspop, Alcest ponctue cette fois son set par ce que je considère comme son meilleur morceau, et de loin : l'incroyable Délivrance, issu d'un Shelter cruellement mésestimé. Un grand moment, une fin de concert tout en émotion et un des highlights du week-end. J'espère toutefois un changement, même mineur, de setlist au concert d'octobre avec Anathema, à Lille.
Nostalmaniac : L’enchaînement est particulier mais c’est bien Alcest qui s’installe sur scène. C’est la première fois que je vois en live Alcest et je ne vais pas dire que c’est ma plus grosse attente. Déjà parce que j’avais décroché depuis « Souvenirs d'un autre monde » (2007), m’intéressant alors de plus en plus à un Black Metal plus raw et haineux. C’est avec du recul et plus de maturité que j’ai appris à apprécier « Écailles de lune » et le dernier « Kodama ». Du coup, leur post-rock lunaire et contemplatif teinté de Black Metal atmosphérique avait de quoi laisser rêveur en live. Rêverie et évasion, ce sont les mots qui me viennent à l’esprit dès les premiers morceaux. Quelque chose plane au-dessus, comme un voile de mystère. Une impression renforcée par les interventions de l’introverti Neige qui remercie le public présent très attentif. « Là où naissent les couleurs nouvelles » que je ne connaissais pas est juste magnifique. Les guitares sont bien dosées, ce qui immerge un peu plus dans les compositions touchantes de la formation française. Toute la difficulté étant de ne pas perdre le fil au risque de retomber sur terre mais avec une doublette finale « Percée de lumière » / « Délivrance », on grimpe encore plus haut. Les yeux fermés ou ouverts, les sourires sont en tout cas sur tous les visages. Comment ça j’en fais trop ? Non, je pense vraiment que chacun s’est dit qu’il vient de passer un superbe moment d’une heure. « Délivrance » étant un magnifique épilogue avec ce final vaporeux. Il fait encore jour mais la Caverne est déjà sous les étoiles. A revoir...
Igorrr
La Caverne
21:30
Florent : On reste sous une Caverne à la programmation décidément démente en ce samedi avec un des concerts que j'attends avec le plus de... curiosité, si pas d'impatience : Igorrr. La musique d'Igorrr me plonge toujours dans des abîmes de perplexité. Parce qu'au delà du barge total et de titres de chansons qui me font crever de rire (Va te foutre, Tout Petit Moineau, Very Long Chicken, Robert, Cheval, bref, je pourrais tous les citer), au delà du grand bazar foutraque entre breakcore, metal extrême et chant lyrique qui s'avère au final composé avec une cohérence épatante, Igorrr réussit parfois à me filer le frisson. L'étincelle de génie est toujours là, comme sur l'accordéon de ce Cheval qui fait danser la Caverne, comme sur ce Tout Petit Moineau qui permet à Laure Le Prunenec de continuer à étaler sa technique vocale irréprochable. La chanteuse est l'attraction du concert, encore plus que Laurent Lunoir et ses hurlements d'échappé de l'asile (eux aussi reproduits à la perfection). Bien sûr, il est possible de ne voir en Igorrr qu'un défouloir complètement zinzin, parfaitement adapté à un public à la fois de metalheads qui peuvent headbanger sur Spaghetti Forever ou Excessive Funeral et de fans de breakcore ou musique un peu plus typée « Dour » (d'où le gros succès du groupe qui blinde la Caverne). Mais pour peu qu'on essaie, à ses risques et périls, de creuser un peu plus, on se retrouve fasciné par cet univers comme par un freak-show à l'ancienne. Plus qu'un concert, Igorrr en live a un côté performance d'art contemporain. A revoir sans modération.
