"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Que ce soit du côté de la France ou de la Suède, on aime bien regarder vers les étoiles et aller dans l’espace. Oh, je ne vais pas parler ici de Thomas Pesquet et de Christer Fuglesang, car tout ceci n’est que métaphore, bien sûr à un niveau musical. Nous avons donc affaire depuis quelques années à deux astronautes musicaux de haute renommée. D’un côté le Français Sébastien Pierre, chanteur de Fractal Gates qui a eu l’occasion d’évoquer les étoiles et le cosmos au sein de la musique très cristalline de son groupe principal, mais c’est aussi un féru de Science-Fiction, en témoigne entre autres sa passion pour les jeux vidéo Mass Effect dont il poste de temps à autre des reprises des thèmes musicaux sur sa chaîne YouTube « Sebdoom ». De l’autre côté, le Suédois Jari Lindholm, guitariste emblématique du groupe Slumber qui a co-crée l’entité AtomA suite au split des premiers cités, avant de laisser les clés de ce groupe très spatial à ses compères Siavosh Bigonah, Ehsan Kalantarpour et Markus Hill (qui ont depuis mis le groupe en sommeil pour des raisons obscures). Jari a donc presque pris part à l’épopée cosmique d’AtomA via son Skylight (2012), mais reste reconnu pour son touché de guitare lead très stellaire. Nos deux protagonistes ont fini par se rencontrer et cela a abouti à la naissance d’Enshine, existant depuis 2009 comme side-projet de Jari mais devenu un duo ensuite. Une rencontre qui a enfanté deux superbes albums de Doom/Death mélodique, Origin (2013) et Singularity (2015), où Fractal Gates rencontrait Slumber et AtomA pour une formidable épopée de Metal un brin spatial et futuriste. Et deux ans plus tard, l’aventure continue mais cette fois-ci du côté Français de la Force. Si Jari possède d’autres projets comme Exgenesis et Seas Of Years, Sébastien lui a Cold Insight.
Cold Insight est donc le projet solo de Sébastien, qui le suit depuis près de 10 ans. Plusieurs morceaux sortiront sur le Net au fil des ans, ce qui aboutira à la fin à la production d’un premier full-length, Further Nowhere. Celui-ci sortira sur Bandcamp vers 2013, mais dans une version… inachevée. Au fil du temps, seuls deux morceaux seront présentés avec du chant ("Distance" et "Deep"), et Sébastien n’allait donc pas s’arrêter là, et préparera une version définitive de ce premier album qui nous parvient aujourd’hui via Rain Without End Records (label d’Enshine et division de Naturmacht Productions). Pour ce faire, Sébastien s’est entouré de Christian Netzell (ex-In Mourning, Vholdghast, Volturyon, et Exgenesis avec Jari Lindholm), et bien sûr de Jari Lindholm en personne qui vient poser quelques leads et solos, en plus d’avoir mixé et masterisé l’album. Avec tout ça, on peut bien sûr s’attendre à ce que Cold Insight soit forcément très proche de Enshine, ce qui sera en partie le cas car à vrai dire Cold Insight fait plus le lien entre Fractal Gates et Slumber que Enshine ne le faisait lui-même (!). De par son statut de projet solo, Cold Insight sera toutefois bien plus marqué par les influences propres de Sébastien Pierre, qui va apporter ses touches personnelles au Doom/Death mélodique de base. Une chose est sûre, l’espace, le cosmos, les étoiles sont encore au rendez-vous, mais d’une manière plutôt différente… Cold Insight va se poser comme une version plus efficace et encore plus futuriste d’Enshine, sous l’égide d’un Mélodeath mordant et inspiré, mais aussi et forcément très doomesque donc envoûtant et raffiné, et catchy tout en étant résolument atmosphérique. Un Doom/Death mélodique très enivrant qui évolue au rythme des sauts cosmodésiques…