Nostalmaniac : OVNI dans le paysage metal extrême francophone, Igorrr a su se faire respecter et sa réputation a franchi l’Atlantique avec une signature chez le réputé label américain Metal Blade Records. Rien que ça ! Vu l’audience, il semble que le premier passage à Dour de la bande à Gautier Serre (en 2014) a marqué les esprits et que tous en redemandent. J’arrive en cours de set et me place en fronstage pour me prendre la déferlante. Car c’est bien de déferlante dont il s’agit, aussi bien musicale que visuelle. Gautier incarne sa créature aux airs de Mortiis à la perfection et Laure Le Prunenec (Öxxö Xööx) est intenable, se frottant plusieurs fois aux premiers rangs. Un véritable tour de force scénique qui ne laisse personne insensible, même les agents de sécurité dansent (l’intro à l’accordéon de « Cheval) »). Ce mélange de breakcore, trip hop, dubstep et de métal extrême est totalement fou, désorientant. Comme Dour en fait. Des titres comme « Excessive funeral », « Tendon » ou le bien connu « Tout petit moineau » (assez impressionnant de voir cette maîtrise vocale de Laure après une telle débauche d’énergie) prennent incontestablement aux tripes. Mindfuck, génie musical. Igorrr c’est le genre de groupe que tu adores ou que tu détestes profondément. Dans tous les cas, en live c’est perché, survolté et l’heure de live passe à la vitesse grand V. Un excellent concert !
Amenra
La Caverne
23:00
Florent : Quand y'en a plus, y'en a encore sous la Caverne. Et non des moindres car c'est au tour d'un autre groupe belge, AmenRa, de venir balancer son post-hardcore noir comme la poix pour la sixième fois sur la Plaine de la Machine à Feu. Difficile pour moi d'aussi bien décrire leur concert que le fait mon compère Nostal', ne connaissant pas grand chose du groupe sur album, mais quoi qu'il en soit, question probablement d'ambiance clairement pas adaptée à leur musique, le groupe de Colin Van Eeckhout ne m'aura jamais vraiment embarqué. Malgré une scénographie soignée, un chanteur habité et des morceaux lancinants, je suis comme resté à l'extérieur du concert, spectateur d'un set dont j'espérais presque devenir acteur à mes dépens, me prenant la décharge d'émotion brute pour laquelle les Courtraisiens sont réputés. Un coup dans l'eau pour moi.
Nostalmaniac : Près d’un an après leur concert mémorable au Motocultor, je me réjouissais de revoir le combo courtraisien qui s’apprête à sortir un nouvel album. Même si le groupe est belge, et qu’il n’est plus question pour eux d’arrêter les live comme le laissait penser une interview, c’est ma plus grosse attente du festival. Un concert d’Amenra c’est plus qu’un concert. C’est une sorte de rituel pour lequel je me mets dans ma bulle. Leur tripod emblématique apparaît sur scène, puis c’est leur logo qui bénéficie d’un joli effet de fumée avec le projecteur. Bien que je sois dans ma bulle, le groupe se fait attendre mais dès que résonnent les premières notes de « Thurifer », c’est la plongée dans les ténèbres. Pour réellement apprécier Amenra, il faut être prêt à prendre sur soi. Prendre sur soi cette lourdeur, cette noirceur débordante. La projection sur scène avec des images en noir et blanc de bâtiments religieux et de nature y contribue beaucoup aussi. Comme vous l’aurez compris en lisant l’interview dans nos pages, il ne fallait toutefois pas s’attendre à un titre inédit. Pas non plus à la même setlist qu’au Graspop Metal Meeting. La plongée abyssale qu'est « Aorte. Nous Sommes Du Même Sang » avec son intensité suffocante me sera gâchée comme une bonne partie du concert par une dizaine de teufeurs qui s’amusent à pogoter juste à côté et qui essayent d’en entraîner d’autres avec. Alors non, j’ai rien contre le pogo mais sur Amenra, ça ne s’y prête tout simplement pas pour les raisons que j'ai données. Bien que j’ai compris que ces gars s’en foutaient de la musique et de ceux qui étaient là pour ça. Agacés, certains leur font comprendre que c’est pas le lieu ni le moment. Pas de gros dérapage mais un véritable agacement que je comprends fort bien. Oui, bien sûr, c’est Dour, le mélange des genres, tout ça. J’ai bien vu une tentative de Circle pit sur All Them Witches la veille, bon. Cependant, il y a six autres scènes pour faire la teuf et je n'’ai rien vu de tel durant les sets de Alcest et Oathbreaker (heureusement...). Difficile donc de me replonger vraiment dans le set même si « Nowena | 9.10 » (avec l’intro en voix clair) me captive. Dos au public, Colin est vraiment habité par ses paroles. Ces riffs lancinants, cette voix d’écorché. Je préfére fermer les yeux et me concentrer sur la musique malgré l’agitation à coté de moi. La prestation se termine avec « The Pain. It Is Shapeless » aussi grandiose que tragique et obscur. Pas de « Boden » dans la setlist, étrange. Cependant, ravi de la prestation. J’adore Amenra sur album mais le live donne une dimension supplémentaire, surtout quand ce n'est pas gâché par quelques gars qui ne comprennent rien à ce qui se passe.
Carpenter Brut
La Caverne
00:30
Florent : Le changement total de sujet (« sans transition », aurait dit la marionnette de PPDA) entre AmenRa et la synthwave dansante de Carpenter Brut laisse franchement rêveur. Pouvait-on faire décalage plus total ? Difficilement, en tout cas sur une seule et même scène thématique. Pourtant force est de constater que Carpenter Brut va fédérer un paquet de monde et ce malgré la concurrence rude (et au final des publics qui peuvent se recouper) de Die Antwoord, qui commencera son set vers la moitié de celui du « groupe » (projet de Franck Hueso) français. Mais il faut reconnaître que Carpenter Brut en live, ça a la réputation d'être de la bombe... et que c'est mérité ! Sans être un grand connaisseur de leur musique, je m'écoute assez régulièrement le jouissif Trilogy, sorte de recueil de mélodies dancefloor sombres qui donnent envie de se trémousser de manière tout sauf metal. Et à mon plus grand bonheur, tous les « hymnes » de Trilogy sont balancés ici par un line-up live parfaitement en place – gros plus par rapport à ce qu'aurait donné « simple » DJ set. On se prend ainsi à remuer du popotin sur l'irrésistible Disco Zombi Italia (mon coup de coeur) et les tubes Turbokiller ou Roller Mobster. A vrai dire, Carpenter Brut balance là un set qui ne souffre franchement d'aucun défaut : lights impressionnants, exécution parfaite, petits clips diffusés à l'arrière qui plongent dans une ambiance rétro-gore plutôt immersive et, bien évidemment, la gigateuf dans le public jusqu'au final sur Maniac dont les paroles sont diffusées sur l'écran pour assurer l'effet karaoké géant. Quand je vois la puissance qu'arrive à mettre Carpenter Brut en live sous un chapiteau et devant un public probablement en partie là par hasard, je suis assez curieux de voir ce que ça donne en salle (les mecs avaient notamment fait sauter les plombs du Magasin 4, à Bruxelles, voilà un an ou deux maintenant).
Nostalmaniac : Tiens, l’an dernier au Motocultor, je n’avais pas su (ou plutôt voulu) enchaîner Neurosis-Carpenter Brut-Amenra. Ici le placement est plus judicieux pour ce qui s’apparente à une after titanesque. Que dire de plus que l’ami Florent avec lequel je suis d’accord pour une fois (non mais oh! ndF) ? Pas grand-chose. C’est la giga teuf. La projection sur l’écran avec les films d’horreur fictifs de série B est vraiment génial. La présence de véritables musiciens (batterie, guitares) donne du coffre. Un show maitrisé et intense. Mentions spéciales pour ma part à « Le Perv » et ce « Maniac » de folie dont le refrain est repris par tous. Excellent du début à la fin. Taillé pour le live et des plus petites salles, Carpenter Brut est aussi une machine bien huilée en festival.
Die Antwoord
The Last Arena
01:00
Florent : De puissance, il en sera encore question une fois que je serai devant la fin du set de Die Antwoord vers lequel je me précipite sur la Last Arena. Ou plutôt... de manque de puissance, car durant les vingt minutes de set auxquelles j'assiste depuis un peu plus loin que la régie, le son est terriblement faible. Babies on Fire, c'est quand même censé pulser un peu, non ? Hé bien non. Pas plus pour le pourtant culte I Fink U Freeky dont le fameux « Jump motherfucker jump motherfucker jump » ne me fera même pas remuer la tête. Ah, et au passage : Yolandi chante en playback la majeure partie du temps. Voilà. Et pour ceux qui me disent qu'il fallait être devant pour apprécier, je répondrai : un bon concert doit être appréciable de la barrière au bout de l'audience (c'est d'ailleurs généralement à ça que je distingue un vrai bon concert d'un concert kiffé par les fans qui ont le nez dessus et pas de vue d'ensemble).