"The Light We Are", qui fut d’ailleurs le premier single dévoilé de l’album, nous accueille déjà avec une mélodie cosmique qui semble venir tout droit de la voûte céleste. Aussi mélodique et atmosphérique qu’il soit, Cold Insight reste un projet de Metal et Sébastien pose déjà son univers à grands coups de riffs appuyés, ainsi que de growls bien rauques qui font aussi partie de la marque de fabrique de Enshine et Fractal Gates. D’ailleurs nous pouvons constater que nous avons affaire à une des meilleures performances de Sébastien dans ce registre, dans la lignée de Beyond The Self de Fractal Gates, d’ailleurs les parties vocales de Further Nowhere ont en réalité été enregistrées entre fin 2013 et 2014. Sa science du placement des lignes vocales est tout à fait excellente et cela va rendre la majorité des morceaux de Further Nowhere accrocheurs et irrésistibles pour peu que l’on aime ce type de growls typés Doom/Death. Mais le bougre s’autorise aussi quelques parties plus posées et chuchotées, ce qui va accompagner à merveille les ambiances les plus émotionnelles de Further Nowhere. Si en version digitale, l’album est également proposé dans son versant instrumental, il est indéniable que les vocaux maîtrisés de Sébastien apportent un énorme plus, et il suffit également d’écouter la version 2013 de l’album pour s’en rendre compte, en s’attardant sur les deux compositions qui comportaient déjà du chant. La version complète et définitive de ce Further Nowhere est donc un diamant, ce que "The Light We Are" laisse entrevoir, mais ce n’était qu’une mise en bouche car le potentiel de Cold Insight va vraiment exploser par la suite.
La naissance de Cold Insight avait permis à Sébastien Pierre de se mettre à la guitare et inutile de dire qu’au fil des années, il a mis toute son inspiration dans ce projet. On se laisse donc impressionner par sa forme de compétition dès "Midnight Sun", la première sensation de cet opus, morceau résolument épique qui nous emporte très haut grâce à une savante alchimie entre riffs simples mais percutants, mélodies sublimes, claviers sidérants et surtout parties de chant inoubliables, que ce soit pour les couplets dynamiques, le refrain libérateur ou les breaks plus clairs de toute beauté. Une piste géniale qui montre déjà que Cold Insight va réussir quelque chose de très grand dans son domaine d’application. "Sulphur" permet ensuite au projet de poser vraiment sa personnalité, avec d’emblée des synthés rétro-futuristes qui témoignent de l’influence qu’ont les jeux vidéo SF sur la musique de Sébastien. Et tout comme "Midnight Sun", nous avons affaire à une passionnante et fantastique pièce de Doom/Death mélodique, avec des mélodies et ambiances touchantes, et encore des riffs et lignes vocales particulièrement efficaces sans en faire des tonnes, pour un morceau plus posé mais encore une fois épique à sa manière. Même chose pour "Above" (qui sera précédé du très cotonneux "Close Your Eyes"), piste posée mais lourde, bardée de riffs qui font mouche, de montées de leads splendides, de synthés à l’avenant, et d’une ribambelle de moments forts encore une fois grâce au chant et ces paroles métaphysiques et métaphoriques. Cold Insight est en train de délivrer une petite bombe de Doom/Death cosmique qui regorge de tout ce qu’il faut pour s’évader dans un univers musical stellaire et onirique… la bande-son d’une réalité virtuelle spatiale et futuriste…