Perturbator
La Caverne
01:50
Florent : Heureusement, après cette déception que je sentais honnêtement arriver, c'est au tour de l'enjaillement du week-end, du concert de mon festival, d'un grand moment : Perturbator. Un artiste évidemment bien connu des lecteurs de Horns Up et qui commence à prendre une sacrée ampleur auprès des amateurs de metal, pour son passé dans la scène black parisienne mais surtout pour sa musique électronique très sombre qui est tout à fait dans l'esprit à la fois de notre musique de prédilection et de cette Caverne flambant neuve. Pour le coup, James « Perturbator » Kent est seul sur scène et tout se jouera sur ces lights incroyables et parfaitement calés sur sa musique... ainsi que, bien sûr, sur la qualité de ses compositions qui ne souffre aucune contestation. Derrière son impressionnant « pupitre » futuriste, l'artiste balancera en effet ce qu'il peut offrir à la fois de plus dansant (les récent Neo Tokyo et Disco Inferno, le bien nommé Future Club qui donne l'impression d'être attablé au Purgatory Bar de la Citadelle dans Mass Effect) et de plus énergique, comme le dévastateur Human are such easy prey avec son intro tirée de Terminator (« It can't be barguained with, it can't be reasoned with, it doesn't feel pain or remorse or fear and it absolutely will not stop... Ever ! Until you are dead ») et sa sombre montée en puissance, épique au possible. J'ai rarement autant trippé pendant un concert que pendant ce set de Perturbator, qui a parfois pu rappeler celui de Carpenter Brut un peu plus tôt (Sexualizer et son groove très retrowave/eighties) mais s'en est tout de même distingué par une ambiance beaucoup plus sombre, du genre que je m'imagine retrouver dans une boîte underground du Berlin industriel ; pas pour rien si l'électro sombre « à l'allemande » est une des rares à m'avoir parfois touché avant que je ne découvre toute cette scène retro/synth/darkwave pour laquelle je me suis pris d'intérêt alors qu'encore aujourd'hui, l'électro « classique » et ses ramifications ne me font généralement rien ressentir. Le prochain EP de James Kent, annoncé récemment pour octobre et déjà teasé par le lourd et oppressant Tactical Precision Disarray, promet d'être le plus sombre qu'il ait jamais sorti ; hâte à la fois de le découvrir et de revoir l'homme dans une salle plus intimiste.
Nostalmaniac : Configuration plus réduite pour James Kent qui n'aura pas à soufrir de la comparaison avec Carpenter Brut grâce à son jeu de light sur scène et l'enchainement de titres redoutables ("Disco Inferno", "Future Club", "She Is Young, She Is Beautiful, She Is Next", "Sexualizer", "Satanic Rites", "Humans Are Such Easy Prey", etc). Un véritable dance floor sous le chapiteau de la Caverne très bien rempli. Le public est conquis, moi aussi.
Florent : Après la finesse de Carpenter Brut et Perturbator, place maintenant à la lourdeur et la beauferie absolues de Casual Gabberz. Du gabber, donc. Boum boum boum boum boum boum. Tous ceux qui faisaient du jumpstyle il y a 10 ans et ont souffert pendant longtemps de cette passion tombée en désuétude (et bordel, c'est qu'il y a l'air d'y en avoir un paquet) sortent de leur léthargie pour venir exploser le plancher de la Caverne. Nous, on fuit. Vite. De toute façon, on entendra tout aussi bien tout ça du camping.
Nostalmaniac : Une journée qui a commencé tôt et se finit tard pour nous (aux alentours de 4h). On aura pu apprécier le son très bon sous la Caverne pour chaque groupe et le timing très bien respecté – festival oblige. C’est aussi la journée la plus fréquentée où il était moins agréable de se promener (les nuages de poussières font leur apparition) et de s’attarder entre les scènes. Cependant, avec un peu de patience il était toujours possible de se glisser dans le très agréable bar de la petite maison dans la prairie. Misanthro-quoi ?
Dimanche
Florent : Après un tel samedi, difficile de se remettre en selle pour le dimanche quand on en regarde le line-up et j'en profite pour souligner ce point : pourquoi faire du samedi le seul jour véritablement touffu sous la Caverne ? Pourquoi rendre, par comparaison (inévitable), tous les autres jours terriblement cheap en comparaison à ce samedi de haute volée ? La scène la plus rock du festival mérite-t-elle moins d'attention par rapport à une Jupiler Boombox qui n'a pas désempli du week-end ou une Petite Maison dans la Prairie qui a toujours été une des scènes « classiques » de Dour ? Un petit peu d'imagination et de culot auraient pu éviter que le public venu le samedi pour squatter la Caverne ne prenne un pass un jour mais ose finalement acheter son ticket combi, découvrant alors – comme nous le faisons – l'ambiance du festival, y flânant et s'y attachant. En mettant le paquet le samedi, Dour a certes fait le plein ce jour précis mais a probablement loupé l'occasion de faire venir les amateurs de metal/rock/affiliés un peu curieux pour plus qu'une seule journée. Mais hélas, quand je vois le traitement réservé à la Caverne dans les aftermovies depuis la fin du festoche (c'est-à-dire une absence quasi totale), je comprends que les styles qui y sont défendus ne sont pas forcément les plus appréciés ou connus de l'orga. Dommage mais pas inéluctable à l'avenir.
La journée commence dont sur le set des Californiens de Meatbodies, nouveau jeune loup de cette inépuisable vague rock psychédélique qui n'a pas le petit truc en plus qu'on peut retrouver chez All Them Witches, la faute surtout à un chant un peu crispant. Reste qu'instrumentalement, on est dans le très haut niveau, avec de longs passages planants et impressionnants techniquement.
Mais ce ne sera rien à côté du moment « what the fuck » absolu que je m'apprête à vivre en face, pour ce qui sera (ironiquement) mon seul vrai passage à la « Petite Maison dans la Prairie ». Une scène où commence le concert de Big Freedia, le Queen Diva. Bon. Je commence par quoi ? La perruque du chanteur, travesti complètement zinzin à la voix tout ce qu'il y a de plus grave et masculine ? La musique, répétitive et épileptique, qui donne envie de fuir et de shaker son booty en même temps, ou encore la danseuse et... le danseur qui, effectivement, passeront leur concert à twerker devant le regard mi-amusé, mi-effaré (voire en plus mi-admiratif et mi-incrédule pour ceux qui, comme moi, sont plusieurs dans leur tête) d'un public clairsemé ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. J'ai vécu avec Big Freedia une expérience hors du temps, le genre de moment qui peut laisser des séquelles sur les âmes les plus fragiles. J'ai peur. Plus peur que pendant un concert de black metal sataniste. Et je fuis pour reprendre mes esprits avant Lorenzo, pas forcément plus sain d'esprit.
Parce que oui, ce dimanche contient son lot de grand n'importe quoi et le concert de Lorenzo en sera peut-être le point culminant. Vous ne connaissez pas Lorenzo ? «L'empereur du sale » pratique un rap second degré volontairement vulgaire et d'un cynisme mordant, détournant les codes des rappeurs modernes avec un humour qui me rappelle sans honte Fatal Bazooka (cette devanture de kebab pour décor de scène, cette création de personnage de A à Z), en plus trash toutefois. Lorenzo raconte n'importe quoi (Beurette de luxe, Fais pas le mec qui frise le ridicule assumé), provoque (Fume à fond et son... Dylan invité sur scène pour fumer un – vrai - joint, bonjour l'hypocrisie de la lutte antistup' après ça), fait parfois mouche (on connaît tous quelqu'un auquel on aurait envie d'asséner le refrain de Baboss de merde) et termine son set sur son célèbre (ouais, enfin...) Freestyle du sale qui se contente d'enchaîner des punchlines jouissives sans grande cohérence. Un morceau qui sera même fait... QUATRE fois d'affilée, avec un public à fond dedans.