Further Nowhere se poursuit sans baisser en intérêt, avec notamment le plus classique mais excellent "Rainside", qui nous permet encore de constater les talents de Sébastien en termes de placement des chants et des claviers, en plus de toujours proposer des mélodies léchées et très enivrantes. C’est d’ailleurs dans cet ensemble qu’on retrouve l’esprit d’un Slumber avec un Doom/Death mélodique direct et efficace, raffiné et entraînant. L’équation est la même pour le parfait "Stillness Days", où outre des riffs bien couillus et des mélodies très lumineuses on commence à entendre vraiment les ambiances futuristes si chères à Sébastien. C’est cette composante qui va d’ailleurs illuminer la suite de Further Nowhere, les claviers commençant vraiment à être sérieusement mis en exergue dès les premières secondes de "Even Dies A Sun", un morceau assez monumental au départ plus Doom que jamais (surtout pour les vocaux très pesants) qui ensuite s’offre tout de même une belle poignée de riffs bien rythmés mais aussi de sensationnels passages de synthés futuristes, témoignant outre l’influence des soundtrack de Mass Effect ceux de Deus Ex dont « Sebdoom » a également fait des reprises. Même chose pour "Distance" au départ très atmosphérique assez formidable, c’est là que l’on trouve toute la singularité de Cold Insight avec ces ambiances futuristes bien différentes de celles d’Enshine, la Science-Fiction dominant ici l’Espace. Et niveau Metal, l’inspiration de Sébastien est toujours au rendez-vous mais en un seul album, il montre déjà sa maîtrise du mélange de ce Doom/Death mélodique avec les sous-couches d’ambiances stellaires et futuristes, dont ce "Distance" est encore un témoignage épique et remarquable (avec un super solo de Jari Lindholm à la fin), une des œuvres les plus marquantes de cet album magnifique de bout en bout.
Quoique, on ne retiendra pas forcément le plus direct "I Will Rise" qui fait très voire trop Fractal Gates et manque de singularité vis-à-vis du reste (même s’il n’aurait pas fait tache sur un des albums de l’autre groupe de Sébastien), ainsi que le beau morceau-titre pour le coup totalement instrumental mais qui se tire légèrement en longueur. Heureusement Cold Insight nous a presque gardé le meilleur pour la fin, et bien que ce "Deep" soit considéré comme un bonustrack et n’a à priori pas beaucoup bougé par rapport à sa version initiale de 2013 (qui avait déjà du chant), c’est pour moi un énorme tube qui bénéficie encore des excellentes lignes de chant growlées très accrocheuses. Une belle tuerie qui couronne un album particulièrement réussi et plus encore. On cherche depuis des années un véritable successeur à Slumber, et même si les candidats sont légion, outre In Mourning et bien sûr AtomA malgré sa variation de style, Enshine était bien parti vu que Jari Lindholm en fait partie mais non, c’est son compère Sébastien Pierre qui remporte la palme avec ce fantastique Further Nowhere. Et le frenchie a su ajouter sa patte au Doom/Death mélodique Slumberien, avec des growls excellents et des ambiances cosmiques et futuristes délicieuses. On attendait pas que Sébastien tout seul réussisse en un seul album, bien que travaillé depuis de nombreuses années, à faire une véritable performance en termes de Doom/Death mélodique et même faire mieux que Enshine. Et pourtant le constat est là, ce premier full-length finalisé de Cold Insight est un chef-d’œuvre en puissance, un disque tout simplement magnifique qui a partir de trois fois rien niveau Metal et d’influences bien digérées se trouvant dans différents spectres musicaux, a réussi à accoucher de morceaux superbes et exceptionnels. Du « Mass Effect Metal » fignolé et maîtrisé et bien plus personnel qu’il n’y paraît, pour un album sidérant et somptueux, à la fois accrocheur et envoûtant, regorgeant de moments forts et inoubliables. Embarquez pour un voyage interstellaire bord du Normandy avec le Metal du futur de Cold Insight concocté par le Commandant Sébastien Shepard !
Tracklist de Further Nowhere :
1. The Light We Are (5:32)
2. Midnight Sun (5:22)
3. Sulphur (7:15)
4. Close Your Eyes (4:05)
5. Above (5:58)
6. Rainside (5:18)
7. Stillness Days (5:52)
8. Even Dies A Sun (5:32)
9. Distance (6:10)
10. I Will Rise (4:59)
11. Further Nowhere (5:16)
12. Deep (4:40)