Autre fait intéressant à souligner (et pour ne pas totalement perdre le lecteur lambda...) : cette manière qu'ont les rappeurs aujourd'hui de s'attribuer les codes du metal. Ainsi, Lorenzo et ses compères (dont plusieurs portent des t-shirts metal, de Slayer à Iron Maiden) réclament « un wall of death comme au Hellfest » et des pogos à plusieurs reprises, ce qui surprend un peu. Détournement honteux pour les puristes, hommage inattendu pour d'autres – j'avoue que je ne sais pas trop où me situer dans cette histoire. Je me contente de constater que « notre » univers a visiblement un effet d'attraction, voire de fascination pour le public des autres styles, effet encore accru par la publicité qui lui est faite au Hellfest depuis quelques années. Curieux de voir comment tout ça évoluera.
Nostalmaniac : Retour à la Caverne avec une prestation vraiment convaincante de Deap Vally que je ne connaissais pas. Et encore des femmes à l’honneur sous la Caverne. Le duo qui pratique un Garage Rock US propose un show incendaire plein de fuzz et d’énergie. Ensuite, le concert de Milionaire, groupe fondé par Tim Vanhamel (Evil Superstars, dEUS et Eagles of Death Metal) qui fait son come-back, me laisse de marbre. Un pop/rock moderne pas dénué d’inspiration mais que je trouve sans éclat. C’est d’autant plus embêtant sur scène.
Florent : Pas fan de Roméo Elvis, j'assiste distraitement à son concert, la voix du gars m'agaçant particulièrement même si je lui reconnais de bonnes idées. Puis j'admets aussi avoir à un moment atteint ma dose limite de rap sur le week-end, petit à petit.
On repart sur de l'électrique avec un concert dont je comprends en quatre minutes et 27 secondes qu'il ne sera pas fait pour moi : celui du garage rock de Hanni El Khattib. Soyons clairs, le garage rock, c'est loin d'être mon truc, même si je lui reconnais parfois une certaine authenticité et un côté brut de décoffrage plaisants. Là, pour le coup, ce style balancé par un mec en mocassins plutôt propre sur lui, j'ai eu beau m'obstiner un peu, bouger dans la salle, aller, venir, c'est non : je me fais royalement chier. Et je confirme cette phrase qui m'attire souvent des yeux ronds : on peut aimer le metal sans vraiment aimer le rock.
Nostalmaniac : Hanni El Khatib est un musicien-auteur-compositeur qui a grandi à San Francisco et fait son petit bonhomme de chemin depuis 2010 avec quatre albums et de nombreux passages en Europe. Ce n’est d’ailleurs pas son premier à Dour et je suis vite embarqué par son garage rock bluesy. C’est pas trop policé ou convenu. Une certaine énergie punk se ressent même dans certains passages. Les parties claviers sont vraiment intéressantes avec ce feeling vieux rock 70’s. Peut-être simpliste mais Hanni El Khatib est un homme de scène et ça se sent dans sa gestuelle et son contact avec le public. Il n’hésitera pas d’ailleurs à aller dans le public. Quelques longueurs mais un très bon concert.
Florent : Mais voilà maintenant venu le moment dont vous avez tous rêvé : celui où Horns Up va vous faire un live-report de PNL. Ouais ouais ouais ouais ouais ouais ouais ouais ouais. Le duo qui secoue le rap français est à Dour pour sa tournée des festivals et malgré la quasi absence de leur nom dans les reviews médias (une seule mention, positive, dans tous les reportages que j'ai pu lire), Peace'N Lovès est clairement un des artistes les plus attendus du week-end au vu du public nombreux et varié qui se tient devant la Last Arena.
Mais pourquoi ce succès, en fait ? Il y a bien des explications cohérentes. PNL a un univers propre – leur trois albums sont cohérents et racontent « leur » histoire, sans artifices et sans vraiment s'inventer une vie mais avec un vocabulaire bien personnel, parfois imagé, parfois absurde – et une musique très personnelle (des instrus très planantes, un autotune permanent qui peut agacer mais colle totalement au reste), a offert avec ses quatre clips tirés de « Dans la Légende » un vrai court-métrage tourné de façon indépendante (dont les acteurs... tiennent le stand de merch' du groupe, signe que PNL, c'est vraiment « Que la famille », comme le clame leur slogan)... Bref, contrairement à ce que pensent ceux qui les comparent à Jul (et n'ont probablement jamais pris le temps d'écouter un album en se plongeant un peu dans leur univers), Ademo et N.O.S. sont de vrais artistes. Mais la vérité est probablement un peu ailleurs. Car comme beaucoup, en découvrant PNL, ma réaction a été : « c'est quoi cette merde ? », jusqu'à ce que, écoute après écoute, je finisse par tomber dans le panneau et en devenir réellement fan, au premier degré. J'ai beau me découvrir une ouverture d'esprit depuis quelques mois/années, c'est tellement surprenant que j'ai abandonné de trouver une explication logique – c'est comme ça, c'est tout.
Reste qu'en live, j'avais quelques appréhensions. Les deux gars sont réputés pour être des grands timides, très mal à l'aise en public (ils ne donnent jamais la moindre interview) et pas du genre à faire le show (leur musique assez lente et aérienne s'y prête peu, il faut dire). Ca et l'autotune, ça laissait augurer d'un karaoké géant sans grand intérêt. Mais on est rapidement rassurés, dès leur arrivée sur J'suis QLF : PNL a mis les petits plats dans les grands niveau scénographie pour compenser un certain minimalisme dans la présence scénique. Une imagerie un peu rétro : néons, petits films d'animation typés jeux vidéos des années 90 – auxquels ils font d'ailleurs souvent référence : « J'fais l'tour de la plaine avec Epona », « J'suis d'l'époque à Sega, jm'entraîne à frapper comme Sagat ». Et niveau contact avec le public, sans surprise, c'est sobre : des remerciements réguliers, pas d'exubérance comme souvent ce week-end dans les concerts de rap ; les deux gars, joint collé au bec, ont juste l'air contents d'être là.
Pour le reste, pas vraiment de surprise : la setlist balance du tube à la pelle, extraits à 100% des deux albums Le Monde Chico (Oh Lala, rendu célèbre par la parodie hilarante du Palmashow , et les petites surprises J'suis PNL, planant à crever, et Porte de Mesrine avec son sample de sax qui fait partir loin) et surtout Dans la Légende. L'effet « karaoké géant » est moins gênant que prévu et à part un souci technique sur Naha, tout roule avec en point d'orgue du concert ce Jusqu'au Dernier Gramme complètement planant avec son final sombre. Bref, un concert qui file franchement la banane, sans faux pas et qui me confirme qu'envers et contre tout, j'suis QLF.
Nostalmaniac : J’avoue, parler de PNL sur Horns Up ça ne se fait pas dans la douceur. D’ailleurs ne croyez pas que toute la rédaction a cédé. Certains résistent fermement. Non, j’ai pas honte de dire que j’aime PNL. D'ailleurs, qu’on aime ou qu’on n'aime pas, on ne peut pas dire qu’ils n'ont pas ramené quelque chose de nouveau dans nos contrées. Un rap atmosphérique (cloud rap) avec cet univers désabusé en trois dimensions (paroles, clip vidéos, communication). Et oui, des paroles qui prennent le temps de se décoder. Amusé, j’avais lu, après leur passage aux Eurockéennes, dans le Parisien la réaction d’une jeune femme disant : « Moi qui ne suis pas rap du tout, je suis venue à PNL par les paroles. Il n'y a pas de vulgarité, pas de fric, pas de filles à poil dans leurs clips, ça change des autres.». Oui, PNL fer de lance du rap conscient... Non faut pas déconner, PNL c’est vulgaire et ça parle de billets. Par contre est-ce que ça glorifie ce mode de vie ? Dans la mise en image, oui (surtout en connaissant l’impact sur les plus jeunes) mais en creusant bien les paroles, peut-être pas. En tout cas les deux frères n’ont pas fini de faire couler de l’encre tout en tenant les médias très éloignés. C’est peut-être ça aussi qui me fait aimer leur univers, une certaine cohérence. Ils ne vont pas parler à tort et à travers dans n’importe quelle émission/magazine. Ils cultivent le mystère et leur indépendance. Mais aussi l’attente… Alors qu’on a pu entendre les balances depuis notre camping crew (et c’était pas du playback) le matin même, il y aura bien fallu attendre une quinzaine de minutes avant que ça démarre. Light rouges, QLF apparaît et c’est parti avec ... J’suis QLF. Le public massé devant la Last Arena connaît les paroles par coeur. C’est posé, Ademo et N.O.S. arpentent la scène un joint en main. La setlist est bien pensée (des incontournables comme « Oh lala », « Onuzika », « Naha » et « Bêné » mais aussi des titres moins connus comme le sublime « Luz de luna » et sa guitare espagnole, l’entêtant « Porte de Mesrine » avec son sample de saxophone mais aussi le sombre « Cramés »). Les deux frères n’en font pas trop, quelques interventions comme le rigolo « Y en a qui fument ici ? Les autres, fumez pas » #rapconscient !
Niveau scénographie, sur « Naha » débarquent les protagonistes du clip, ce qui fait son petit effet. Un des seuls bémols sera l’enchaînement foiré quand la musique se coupe sur le refrain pour laisser le public chanter et reprend en décalage (d’ailleurs cette partie d’une vingtaine de secondes a fait surface sur les réseaux sociaux pour critiquer le duo … accusé de playback). Sinon, bien sûr qu'il y a de l’autotune mais on est pas dans les dérives de l’autotune. Ici, c’est vraiment raccord avec l’ambiance des morceaux. Une sorte de filtre. Et quand bien même l’enchaînement est foiré, le public chante au-dessus. C’est vraiment un des seuls couacs, avec le micro qui larsen de temps en temps. « Jusqu’au dernier gramme » avec les effets visuels sur les deux frères est totalement planant. La prestation de PNL va au-delà de ce que j’attendais et me donne vraiment envie de revoir ça en salle. Et tiens, pour la petite histoire c’est Bené et d’autres gars qu’on retrouve dans les clips qui tenaient le stand merch. #QLF
Florent : Déjà presque l'heure de dire au revoir à Dour et à son ambiance. L'occasion pour moi de jeter un coup d'oeil à la Redbull Balzaal et ses lights de folie (sa piscine de pisse de folie au milieu, aussi) avant de profiter un peu de nos privilèges et de découvrir la zone VIP, avantageusement placée à côté de la Last Arena. Bon, en vrai, on ne va pas juger un festival à sa zone VIP, mais on est bien mis pour écouter le set de Justice qui me convainc vraiment avec ses mélodies parfois rétro au point de me dire que le duo a probablement influencé la nouvelle vague synthwave qui fait florès ces derniers temps.
Le week-end aura été long et en ce qui me concerne, plutôt convaincant même si je regrette une certaine inégalité au niveau de la Caverne, surchargée le samedi et désertée les autres jours. Une petite overdose de rap, aussi, qui s'explique par la vitalité de la scène belge en ce moment et m'aura tout de même permis de découvrir notamment Damso. L'opinion négative que j'avais de Dour est désormais nettement plus nuancée et pour peu que l'affiche de la Caverne continue à se peaufiner et à creuser des pistes périphériques au metal, je serai ravi de revenir pour humer l'atmosphère de ce festival si particulier. Ca tombe bien : l'année prochaine, c'est les 30 ans. Faites nous rêver...
Nostalmaniac : Les chiffres sont éloquents : 37 000 personnes le mercredi, 48 000 le jeudi, 50 000 le vendredi, 55 000 le samedi et 52 000 le dimanche. 242 000 festivaliers en tout. Le festival progresse encore et encore. Outre ces chiffres flatteurs pour l’organisation, j’ai beaucoup apprécié le festival et son ambiance. Ce n’était pas gagné. Il y a bien sûr des points noirs à améliorer (le camping festivalier et ses commodités, la cohue pour repartir le lundi, le dispositif évolutif de sécurité) mais voilà une expérience dont je ne regrette rien. La programmation est fouillée, on retrouve beaucoup d’artistes indépendants mais aussi des têtes d’affiches pas si fréquentes.
Sans conteste, mes plus gros coups de coeur du festival sont Alcest, Damso, Igorrr, Carpenter Brut, Perturbator et PNL !
Je garde un œil sur la Caverne qui pour moi a un potentiel monstrueux en mettant à l’honneur des artistes Metal/rock décalés et rares plutôt que les têtes d'affiches habituelles des fest metal classique. Pourquoi pas Chelsea Wolfe, Violent Magic Orchestra ou encore le retour de Neurosis ? L’avenir nous le dira.
Lire le report des trois premiers jours ici.
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Crédits :
Textes par l'équipe Horns Up.
Photos : Horns Up et Edouard M.